Depuis deux ans que dure la crise de la zone euro, si l’hebdomadaire britannique a toujours été très critique à l’égard de la politique suivie par l’Union Européenne, il est toujours resté un soutien farouche à la monnaie unique. Une tribune publiée vendredi semble indiquer une vraie inflexion.
Un véritable revirement
C’est la chronique Charlemagne du 7 avril qui marque un changement de tonalité dans le discours de The Economist. Jusqu’à présent, le journal défendait mordicus l’euro en affirmant qu’il suffisait de mettre en place des euro obligations, de mutualiser les dettes ou d’augmenter les moyens du FESF pour permettre à la zone euro de sortir de la crise dans laquelle elle est enfermée depuis plus deux ans, d’où une critique sévère des dirigeants qui ne prennent pas les bonnes décisions.
Outre le fait que l’on peut fortement contester le fait que la mise en place d’euro obligations permettrait de résoudre quoique ce soit à la crise de la zone euro, The Economist fait un virage radical. Pour eux « L’histoire est remplie d’unions monétaires qui se sont rompues. Pourquoi pas l’euro ? Si ses fondateurs avaient prévu la tourmente actuelle, ils ne se seraient peut-être pas aventurés dans une telle union monétaire, ou en tout cas, pas de cette manière ».
The Economist soutient que « les Etats endettés pourraient se lasser de la dévaluation interne. Les Etats créditeurs pourraient vouloir arrêter de soutenir les autres. Et les 17 membres de la zone euro pourraient hésiter devant la perte de souveraineté impliquée par le sauvetage de l’euro ». Pour eux, « un processus concerté augmente les chances de sauver de ce démontage les autres grains de l’intégration européenne, notamment le marché unique ».
Pourquoi un tel revirement ?
La raison de cette remise en cause de la monnaie unique vient de l’examen des études présentées au Policy Exchange, un think tank britannique proche du Parti Conservateur, qui va décerner un prix au meilleur plan de sortie de l’euro. The Economist revient sur les travaux de Jonathan Tepper, dont je vous avais parlés fin février. Cet économiste a donc étudié la fin de 69 unions monétaires au 20ème siècle. Il soutient que « dans presque tous les cas, la transition a été douce ».
Il faut rappeler ici que les travaux d’autres universitaires, de Berkley, Princeton ou de l’université de Berlin démontrent exactement la même chose, à savoir que la fin d’une union monétaire est quelque chose de banal dans l’histoire économique du dernier siècle, que les processus de démontage sont parfaitement connus, qu’il est donc parfaitement possible de décrire précisément le mécanisme de sortie et, mieux, que cela relancerait la croissance des pays européens.
Bien sûr, les partisans de la monnaie unique opposeront les scénarios de la banque ING ou de l’institut Montaigne. Mais il est tout de même frappant de constater que ces scénarios ignorent totalement les expériences du passé, comme si elles gênaient leur démonstration. Les travaux remarquables de Jonathan Tepper et des autres participants au concours du Policy Exchange démontrent une rigueur analytique bien supérieure à celle des groupies de la monnaie unique.
Non seulement la sortie de l’euro est souhaitable, mais elle est possible. On sait parfaitement comment démonter une union monétaire et cela serait encore plus facile en Europe, où les monnaies nationales ont déjà existé. Et cela permettrait de relancer la croissance.