Reconnaître la part de vérité que détient l’autre, et que l’autre manifeste par sa capacité au bien, ne diminue en rien la prétention que chacun, catholique ou musulman, peut avoir de vivre de la vraie foi considérée comme mode fondamental du rapport au Réel.
Il faudrait donc apprendre à respecter nos ressemblances car celles-ci, loin de nous indifférencier, nous permettent de nous regarder mutuellement comme participants de l’unique Vérité. Je pense même que nous avons le devoir de proposer cette ressemblance au monde car, tandis que nous ne sommes pas d’accord sur certains points touchant à la Vérité, c’est la notion même de Vérité que combat le monde et que nous contribuons à manifester.
Quant à nos différences, nous devons les tolérer en raison même de nos ressemblances. Une différence est un manque que chacun identifie chez l’autre et qu’il doit souffrir, premièrement parce que l’autre partage avec soi-même la dignité radicale d’être humain, deuxièmement parce que ce manque est susceptible d’être comblé. Souffrir et tolérer sont deux mots synonymes, comme on a trop tendance à l’oublier.
Et si la tolérance niaise dont on nous rebat les oreilles à longueur de temps dans les médias nous dégoûte à juste titre, la tolérance comme acceptation de la souffrance que l’autre nous inflige parce que nous l’aimons et que nous voulons son salut a une valeur que je crois salvifique.
Double défi : respecter nos ressemblances, alors qu’elles nous font peur ; tolérer nos différences, alors qu’elles nous font souffrir...
Un "Front de la foi" consisterait à réaliser les conditions politiques de ce respect et de cette tolérance. Tolérance généreuse qui nous condamne, en quelques sortes, à vivre les uns pour les autres au risque de la conversion mutuelle.
En effet, tolérer l’autre comme différent, précisément dans la mesure où nous le respectons comme semblable, suppose que nous acceptions de le laisser vivre à côté de nous dans sa totalité, y compris dans la prétention qui est la sienne de détenir la Vérité entière.
Ma conception des choses n’a donc aucun rapport avec le syncrétisme crétinisant d’une prétendue religion des Droits de l’homme. En effet, si cette dernière nous enseigne à "respecter nos différences", et non pas à respecter nos ressemblances, c’est parce qu’elle estime que ces différences sont, au premier sens du terme, insignifiantes. Et c’est pourquoi, dans la rhétorique libérale officielle, on mélange tout : respecter l’autre c’est respecter le musulman au même titre que le handicapé ou que l’homosexuel.
L’Islam et le catholicisme, dans leur prétention à rendre compte du sens de la vie humaine, n’ont rien à gagner à accepter cette petite place, révocable à merci, qu’on veut bien leur réserver dans le salmigondis libéral-libertaire.