L’émir du Qatar vient d’abdiquer en faveur de son fils. Pour une presqu’île de moins de 12 000 km² au climat désertique et comptant moins de 2 millions d’habitants, l’information aurait pu être banale. Sauf que l’émirat recèle d’importants gisements d’hydrocarbures qui font de lui le premier exportateur de gaz naturel liquéfié au monde et le troisième producteur de gaz naturel. Le pétrole y est en quantité plus modeste.
En plus de cette importante richesse naturelle, le Qatar est devenu en moins de deux décennies une place financière qui compte dans le monde de l’économie. Pas seulement, puisque l’émir qatari affiche un volontarisme tant politique que financier qui lui confère le rôle d’acteur très actif dans les conflits qui agitent la région, en plus de celui d’investisseur hors normes dans les capitales occidentales, notamment en France. Le tout mis en exergue par une politique de communication très offensive prise en charge par la chaîne de télévision Al Jazeera, lancée par le désormais ex-émir, en novembre 1996, soit une année après avoir déposé son père.
Toute la publicité faite autour de la puissance financière du Qatar masque en réalité ses deux grandes faiblesses. D’abord sa démographie (80 % de sa population est composée d’étrangers) et ensuite sa dépendance des institutions financières internationales où est placée toute sa fortune. Partant de ce double constat, certains observateurs n’hésitent pas à avancer qu’il n’est qu’un jouet entre les mains de la finance mondiale.
Leurs arguments reposent d’abord sur toutes les facilités techniques (satellitaires et autres) qui font le rayonnement de la chaîne Al Jazeera. Des facilités qui ne sont pas accordées à toutes les chaînes télé. En témoigne l’étouffement de la chaîne Al Manar.
Il y a également l’étrange décision de la FIFA (Fédération internationale de football association) en 2010 de confier au Qatar l’organisation de la Coupe du monde en 2022. Décision dont les soupçons ont abouti, l’année suivante, au bannissement à vie du Qatari Mohamed Ibn Hammam, président de la Confédération asiatique, accusé d’avoir acheté des voix lors de l’élection à la présidence de la FIFA. Mais avant cette condamnation, une autre organisation, la Fédération internationale de handball (IHF) avait eu le temps de désigner le Qatar pour organiser le Mondial 2015 de handball. Deux rencontres mondiales qui ont pour but de propulser davantage le petit État sur la scène internationale.
L’implication du Qatar dans plusieurs pays qui ont connu « le printemps arabe » avec comme moyen de propagande la chaîne Al Jazeera, des moyens financiers aux rebelles et même plus directement en participant militairement aux côtés des forces de l’OTAN à l’agression contre la Libye, confirment selon les mêmes observateurs qu’il s’agit tout simplement d’un « retour d’ascenseur ».
Dans tout ce « décor » comment interpréter le retrait de l’émir au profit de son fils ? Il faut savoir que depuis l’indépendance du Qatar, en 1971, les coups d’État se sont succédé. En 1972, c’est le père de l’émir « sortant » qui destitue son cousin avant d’être à son tour destitué par son propre fils en 1995. Ensuite la personnalité de l’émir qui vient d’être désigné pourrait apporter un début d’explication. Le nouvel émir désigné, hier, par son père est son quatrième fils et le deuxième qu’il a eu avec sa deuxième épouse qui est à ses côtés lors des cérémonies publiques. Il est membre du Comité international olympique (CIO) depuis 2002 et président de cette instance au Qatar. C’est lui qui a racheté le club français du football, le PSG. C’est en 2003 que son frère aîné Jassem a été écarté de la succession à son profit. Un CV qui prouve que par ce changement, le Qatar est programmé pour être plus belliqueux !