Le magazine Elle a consacré un article aux jeunes filles qui vont voter pour la première fois à la présidentielle 2012.
Nous commençons avec Marion, Alizée et Paola en terminale dans un lycée professionnel. Paola va voter “comme maman” (sic). Marion nous explique qu’il faut “remettre à niveau les gens modestes et les très riches” : preuve qu’elle a déjà digéré le vocabulaire du système qui n’appelle plus un chat un chat mais un pauvre quelqu’un de “modeste”. Et Alizée elle, “votera pour celui qui aura un véritable plan d’emploi des jeunes”. Si elle est logique elle devrait donc voter blanc. Mais la logique et les jeunes filles…
Poursuivons. Lucille, surveillante dans un collège, militante féministe, estime que les droits des femmes seront reconnus par la prise en compte du vote blanc…
Laure-Anne, Camille et Marine, en licence d’arts plastiques à Bordeaux
Laure-Anne : “C’est super important que quelqu’un incarne la fonction, qu’il inspire le respect autant que la confiance. On ne veut pas d’un Président people. On a envie de sincérité, de quelque chose qui nous élève, pas de ces guéguerres médiatiques entre candidats ou à l’intérieur des partis. Il n’y a que ça qui ressort actuellement de la campagne. C’est frustrant pour un premier vote, alors qu’on attendait ce moment ! “ Oui, tu as raison cocotte c’est super important la sincérité. On parle d’une élection, pas du dernier épisode de Grey’s anatomy ! Laure-Anne, hors-sujet…
Camille, elle, aimerait ressentir “une émotion” en votant… Pour une première fois elle risque d’être un peu déçue parce que la politique c’est de l’ordre du rationnel pas de l’émotionnel. Mais les premières fois sont toujours décevantes n’est-ce pas ?
Marine, elle, trouve que le discours des politiques n’est pas accessible. Pourtant il est calibré par les conseillers en com’, 300 mots différents au maximum, la pensée politique réduite au slogan, pour que justement même les cruches puissent avoir un avis…
Myriam, animatrice de maison des jeunes à La Courneuve : “Je voterai avec conviction le jour où un homme ou une femme politique n’aura plus de clichés sur les banlieues, où les habitants des quartiers ne seront plus stigmatisés, réduits à des “racailles” et des dealers”. C’est vrai qu’il n’y a aucune racaille en banlieue, c’est un “cliché”. Ça doit être un « sentiment d’existence de la racaille… ».
Marie, en BTS, en stage dans un foyer de travailleur migrants “donc elle va voter à gauche”. Ce ne serait pas plutôt l’inverse cocotte ? C’est parce que tu es à gauche que tu fais un stage dans un foyer de migrants…
Sofia en terminale : “pour moi voter c’est une ouverture sur les autres et la société”… Voter c’est décider du destin commun. Si on veut s’ouvrir aux autres on va sur Facebook chercher des amis. S’ouvrir aux autres dans un isoloir ce ne serait pas un peu paradoxal ?
Marie, étudiante à l’institut catholique (histoire de l’art) : “Je ne crois pas en l’État providence. Il faut avoir de l’ambition” donc elle vote UMP. De l’ambition ? En étudiant l’histoire de l’art à l’institut catholique ? Son avenir apparaît dans la boule de cristal citoyenne : dans 2 ans elle épouse un droitard crevard du XVème arrondissement, elle finit femme au foyer et si elle a de la chance elle pourra occuper ses après-midi à écrire des livres pour enfants…
Mathilde en BTS : “c’est fini le clivage gauche-droite” donc elle va voter Sarkozy pour faire comme papa. Comprenne qui pourra…
Ibtissem, voilée, en fac de langues : “Voter n’est pas un truc que je prends à la légère” donc… roulement de tambour… suspens insoutenable… “Je n’ai pas encore choisi de candidat.” Les programmes sont dévoilés (eux) il est donc facile de prendre ses responsabilités et de faire son choix.
Marie-Eve, black, Lille : “Quel est le candidat idéal pour moi ? Il est grand, il est noir et il s’appelle… Barack “… ça, si ce n’est pas du communautarisme pour midinette, ça y ressemble quand même beaucoup.
Leslie, BTS protection de la nature en Corrèze : “Les grands candidats ne m’inspirent pas, et les petits n’ont aucune chance d’être élus. Ce qui m’obligera peut-être à voter utile”, c’est sur que c’est avec le vote utile pour l’UMPS qu’on change le système. 22 ans, déjà grabataire dans la tête.
Inès, étudiante dans l’audiovisuel à Rennes, pour bien clore le dossier : “Moi, je vais voter contre le FN pour ne pas revivre le cauchemar de 2002.” Ah oui, ça c’est important… La bête immonde ne passera pas. Nous vivrons tous du coup au pays du bonheur, de la paix et de la prospérité…
Conclusion
On peut se demander si le journal Elle, pourtant destiné aux femmes, ne serait pas inconsciemment ultra sexiste, et ce pour deux raisons :
réussir à aligner une telle brochette d’idiotes qui se contentent de rabâcher tous les lieux communs sur la politique sans qu’il y en ait une seule, oui une seule, qui développe une analyse politique un peu conséquente, c’est continuer à diffuser l’idée que les femmes et la politique ça fait deux ;
encore plus pernicieux : aucune des jeunes filles interrogées ne fait des études sérieuses. C’est à dire des études qui ne vont pas les conduire directement soit au pôle emploi soit aux CDD à temps partiel de caissières. On aurait pu interroger des jeunes filles qui étudient les mathématiques fondamentales, qui sont dans des grandes écoles, qui font des études de médecine, qui seront indépendantes financièrement et non pas des petites filles assistées qui dépendront de leurs maris et voteront comme papa et maman.