« Pendant qu’on nous amuse avec des guerres et des révolutions qui s’engendrent les unes les autres, en répétant toujours la même chose, l’homme est en train, à force d’exploitation technologique incontrôlée, de rendre la terre inhabitable, non seulement pour lui mais pour toutes les formes de vie supérieure qui s’étaient jusqu’alors accommodées de sa présence. Le paradis concentrationnaire qui s’esquisse et que nous promettent ces cons de technocrates ne verra jamais le jour parce que leur ignorance et leur mépris des contingences biologiques le tueront dans l’œuf. La seule vraie question qui se pose n’est pas de savoir s’il sera supportable une fois né, mais si, oui ou non, son avortement provoquera notre mort. »
Quel rapport entre les militants de la Gueule Ouverte des années 70 et les politiciens écologistes du jour, à l’Assemblée ou au gouvernement ? Quasiment aucun. Emmanuelle Cosse, madame Denis Baupin à la ville, a réduit cette idée généreuse en bouillie et en marchepied vers un poste de gouvernement, comme n’importe quel arriviste LRPS. L’écologie s’est fondue dans les institutions de la Ve République, et a disparu corps et âme.
Vie et mort de l’écologisme français
Il reste bien sûr des milliers de militants, pas forcément encartés, qui travaillent pour un monde « meilleur ». La trahison de leurs élites, qui se sont perdues dans les jeux d’alliance et de mésalliance avec le PS, a écœuré plus d’un authentique Vert. À l’arrivée, après un demi-siècle de luttes de la base, l’écologie a été neutralisée par le Système, puisque rien n’a changé en matière d’environnement. Certes, Anne Hidalgo a instauré la journée piétonne sur les Champs-Élysées, et quelques normes antipollution sont venues informer les citoyens de la qualité de leur air, mais c’est presque tout.
En vérité, la véritable avancée écologiste, a été le processus politico-économique de désindustrialisation. Plus ou moins volontaire, cette dernière a tertiarisé l’emploi, et nos usines sont parties – c’est une image – en Allemagne ou en Asie. Les 35 heures n’y ont pas changé grand-chose, les 32 ne semblent pas être une solution, quand tant d’indépendants travaillent plus de 50 heures par semaine… Quant au nucléaire, il est toujours là, et si EDF et Areva décident de quelques changements, ce ne sera pas sous la poussée des écolos, mais bien parce que notre « parc » arrive à terme : il faut renouveler nos centrales, ou passer à l’EPR, ce gouffre financier.
Le modèle allemand
Les Allemands, écologistes bien avant les Français, ont instauré une gouvernance tournante de leurs Grünen, histoire d’éviter la guerre des chefs. Ils ont eu raison. Chez nous, le Dallas de série Z avec Cohn-Bendit, Hulot, Duflot, Mamère, Cosse, Placé (anti-Cohn-Bendit), Baupin, Joly (qui a flingué Hulot mais qui s’est fait traiter de « vieille » par Placé), Voynet, Hascoët… a fatigué et les observateurs politique, et le grand public, qui votait pourtant un peu aveuglément pour « les écolos ». C’était bien, c’était vert, c’était vertueux. Mais c’était con.
Et puis, la gauchisation du mouvement a cassé son ancrage populaire. Les « salauds » de droite ont été dénoncés aux cours de procès moscovites, et fini dans les choux. Le modèle alternatif devant les grands enjeux planétaires et locaux, devant la raréfaction des ressources, on l’attend encore. Unis à la base, les militants et électeurs se retrouvaient désunis au sommet. Les adeptes de la théorie de la manipulation y verront l’habileté d’un Système (de récupération), qui neutralise toutes les idées politiques dangereuses.
Après les rouges-bruns, le « fascisme » vert
Car en 1970, il était déjà question de décroissance, d’anticapitalisme, et d’anti-impérialisme. Les écolos étaient résolument de gauche, mais d’une gauche autant antisocialiste qu’anticapitaliste. Les mouvances politiques dites extrêmes se touchaient, se mélangeaient : on était « vert », on était anti-américain, on était propalestinien. Et on était parfois « fasciste » tendance terroir (cette mouvance qui renaît aujourd’hui chez les patriotes), car on avait un ennemi commun : le Système. C’est peut-être pour cela que le lobby sioniste a toujours tiré à boulets rouges sur les ultras de l’écologie, les seuls cohérents dans leur idéologie.
BHL et sa tribu d’obligés n’ont pas eu de mots assez durs pour les rouges-verts-bruns, qui menaçaient leur hégémonie, au fond. Car oui, l’écologie pure était, entre autres, antisioniste. Et cela n’a rien à voir avec « Hitler le végétarien ». En effet, si le Système est sioniste, alors les anti-système ne peuvent être qu’antisionistes. Pas de judéocentrisme là-dedans, mais un rejet de la politique politicienne, du capitalisme destructeur – des hommes et des ressources – et de tous ses avatars (la finance surpuissante, le pouvoir des multinationales sur les États). Car tout se tient. On ne peut pas être contre les OGM et applaudir l’Amérique, Hollywood et tout le tintouin.
Dur de rester pur
La destruction progressive de la radicalité politique de l’écologisme français peut être comparée à l’évolution du titre Charlie Hebdo, qui a subi la même altération. Au départ, Charlie était anarchiste, de gauche ou de droite, avec un fort parfum de Gueule Ouverte, le jeune Pierre Fournier étant à cheval entre les deux titres. Ce sont les éditions du Square qui géraient les deux publications. À l’époque, on se foutait de la droite, de la gauche, des riches, des pauvres (Reiser, ex-pauvre, le faisant avec tendresse), des juifs (mais oui) à travers leurs pleurnicheries et des Américains, à travers leur malbouffe. Déjà, dans La Gueule ouverte, on dénonçait les dangers du nucléaire, la surconsommation, et la trahison des médias. Naturellement, pas le moindre gramme de fric du Système ne viendra soutenir la publication de cette bande d’allumés, qui disparaîtra en 1980, juste avant l’arrivée de Mitterrand au pouvoir.
Une décennie plus tard, Philippe Val piquera le titre de Charlie Hebdo en enfumant Cavanna, et on connaît la suite, pitoyable et tragique. Le canard sera retourné en aide de camp du lobby américano-sioniste, destin de toute tentative contestataire qui flanche. Ça marche pour un parti politique, pour un journal, ça marche aussi avec une personnalité populaire. La preuve, Renaud. Que le Système aura mis 40 ans à retourner. D’ailleurs, le « chanteur énervant » (bien vu) écrivait dans le Charlie Hebdo tendance (Philippe) Val, autant dire pour l’OTAN, Sarkozy et Israël. Tout est dit.