La ministre de la Santé veut que l’Europe fixe un seuil maximal global de pesticides pour les aliments alors qu’aujourd’hui, les limites sont fixées substance par substance au risque de provoquer un « effet cocktail »...
Une expression qui peut sembler festive… mais qui révèle encore de mauvaises nouvelles pour votre santé. « L’effet cocktail » des pesticides est dans le viseur du gouvernement. Jeudi, la ministre de la Santé, Marisol Touraine a annoncé que le gouvernement souhaitait fixer « une limite maximale globale » pour la dose de pesticides autorisée dans les aliments. En effet, aujourd’hui, les pesticides sont certes limités, mais substance par substance. Un seuil qui ne prend pas en compte ce qu’on nomme « l’effet cocktail ».
Une synergie des pesticides
L’effet cocktail, c’est l’impact cumulé de plusieurs pesticides sur la santé d’un consommateur. « Il arrive qu’une molécule seule n’induise pas d’effet nocif mais que, mélangée à d’autres, elle ait un impact », résume Nadine Lauverjat, coordonnatrice de Générations futures, association qui alerte depuis des années sur les dangers de pesticides. Et qui a cette semaine dévoilé une étude très relayée sur la présence de multiples pesticides dans le muesli non bio.
Selon une étude de l’Inra, l’effet cocktail a bien été prouvé, mais uniquement sur des cellules humaines in vitro et non avec des expériences sur des humains. Cette étude s’est penchée sur l’effet conjoint de cinq pesticides très présents dans notre alimentation. Selon cette étude, deux molécules, le fludioxonil et le cyprodinil présentent un effet de synergie et endommagent l’ADN. « On ne peut cependant pas extrapoler ces résultats in vivo. Les doses auxquelles nous sommes exposés sont, a priori, bien inférieures aux doses qui seraient toxiques sur un organisme entier », nuance le chercheur en charge de l’expérience. « Mais on commence à peine à étudier cet "effet cocktail", insiste Générations Futures. Notre inquiétude aujourd’hui est liée à ce manque d’évaluation ».
Mais dans le détail, les effets sont plus complexes. « Certaines molécules interagissent, explique Robert Barouki, professeur à l’université Paris Descartes et toxicologue à l’Institut nationale de la santé et de la recherche médicale (Inserm). Par exemple un pesticide peut être peu toxique seul mais associé à un autre, ils deviennent cancérigènes. À l’inverse, certaines molécules ont des effets qui s’annulent. Nous n’en sommes qu’au début de cette réflexion sur les effets cocktails des pesticides. Vous imaginez, avec 400 pesticides, le nombre de combinaisons possible… »