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Quand Régis Debray réhabilite les frontières

par Laurent Pinsolle, porte-parole de DLR

J’avais déjà beaucoup apprécié le livre de Régis Debray sur le Général de Gaulle. D’une tendresse incroyable, ce « converti » avait écrit un hommage magnifique au plus grand homme de notre histoire. Il s’attaque dans ce court essai aux présupposés négatifs à l’égard des frontières.

Notre époque prise à contretemps

C’est peu de dire que les quarante dernières années semblent avoir eu pour unique objectif de supprimer les frontières qui caractérisaient nos Etats : liberté de circulation des capitaux, des biens, des personnes. La doxa néolibérale chercher à imposer une liberté de passage totale. Et le mot frontière est aujourd’hui connoté de manière très négative, à la fois chargé de passéisme et de nationalisme, comme on a pu le constater dans le débat entre NDA et Olivier Besancenot sur I-télé.

Régis Debray, dont le président de Debout la République a conseillé la lecture au candidat du NPA, s’attache à démontrer l’apport fondamental des frontières à l’homme et aux civilisations. Le livre est truffé de citations et de formules toutes plus percutantes les unes que les autres qui expriment bien cela. Il commence ainsi en affirmant : « Une idée bête enchante l’Occident : l’humanité, qui va mal, ira mieux sans frontières » évoquant « un monde sans dehors ni dedans ».

Il souligne que les frontières, « une affaire intellectuelle et morale », sont un mode d’organisation profondément humain, qui nous différencie des autres animaux. Il moque cette « planète lisse, débarrassée de l’autre (…) une terre liftée, toutes cicatrices effacées, d’où le Mal aurait miraculeusement disparu ». Pour lui, « l’intelligentsia post nationale, dite à tort critique et radicale, nous offre des abris anti réalité, avec des théoriciens de grand savoir et de peu d’expérience ».

L’éloge des frontières

C’est à Régis Debray que l’on doit cette comparaison de la frontière à la peau, qui « fait d’un tas un tout ». Il convoque religion et histoire pour montrer à quel point la frontière est liée à la civilisation et à l’humanité. Il n’oublie pas sa dimension ambivalente : « elle inhibe la violence et peut la justifier. Scelle une paix, déclenche une guerre. Brime et libère. Dissocie et réunit ». Mais c’est aussi « une forme intemporelle dans un temps volatil, du sans prix dans le tout marchandise ».

Pour lui, la frontière, c’est, comme la peau cette « couche isolante, dont le rôle n’est pas d’interdire mais de réguler l’échange entre un dedans et un dehors ». La frontière n’est pas un mur : elle régule et filtre le passage sans l’interdire. Il soutient qu’une « personne morale a un périmètre ou n’est pas. D’où vient que cette ‘communauté internationale’ n’en est pas une ». La fin des frontières c’est faire de nous des « n’importe qui, autant dire personne ».

Pour l’auteur, la frontière nous permet de faire corps, elle transforme une population en peuple. Il cite le dermatologue Jean-Paul Escande : « la peau est non seulement l’enveloppe de l’organisme, elle en est aussi le miroir et le résumé ». Pour lui, « l’indécence de l’époque ne provient pas d’un excès, mais d’un déficit de frontières. Il n’y a plus de limites à parce qu’il n’y a plus de limites entre ».

Plus politique, il note que notre laïcité sépare et que les frontières font des Etats des contre-pouvoirs : pour lui, le fort est fluide et n’aime par les remparts, au contraire du faible. Il montre que c’est l’absence de frontières fixes qui mine le conflit israélo-palestinien et dénonce le « sans-frontiérisme », un absolutisme impérialiste et occidentaliste qui avalise « le moins d’Etat et le plus de mafia ».

Il s’interroge : « quand on dénie la partition, n’est-ce pas au partage que l’on se refuse ? ». Il convoque Aimé Césaire, pour qui on pouvait se perdre « par ségrégation murée dans le particulier et par dilution dans l’universel ». Pour lui, « la frontière nous rend l’envie de nous dépayser (…). De sa sauvegarde dépend la survie non pas de citoyens du monde (…) mais de citoyens de plusieurs mondes à la fois ».

Avec ce livre, Régis Debray signe un ouvrage indispensable à une époque où la mondialisation qui abat les frontières semble être un horizon indépassable. Avec son style élégant et recherché, il invite à une réflexion fondamentale sur la nature de l’humanité, et les nations dont les frontières sont la peau.

Source : « Eloge des frontières », Régis Debray, NRF, Gallimard

 






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3 Commentaires

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  • #13896
    Le 8 mai 2011 à 16:11 par Vincent
    Quand Régis Debray réhabilite les frontières

    " Il souligne que les frontières, « une affaire intellectuelle et morale », sont un mode d’organisation profondément humain, qui nous différencie des autres animaux. "

    Ça, c’est très stupide. Il suffit de voir quelques reportages animaliers pour constater que les frontières ne sont pas une exclusivité de l’humanité. Que celui qui a dit ça se balade sur le territoire de chasse d’une troupe de lions, et on verra s’il tient toujours le même discours . . .

     

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  • #13903
    Le 8 mai 2011 à 16:51 par anonyme
    Quand Régis Debray réhabilite les frontières

    Ce même Pinsolle qui s’enfonce la tête dans le sable sur la réalité des chiffres de l’immigration. Contre vents et marées, il trouve le moyen de roucouler sur les concepts de frontière...
    On lui préfèrera une Malika Sorel, bien plus pragmatique.

    http://www.egaliteetreconciliation....

     

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  • #13947
    Le 8 mai 2011 à 20:01 par seber
    Quand Régis Debray réhabilite les frontières

    Les faux-culs de Marianne dans toute leur splendeur. La soupape de sécurité du Système.
    Comme Sarkozy faisait du Le Pen sans en faire, Pinsolle et consorts découvrent que ce que dit le FN depuis 40 est vrai mais ne veulent pas du FN.
    Bien entendu, ils n’ont aucune alternative politique : Bayrou en 2007 (on est prié de ne pas rire), NDA en 2012. Autant attendre la venue du Messie.

     

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