Faute de repreneur, Têtu, seul magazine gay français et toujours déficitaire, risque d’être mis en liquidation judiciaire jeudi par le tribunal de commerce, a indiqué son rédacteur en chef adjoint Sylvain Zimmermann, en faisant au passage son coming-out... hétérosexuel.
« Têtu risque de s’éteindre cet été, c’est inacceptable pour ce magazine qui porte les combats des homosexuels depuis 20 ans », a déclaré Sylvain Zimmermann sur France Inter. « Aucun repreneur ne s’est manifesté jusqu’à maintenant, c’est assez surprenant. Mais ce n’est pas trop tard, il y a toujours un espoir », a-t-il dit.
« On pourrait penser qu’après le vote de la loi sur le mariage pour tous, Têtu n’a plus sa place et que le combat pour l’égalité est terminé. Mais c’est faux, par exemple les couples de lesbiennes n’ont pas accès à la PMA (procréation médicalement assistée) », a-t-il poursuivi. « Têtu a donné une visibilité à l’homosexualité partout en France, il leur a souvent permis de faire leur coming-out. C’est un magazine d’utilité publique », a-t-il plaidé.
Mieux acceptés par la société qu’il y a 20 ans, les homosexuels s’informent aussi maintenant sur internet ou dans la presse classique qui parle davantage des sujets qui les concernent, et moins dans une presse spécifiquement gay. Outre Têtu, Yagg, site spécialisé dans les questions lesbiennes, gays, bi et trans (LGBT), est aussi en grandes difficultés financières faute d’abonnés suffisants.
« Il est complètement faux que Têtu soit un magazine fait par des homos pour des homos », a souligné Sylvain Zimmermann. « Je suis hétérosexuel. Quand je suis entré à Têtu il y a onze ans, je n’avais jamais eu conscience de l’homophobie. Je me la suis pris en pleine face quand j’ai commencé à travailler au magazine car les personnes que je rencontrais pensaient évidemment que j’étais gay. Cela m’a profondément choqué et j’ai eu encore plus envie de travailler à Têtu. Quand la loi pour le mariage pour tous est passée, j’en ai pleuré », a-t-il raconté.
Têtu, vendu 5 euros, a vu sa diffusion reculer de 12,5 % depuis 2010, à 28.275 exemplaires par mois. Le magazine, qui emploie 9 salariés, avait été placé le 1er juin en redressement judiciaire. Son numéro de juillet-août risque d’être le dernier.
Le magazine a été financé pendant 18 ans par son propriétaire et mécène, Pierre Bergé, qui a épongé des pertes de plusieurs dizaines de millions d’euros, avant de le revendre pour un euro symbolique à Jean-Jacques Augier, un proche de François Hollande. Il a encore perdu 2 millions d’euros en 2013 et 1,1 million en 2014, pour un chiffre d’affaires de 2,8 millions. Pour 2015, la perte est d’environ 500.000 euros.