Outré d’avoir été traité de collaborateur nazi dans les pages des quotidiens de Quebecor au cours du débat sur le lancement de la chaîne Sun TV, le milliardaire américain George Soros menace maintenant de poursuivre le conglomérat médiatique devant les tribunaux pour atteinte à sa réputation, selon ce qu’a confié son porte-parole à Rue Frontenac jeudi.

Michael Vachon, porte-parole du 35e homme le plus riche du monde, croit que les références au nazisme servaient à faire « avancer les intérêts corporatifs de SunMedia ». Il confirme qu’une mise en demeure a été envoyée à Quebecor et à sa branche médiatique afin d’aviser que des poursuites pourraient être entreprises en raison de propos « faux et diffamatoires » sur M. Soros.

« Nous avons avisé les parties impliquées, incluant SunMedia et le Toronto Sun, et nous leurs avons demandé de se rétracter et de présenter des excuses de manière proportionnelle à la faute commise », dit M. Vachon, qui souligne que c’est la loi canadienne qui oblige les avocats de son employeur à envoyer une mise en demeure avant d’enclencher des poursuites en dommages.

Le litige tire sa source du lancement d’une pétition sur Internet qui s’oppose à ce que les redevances du câble financent Sun TV, la chaîne d’information et d’opinion de droite surnommée « Fox News North » que veut lancer Quebecor. La pétition demande à Stephen Harper de respecter l’indépendance du CRTC et de ne pas faire pression en faveur de la chaîne qui était dirigée jusqu’à cette semaine par son ancien bras droit, Kory Teneycke.

La pétition a été lancée par le groupe de pression international Avaaz, qui aurait déjà reçu des fonds indirectement d’une fondation financée par George Soros, dont la fortune de 14 milliards a souvent servi à financer des œuvres philantropiques et politiques (il aurait injecté 12 millions de dollars pour s’opposer à la réélection de George W. Bush, qu’il avait en horreur, et a financé des mouvements d’opposition en Europe de l’Est).

Propos incendiaires

Il n’en fallait pas plus pour qu’un chroniqueur de Quebecor s’en prenne au milliardaire activiste américain. C’est le chroniqueur Ezra Levant qui a ouvert les hostilités dans une chronique publiée le 4 septembre par SunMedia. Ezra Levant, un avocat et ex-militant albertain du Reform Party au style vindicatif, est l’auteur de livre Ethical Oil, dans lequel il présente les sables bitumineux de l’Alberta comme la solution la plus éthique aux besoins en énergie du Canada.

Dans son texte, le chroniqueur de Quebecor affirme que George Soros, qui est d’origine juive-hongroise, est un « sociopathe » qui a survécu à l’Holocauste en « collaborant avec les nazis ».

« Il s’est retourné contre les autres Juifs pour être épargné », poursuit M. Levant, lui-même d’origine juive.

Il ajoute que M. Soros « est un homme qui s’est vanté d’avoir offert d’aider sa mère à se suicider. Apparemment, il n’avait pas vu assez de morts en Hongrie. »

« Pensez-vous que Soros devrait déterminer ce que vous pouvez regarder à la télé ? Pensez-vous que la décision devrait être prise à New York ? (...) Soros n’a-t-il pas réduit assez de voix au silence dans sa vie ? Contre-attaquez », conclut le polémiste, en présentant la pétition en question comme une conspiration du milliardaire anti-Bush.

Joint à New York, le porte-parole de M. Soros, Michael Vachon, assure que son employeur « ne va pas laisser passer ça ».

« L’affirmation selon laquelle George Soros était un collaborateur nazi est fausse et profondément blessante », affirme M. Vachon.

Le texte retiré d’Internet

Comme l’a plusieurs fois expliqué son patron, il avait été caché chez un fonctionnaire hongrois chrétien à l’âge de 13 ans, pour échapper aux camps de la mort. Il se faisait passer pour le fils chrétien du fonctionnaire. En une occasion, le fonctionnaire avait été faire l’inventaire des biens d’une famille juive ayant fui la persécution, et il avait emmené le jeune George avec lui plutôt que de le laisser seul à Budapest.

« Présenter cela comme si Soros ’collaborait avec les nazis’ est faux, malicieux et profondément trompeur », ajoute M. Vachon.

Le porte-parole du milliardaire croit que le salissage de son patron avait un « but commercial » pour faire « avancer les intérêts corporatifs de SunMedia » avec des propos « outrageux qui contredisent des faits bien connus ».

Le texte litigieux a été retiré de toutes les plates-formes de Quebecor depuis. Le porte-parole de l’entreprise, Serge Sasseville, n’a répondu à aucun de nos nombreux messages jeudi et vendredi. Il a aussi refusé de répondre au Globe and Mail sur la même question jeudi. Quant au chroniqueur Ezra Levant, il avait invité Rue Frontenac à le joindre via son courriel personnel, mais n’a plus donné signe de vie après avoir été informé du sujet de l’article.

Né en 1930 à Budapest, George Soros est parfois surnommé « l’homme qui fit sauter la Banque d’Angleterre » en raison de ses manœuvres spéculatives sur la livre sterling pendant la crise économique de 1992 dans ce pays. Personnage mystérieux et plein de contradictions, il dirige Soros Fund Management et l’Open Society Institue. Sa propension à la spéculation et son ingérence politique dans plusieurs pays lui ont attiré de nombreux détracteurs, mais aussi une notoriété mondiale.