C’est la question que se posent tous les journalistes français depuis l’éruption d’un véritable volcan d’informations sur le candidat d’En Marche !. Jugez vous-mêmes : 9 Go de données, des emails par dizaines de milliers, le tout opportunément publié la veille du second tour. Il ne s’agit dans cet article pas de prendre parti pour l’un ou l’autre des candidats, mais de savoir si les fichiers ainsi diffusés sont authentiques. S’ils le sont, c’est une affaire d’État qui touche à un probable futur numéro un français ; sinon, c’est une conspiration ourdie par une organisation ou un État afin d’affaiblir la position de Macron.
Quel que soit le résultat de cette analyse, on rappelle que le candidat qui a obtenu 24% au premier tour de la présidentielle, s’il a réussi à se placer en tête, ne fait pas l’unanimité : il est le moins bien placé en tant que premier du premier tour des présidentielles de la Ve République, exception faite du premier tour de scrutin 2002, où le sortant Jacques Chirac avait péniblement réuni 20% des voix. Avec 24% et les trois-quarts des Français qui n’ont pas voté pour lui, Emmanuel Macron, s’il est élu président, aura déjà des difficultés pour composer une majorité en juin lors des législatives. C’est un fait politique. Cela aurait été identique pour le FN si Marine Le Pen avait été placée en tête du premier tour par les électeurs.
Voici les faits : 9 giga octets de données concernant une partie des emails de campagne d’Emmanuel Macron et son mouvement sont sortis de la bouche du volcan Wikileaks. Lorsque cette organisation théoriquement non gouvernementale a fait un travail de révélation d’emails de la NSA ou d’autres agences de renseignement, certains journalistes mainstream ont applaudi, d’autres se sont horrifiés de la brutalité incontrôlable de la transparence ainsi imposée. Le Monde et le New York Times se sont servis de ces révélations pour appuyer leur idéologie. Cependant, quand ces révélations ne vont pas dans le sens dominant, elles sont immédiatement taxées de douteuses, ou émanant de services étrangers, par exemple russes.
Un exemple de faux par Dominique Albertini :
Parmi les documents censés accabler Macron, ce contrat d'assurance bourré de fautes d'orthographe... https://t.co/7xbnrE4mcG
— Dominique Albertini (@dom_albertini) 6 mai 2017
Macron took out huge new life insurance policy in March 2017, per docs #MacronLeaks pic.twitter.com/VHUmQCeJAF
— Jack Posobiec (@JackPosobiec) 5 mai 2017
Et une réaction plus globale :
Franchement, a-t-on vraiment besoin des documents vrais ou faux du #MacronLeaks pour savoir qu'En Marche est une immense escroquerie ?
— René Chiche (@rene_chiche) 6 mai 2017
Ainsi, la campagne électorale française a-t-elle pu être parasitée par l’accusation, lancée par les macronistes, de manipulations de hackers russes en faveur de la candidate du FN. Aujourd’hui, samedi 6 mai 2017, toute la question est de savoir si ces emails sont authentiques, et si la signature d’Emmanuel Macron sur les documents annexes publiés à propos d’un compte offshore l’est également. Le mouvement EM ! a déclaré que les documents relatifs à un éventuel compte offshore de son président étaient des faux, repris par un journaliste américain (William Craddick) qui aurait été abusé par une source fausse (4chan). Cependant, les emails ont été authentifiés par EM !, ce qui correspond à une véritable fuite (interne) ou une opération de piratage (hacking). Selon EM !, qui a publié un communiqué à ce sujet, des documents faux ont été glissés parmi les vrais afin de « déstabiliser le processus électoral » :
« Nous appelons les médias désireux de rendre compte de cette opération à prendre leurs responsabilités en conscience. Il ne s’agit en effet pas d’une simple opération de piratage mais bel et bien d’une tentative de déstabiliser l’élection présidentielle française. Il importe par conséquent de prendre en considération la nature des documents fuités, de bien prendre conscience de ce qu’une grande partie d’entre eux sont purement et simplement des faux et l’opportunité de l’écho à donner à cette opération de déstabilisation. »
Julien Cadot de Numerama donne son avis sur l’authenticité des documents :
Je viens d’ouvrir les premiers docs #EMLeaks, ça me semble legit :/. Impossible de fabriquer tout ça.
— julien cadot (@juliencdt) 5 mai 2017
L’ironie de l’histoire, c’est que le camp Macron, qui a profité de l’appui de tout le Système, c’est-à-dire d’une influence majeure sur l’électorat – en termes d’information, d’image, de promotion – se retrouve à crier à la déstabilisation d’une élection qui est déstabilisée depuis le début, soit le 10 avril 2016, lorsque le dauphin de François Hollande a lancé son propre mouvement, avant de prendre congé du gouvernement Valls (le 30 août 2016). À l’époque, le HuffPost écrivait à ce propos :
Cette annonce précède-t-elle celle de sa candidature à l’Élysée en 2017, comme certains l’imaginent depuis des mois ? Non, jure Emmanuel Macron qui, durant un peu plus d’une heure, a pris soin de ne pas prendre trop de distance avec François Hollande et d’affirmer sa loyauté envers le chef de l’État. Il a même assuré que ce mouvement ne présenterait pas de candidat, même si « En Marche ! » pourra soutenir un prétendant.
Depuis, le fondateur d’EM ! a choisi... Emmanuel Macron comme candidat, et le moins qu’on puisse dire, c’est que la socioculture ne s’y est pas opposé de toutes ses forces :
À 24 heures du scrutin final, les anti-Macron cherchent des emails ou des documents compromettants dans la montagne de données publiées (Wikileaks authentifiant les documents sur le prétendu compte des Îles Caïman, à l’inverse du clan Macron qui parle de signatures mal imitées), tandis que les pro-Macron crient à la « manipulation ». Le complotisme dans la bouche des représentants du Système, c’est toute l’ironie de cette histoire, qui ne fait vraisemblablement que commencer. Car tout rappelle la cyberguerre qui a accompagné l’accession au pouvoir de Donald Trump, et qui dure encore, avec des organisations ou des services de renseignement se faisant la guerre par leaks interposées. Il se peut que ce soit le terrain futur du combat politique.