On s’enfonce et le ridicule ne tue plus : il massacre. Dernier exemple de ces péripéties dérisoires mais signifiantes qui montrent qu’une société s’abaisse quand elle croit s’élever.
Tous les carnets de santé remis aux parents dans les maternelles des Bouches-du-Rhône vont être réédités et cela va coûter 33 000 euros alors qu’on ne cesse de vouloir raboter, réduire les dépenses publiques inutiles et qu’on a raison (Le Figaro) !
Quelle est donc cette impérieuse nécessité qui contraint à un gaspillage de 33 000 euros ? Sûrement un incident gravissime, une provocation au crime, une apologie de terrorisme, un éloge de la pédophilie, un outrage à la France ?
Vous n’y êtes pas.
Le visuel de la première page de ce carnet a été jugé "sexiste" parce qu’on y voyait une fille inquiète pour son tour de taille et un garçon heureux de se mesurer. L’un et l’autre, en dehors de cette différence psychologique, ne se trouvaient pas dans une posture de nature à blesser l’un ou l’autre. Juste ensemble et différents. Ce n’était pas bouleversant d’originalité !
Ainsi, le simple fait d’oser renvoyer à une caractéristique qui, pour n’être pas fondamentale, est réelle dans la quotidienneté, a suffi pour jeter au pilon un carnet de santé qui avait été validé par le précédent exécutif départemental.
On tombe sur la tête.
On aurait figuré un garçon fier d’avoir minci et une fille béate d’avoir grandi, tout aurait été donc parfait, conforme, exemplaire ?
Faut-il à tout coup casser des représentations qui en elles-mêmes ne portent pas atteinte à l’égalité des sexes mais s’ancrent dans une spécificité qui ne permet pas, certes, de définir le féminin ou le masculin dans sa globalité mais n’en est pas honteuse pour autant ?
J’entends bien que les images, les magazines, les publicités et les photographies ont de l’importance et qu’ils peuvent favoriser, structurellement, des stéréotypes mais d’une part il en est qui n’ont rien de blâmable et d’autre part cette manière de poser la grosse patte de l’Etat ou d’un antisexisme dilaté et militant sur tout et n’importe quoi interdit l’élaboration personnelle, intime, familiale des configurations qui nous regardent.
Au nom de quoi récuser le plaisir que vous offre une petite fille déjà attentive à sa taille et un petit garçon investi par l’envie de grandir ?
Conviendra-t-il bientôt de s’excuser parce qu’on prononcera homme ou femme, qu’on s’obstinera à identifier de belles différences entre eux et que, loin d’être attristé par ces singularités riches et fluctuantes, on les mettra au contraire au crédit de l’humanité ?
J’attends les prochaines salves délirantes de ceux à qui la nature répugne. Et qui prétendent nous imposer une condition, une vision, une éducation qui ne relèvent que de notre seule responsabilité.
Une résistance à ce mouvement faussement progressiste et vraiment totalitaire doit se manifester et un coup d’arrêt et de bon sens survenir.
Et d’urgence.
Parce que sinon, par réaction, on aura tous envie de devenir sexistes.
Et 33 000 euros dilapidés pour rien !