« L’influence de Publicis sur Le Monde a été confortée quand la firme de M. Lévy est devenue le principal contributeur, à hauteur de 12 millions d’euros, du plan d’obligations remboursables en actions destiné à financer le développement du quotidien du soir. Publicis est aussi actionnaire à 49 % d’Espace Libération, la régie publicitaire du quotidien dirigé par Serge July. » (Le Monde diplomatique, 2004)
C’est un truisme d’énoncer que la presse est un support publicitaire avant d’être une source d’information, car la plupart des titres vivent d’abord de la publicité (et de leurs actionnaires), plus rarement de leurs ventes seules. Seuls deux journaux en France se passent de pub, et ils doivent être honorés pour ça, quoi qu’on en pense idéologiquement : Charlie Hebdo et Le Canard enchaîné. Ceci dit, ils sont de cette bonne gauche bien-pensante qui ne fait pas de mal au Système ; ils pourraient donc prendre de la pub : ça ne changerait pas grand-chose à leur ligne éditoriale, car la pub est intrinsèquement pro-Système. Mieux, elle est le Système.
Fin 2016, juste avant l’élection présidentielle qui conditionne beaucoup de choses en France, dans le domaine politique bien sûr mais aussi dans le domaine médiatique, puisque les deux sont inextricablement liés chez nous – le 4e pouvoir est une illusion – l’hebdomadaire de droite Valeurs actuelles change de mains. Sa ligne éditoriale passe, pour faire simple, de nationaliste tendance FN à nationale-sioniste tendance Sarkozy (qui tentait alors de revenir avant d’être plombé par l’affaire Kadhafi) ou Zemmour. Un par un, tous les cadres proches de Jean-Marie Le Pen seront éliminés ou remplacés.
Valeurs actuelles, avec ses 112 000 ventes (source OJD, avec 75% d’abonnés, contre 80 000 en 2011), c’est le seul succès des news mags à l’époque des coupes sombres dans les ventes chez les hebdos concurrents Marianne, L’Obs, L’Express (90 postes supprimés en 2015 lors du rachat par Drahi), Le Point (chute des ventes continue et effondrement des visites sur le site en 2017) et Le Canard enchaîné (devenu terriblement bien-pensant). Avant, on disait que la presse de gauche souffrait sous la gauche, ce n’est plus vrai aujourd’hui : tout la presse souffre sous la gauche ou sous la droite !
Le mal est donc plus profond qu’une simple adéquation ou inadéquation à la couleur du pouvoir...
Au sein de ce marasme généralisé, Valeurs actuelles vend, et vend de plus en plus. En exhibant ses couvs que n’aurait pas désavouées Minute, l’hebdo a mordu dans un juteux fromage : le renouveau nationaliste, la ligne dure contre le pouvoir socialiste sous Hollande, et la dénonciation de la menace islamiste (le pouvoir musulman !) depuis l’élection de Macron, ce qui permet de ne pas gêner les deals d’armes de l’actionnaire. Malgré un souverainisme de façade, les ventes grimpent, les abonnements affluent, les lecteurs applaudissent, les voisins louchent sur la success story.
En 2019, la ligne ultralibérale du journal a éradiqué tout penchant FN (ou RN). Les frontistes ont été évincés au profit des sarkozystes puis des zemmouristes. Il reste un avatar de L’Express, réduit à des coups et couvs islamophobes ou anti-immigrationnistes pour marquer des points dans l’opinion.
Le Figaro, lui, fidèle a ses choix éditoriaux dictés par l’actionnaire, vogue sur la même ligne avec un peu plus de gants. Que l’on se souvienne, à propos de ce journal, de l’anecdote narrée par Jean-Marie Le Pen dans le tome 2 de ses Mémoires , illustrant en peu de mots les liens de connivence entre la publicité et un certain groupe communautaire. Tout y est résumé, y compris la pusillanimité de l’autre camp :
Le Figaro Magazine eut un moment de gloire sous Louis Pauwels. Celui-ci avait un regard et des formules. [...] Mais il n’avait pas la vocation du martyre et quand il lui a fallu choisir entre la ligne éditoriale et la publicité, il a choisi. Nous étions un jour en interview dans son bureau, il a poussé le bouton de l’enregistreur pour l’arrêter et m’a dit : « Le pouvoir juif brisera ceux qui s’opposent à lui. Moi, j’ai choisi de plier. »
Exit la ligne politique FN donc, et bonjour le rabibochage intéressé avec le pouvoir en place, qu’il soit rose ou bleu. Comme l’explique brillamment Maroun Zainoun dans une enquête sur Iskandar Safa (un des trois repreneurs) et les intermédiaires du marché de l’armement, diffusée dans le mensuel Lyon Capitale le 7 mai 2015 :
« Cette vente [de 24 Rafale au Qatar, NDLR] fait aussi l’affaire de François Hollande, pour les raisons déjà évoquées : des attaques moins frontales et moins agressives, maintenant que l’actionnaire est en affaires avec le sommet de l’État. Imagine-t-on en effet une couverture de Valeurs actuelles traitant le président de la République d’incapable, au moment où il est en train de conclure au Proche-Orient des ventes de Rafale ?
Cette vente arrange aussi, bien sûr, Dassault, qui vend du matériel militaire – et les précieux Rafale, après des années de disette totale – mais utilise aussi régulièrement les services de Safa, dont l’influence et l’entregent dans le secteur comptent parmi les plus importants à l’échelle de la planète. L’un des fils Dassault, Olivier, reste d’ailleurs très présent au sein de Valeurs actuelles. »
C’est l’ancien directeur de TF1 Étienne Mougeotte qui pilote depuis 2015 le nouveau Valeurs actuelles, sur une ligne plus modérée, flanqué de son Charles Villeneuve de toujours. Le groupe Valmonde tombe donc dans l’escarcelle d’un puissant intermédiaire de l’armement, intéressé sur les ventes d’armes au Moyen-Orient. Le franco-libanais est par exemple intervenu lors de l’achat de 24 Rafale par le Qatar. Indéboulonnable, il officie aussi bien à droite (sous Chirac et Pasqua) qu’à gauche. Il a « sauvé » les chantiers navals de Normandie, et Cazeneuve est dans sa poche.
Nous résumons, bien sûr, en termes imagés, les relations entre la puissante industrie de l’armement et le pouvoir politique, qui lui doit tout. Les emplois, l’influence (par la voie des médias), et le cash. C’est aujourd’hui banal de dire que les partis politiques se refont la pelote sur les gros contrats, avec le système des commissions et des rétrocommissions, ces dernières étant théoriquement interdites. Dassault (dont le fils Olivier est présent dans l’hebdomadaire, au titre de vice-président) avait vendu le titre en 2006 au groupe Valmonde, de Revol donc, qui a donc été racheté près de 10 ans plus tard par un homme d’affaires qui traite avec Dassault et l’État. La boucle est bouclée. Les lecteurs frontistes ou sympathisants de Marine Le Pen devront changer de crèmerie.
Valeurs actuelles plaisait à ses lecteurs de droite traditionnelle ou nationaliste. En ayant choisi le pouvoir contre l’indépendance et la souveraineté, le titre devrait rentrer dans le rang, en termes de ventes, et de positionnement politique. Pour maintenir l’illusion de l’indépendance et d’une ligne droite dure, il suffira de titrer sur l’islam régulièrement, comme toute la presse qui avait préparé le lit de l’élection de Sarkozy en 2005-2006.
Au fait, pourquoi le titre phare du groupe Valmonde a-t-il accepté, malgré son succès depuis 2011, de changer en 2015 son orientation idéologique pour passer de la droite catholique nationale à une droite plus libérale, plus islamophobe, pour ne pas dire plus ? Le groupe avait-il du mal avec les annonceurs ? Poser la question, c’est y répondre.
Au-delà de l’actionnaire principal ou structurel, les annonceurs sont les actionnaires conjoncturels et en tant que tels deviennent les décideurs de la ligne éditoriale des titres de presse.
« Présente sur les cinq continents, dans 109 pays avec près de mille agences, cette multinationale française dispose d’enseignes prestigieuses de publicité sur les principaux marchés depuis qu’elle a acheté l’américain Leo Burnett ou le britannique Saatchi & Saatchi, ou qu’elle s’est alliée au japonais Dentsu. À travers ses campagnes publicitaires et ses services marketing, Publicis se situe au cœur de la consommation mondiale. Fort de ses réseaux Starcom Mediavest et Zenith Optimedia, le groupe, leader mondial de l’achat d’espace publicitaire, détient aussi un pouvoir considérable sur de très nombreux médias dont il peut affecter l’équilibre économique. » (Le Monde diplomatique)
Le groupe Publicis, qui tient entre ses mains la presse magazine française par le truchement des annonceurs, peut faire et défaire un titre. Lorsque Valeurs actuelles tendait trop à droite (ou trop à France), dans le sens lepéniste, la publicité pouvait venir à manquer.
« M. Lévy affiche un soutien militant à l’État d’Israël. Le groupe qu’il préside est implanté, via sa filiale Ariely, dans l’État hébreu. Le Mossad lui doit une de ses campagnes de recrutement destinée aux jeunes à haut niveau d’études. Exemple, cette annonce publiée en 2000 dans la presse israélienne : “Si vous avez entre 25 et 35 ans, si vous cherchez une profession passionnante, si vous n’êtes plus motivé par votre profession ou si vous êtes ouvert à une fascinante carrière, faxez votre CV au 1-800-371-333. Le Mossad s’adresse non pas à tout le monde, non pas même à beaucoup, mais peut-être à vous. » L’appel était suivi d’un texte incitant les recrues potentielles à « penser différemment, à aller au-delà des limites de l’habitude là où convergent le rare et l’essentiel, l’aptitude et l’audace, l’intelligence et la créativité”. »
Quand Jean-François Kahn, au milieu des années 90, a dénoncé la pensée unique, expression de son cru, Marianne était nettement de tendance chevènementiste, soit souverainiste de gauche. Automatiquement, la publicité a commencé à déserter l’hebdomadaire, qui vendait pourtant plus de 200 000 exemplaires, soit 95 % de ses recettes, un record dans le monde de la presse. Mais cela n’a pas suffi, et l’étranglement financier s’est renforcé. JFK (Jean-François Kahn) a été obligé de changer l’orientation de son titre, d’y faire entrer des cadres plus « adaptés » à l’actionnaire (Yves de Chaisemartin) et aux annonceurs, donc à Publicis, qui devient du fait de sa puissance un acteur politique dans la presse.
Cette altération de la ligne éditoriale, la désouverainisation de Marianne a donné le journal qu’on connaît depuis Maurice Szafran et Renaud Dély, deux socialo-sionistes décomplexés. Mais en gagnant la publicité et la bien-pensance qui va avec, Marianne a perdu l’appui populaire. Ses ventes ont chuté (de 240 000 exemplaires en 2012 à 120 000 en 2018 !), l’actionnaire a tenté un coup de resouverainisation avec l’arrivée de Polony, puis Kretinsky a tout raflé.
Voici ce qu’écrivait Kahn en 2008 :
Il n’y a pas un mot à changer 11 ans plus tard.
On l’aura compris, qu’on soit de droite souverainiste comme l’ex-Valeurs actuelles ou l’ex-Marianne, « ne pas penser comme il faut » selon « une idéologie bien particulière » peut avoir des conséquences désastreuses pour l’équilibre économique d’un titre.
Aujourd’hui que les modèles économiques changent sous l’influence de l’Internet, la publicité reste toujours aussi importante, voire vitale pour les sites d’information qui ne font pas de vente au numéro comme la presse papier. De la même façon que Publicis peut assécher un titre en publicité, les fameux Sleeping Giants tentent d’étouffer tout ce qui s’oppose à l’idéologie mondialiste. On a vu en France comment un simple Tristan Mendès pouvait étrangler ou tenter d’étrangler tout ce qu’il appelle la fachosphère.
Maintenant que la presse écrite indépendante a été soumise et détruite, le Système, avec ses armes, s’occupe des sites internet non alignés. Si Publicis a pu soumettre des titres avec le chantage à la publicité, comment les Sleeping Giants pourront-ils soumettre un titre comme E&R qui n’a pas de publicité ? En revanche, la chaîne TV Libertés, dont les recettes publicitaires comptent dans le modèle économique, est menacée par l’agression mondialiste. Nous relayons la substance de leur appel, car plusieurs médias se sentent concernés :
« Au nom de TVLibertés et de son président Philippe Milliau, je viens de signer un appel solennel pour dénoncer l’attitude ignoble d’un groupe d’extrémistes de gauche : les Sleepings Giants.
Ce groupe de pression contraint les marques à retirer leurs publicités des médias non conformes ou alternatifs. Certaines entreprises commerciales acquiescent ou cèdent à l’incroyable chantage.
Ces activistes soutenus secrètement par quelques personnalités influentes des médias de masse manient impunément l’illégalité, la délation, la stigmatisation et la censure.
Ces campagnes de terreur visent à tuer la liberté d’expression !
C’est pourquoi TVLibertés s’est associé à l’appel signé par Geoffroy Lejeune de Valeurs actuelles, Gabrielle Cluzel et Marc Eynaud de Boulevard Voltaire, Didier Maïsto de Sud Radio et beaucoup d’autres comme Ivan Rioufol du Figaro, Jacques de Guillebon de L’Incorrect ou François Bousquet d’Éléments. »
Ces titres sont, on peut le dire, d’inspiration nationale-sioniste. Or les Sleeping Giants sont eux une émanation du lobby mondialiste socialo-sioniste, ce qui veut dire une chose, et d’importance : il ne sert à rien de se soumettre au sionisme, puisque d’une manière ou d’une autre, il réduira tout ce qui est d’un autre souverainisme.
Conclusion : on ne peut pas être national-sioniste en France, c’est-à-dire dire nationaliste français et sioniste. Le sionisme ne partage et ne pardonne pas, et tout ce qui touche ou a touché au FN ou au RN de près ou de loin sera non seulement soumis, mais réduit. Il n’y a pas de demi-combat, ou de concession à faire à l’adversaire idéologique du nationalisme français.
Voir ou revoir l’analyse d’Alain Soral sur Publicis et Maurice Lévy en avril 2012