Ferenc Almássy a réalisé un entretien par e-mail avec Norbert Hofer pour le Visegrád Post. Norbert Hofer est le candidat du FPÖ, parti national-libéral, et il se présente à la présidence de l’Autriche le 4 décembre. Son adversaire, Alexander Van der Bellen, est un radical indépendant d’extrême gauche, ancien chef des Verts, et soutenu par la gauche. Norbert Hofer et le FPÖ sont souvent présentés dans les médias occidentaux comme étant d’extrême droite, bien que leurs positions soient simplement conservatrices et économiquement libérales.
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Ferenc Almássy : Il y a un an, lorsque la Hongrie a érigé sa clôture sur la frontière sud afin d’arrêter l’afflux massif de migrants clandestins, le gouvernement autrichien a critiqué durement Viktor Orbán. Le gouvernement autrichien a changé au mois de mai cette année et, bien qu’il soit encore un gouvernement de centre-gauche, il a commencé à utiliser une rhétorique populiste et à lutter contre l’immigration clandestine. Pensez-vous qu’il est sincère, ou qu’il s’agit juste d’un coup politique pour mettre des bâtons dans les roues du FPÖ ? Et pensez-vous que cela pourrait affecter les élections, reportées à deux reprises, qui devraient se tenir le 4 décembre ?
Norbert Hofer : La restructuration du gouvernement est devenue nécessaire du côté des sociaux-démocrates étant donné que leur ancien chancelier fédéral Werner Faymann a démissionné. Certains ministres ont également été nommés par le SPÖ. Certains ministres, tant du SPÖ que de l’ÖVP, tentent de faire une politique raisonnable, mais il semble qu’ils ne soient pas encore en mesure d’agir de manière appropriée contre la majorité du gouvernement fédéral autrichien.
En septembre, vous avez rendu visite au président tchèque Zeman à Prague. L’un des thèmes principaux a été le groupe de Visegrád. On dit que vous avez parlé d’une « union au sein de l’Union ». Si vous étiez élu président, pourriez-vous coopérer avec le V4 en tant que structure politique ? Et souhaitez-vous intégrer l’Autriche dans ce groupe ? Pourquoi ?
Je pense que ce serait un avantage pour notre pays de rejoindre le groupe de Visegrad. A la fois géographiquement et historiquement, l’Autriche serait en très bonne position pour coopérer avec le groupe de Visegrád. À cet égard, j’ai également tenu des discussions très constructives lors de ma rencontre avec le président tchèque Milos Zeman.
Je pense qu’un groupe de Visegrád renforcé peut amener des réformes urgentes depuis l’intérieur de l’UE. Mais pour rejoindre ce groupe, une décision du Parlement autrichien est nécessaire ; le président fédéral ne peut prendre cette décision seul.
Dans le cas où l’Autriche deviendrait un collaborateur plus proche, voire un membre du groupe de Visegrád, cela changerait-il quelque chose à propos de la neutralité militaire de l’Autriche ? Prévoyez-vous de mettre l’Europe centrale sur le même chemin, afin de la sauver d’un destin de « zone tampon » ?
Non, la neutralité est un grand atout, et cela signifie beaucoup pour les Autrichiens. Dans le passé, l’Autriche a toujours été un médiateur et un artisan de la paix sur son sol neutre. Je voudrais continuer cette tradition en tant que président fédéral afin, par exemple, de donner une nouvelle impulsion aux négociations de paix en Syrie ou d’agir comme un État clef entre l’Amérique et la Russie et contribuer à apaiser les tensions. Pour ces raisons, je ne suis pas favorable à l’abandon de notre neutralité.
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Pour beaucoup, le soutien et la motivation de l’Autriche pour éventuellement intégrer le V4 pourraient être considérés comme un mouvement politique nostalgique, afin de restaurer une sorte de nouvel empire Habsbourg – on pourrait soupçonner une stratégie néo-impérialiste. Votre plan politique a-t-il un lien avec une telle nostalgie ? Y a-t-il une volonté de « make Austria great again » ?
L’Autriche est un pays merveilleux peuplé de personnes admirables qui contribuent chaque jour à sa réussite, et dont les impôts permettent la protection sociale, la santé et la retraite sans soucis. Cela n’a rien à voir avec la nostalgie des Habsbourg ou le monarchisme. Ce qui importe, c’est de renforcer la position de l’Autriche au sein de l’UE dans le cadre d’une association avec le groupe de Visegrad afin de parvenir ensemble à des accords sur des questions importantes et de parler d’une voix unie.
Enfin, nous aimerions vous interroger sur votre vision du V4. L’Union européenne connaît une crise profonde. L’OTAN et la Russie jouent à nouveau la guerre froide. Le monde change et devient multipolaire. Dans ce contexte, quel est le rôle du V4 au sein de l’UE ? Et que devrait faire l’Europe centrale pour préserver ses intérêts, surtout lorsqu’ils interagissent avec des partenaires comme Washington, Bruxelles, Moscou ou autre ?
Déjà maintenant, les pays du V4 constituent un groupe correctif intra-européen, surtout dans le contexte de la crise des réfugiés et des migrations. En raison de leur histoire et de leur situation géostratégique, les États du V4 ont une relation étroite avec la Russie.
Les sanctions ignominieuses contre la Russie qui n’ont entraîné aucun changement politique, mais qui ont causé d’énormes dégâts économiques, en particulier pour l’Autriche, sont contre les intérêts de l’Europe centrale. Par conséquent, une coopération plus étroite entre les États d’Europe centrale est non seulement souhaitable, mais peut également aboutir à un résultat favorable. L’objectif doit être de mettre fin aux sanctions contre la Russie.