Les affirmations que le gouvernement de Merkel était au courant du fait que les services de renseignement de l’État allemand espionnaient pour le compte des Américains, contre les intérêts industriels de leur pays, soulèvent des questions troublantes sur l’intégrité des dirigeants allemands.
La trahison des intérêts nationaux allemands par la chancelière Angela Merkel n’est pas seulement évidente à propos du récent scandale d’espionnage industriel pour le compte des États-Unis. Le suivisme servile, par Merkel, à l’égard de la politique antirusse de Washington à propos de l’Ukraine – en opposition avec les intérêts nationaux de son pays – suggère aussi de manière convaincante que la chancelière sert un maître étranger.
Les rapports récents selon lesquels les services de renseignement de l’État allemand espionnaient pour le compte des Américains contre les propres intérêts industriels du pays sont déjà assez graves. Mais à cela s’ajoutent des affirmations disant que le gouvernement de la chancelière Angela Merkel était au courant de l’espionnage – et a fermé les yeux.
Cela soulève des questions troublantes sur l’intégrité des dirigeants du gouvernement allemand, et d’abord Angela Merkel. Est-ce que Merkel est une taupe pour le renseignement américain, servant les intérêts géopolitiques de Washington plutôt que le bien de sa propre nation, ou le bien plus large de l’Europe ?
L’histoire des informations en question se rapporte aux articles parus dans les médias allemands la semaine dernière sur la manière dont le Service fédéral de renseignement allemand (BND) a collaboré avec l’Agence pour la sécurité nationale (NSA) pour espionner des entreprises de défense européennes multinationales, y compris EADS et Eurocopter. Les écoutes illégitimes de ces sociétés spécifiques – dans lesquelles l’Allemagne a des intérêts économiques nationaux importants – remonteraient à 2008. Il est inconcevable que le gouvernement allemand, à son plus haut niveau, et y compris la chancelière Merkel, n’ait rien su de cet espionnage industriel. Pourtant Merkel semble avoir toléré l’activité illégale, bien qu’une telle activité ait nuit aux intérêts nationaux allemands, conférant ainsi un avantage aux concurrents américains.
Tout d’abord, l’idée que les services de renseignement allemands sont complètement infiltrés par les services secrets américains n’est pas une théorie farfelue.
Loin de là. Le fonctionnement du BND comme partie de l’appareil de renseignement américain est en cours depuis des décennies, depuis que les États-Unis ont supervisé la reconstruction, après la guerre, de l’Allemagne nazie vaincue. Les Américains et les Britanniques ont construit le renseignement allemand – hérité en grande partie de la machine de guerre nazie – dans leurs opérations à l’échelle européenne. L’historien allemand Josef Foschepoth, spécialiste des opérations d’espionnage alliées d’après-guerre, dit que le gouvernement ouest-allemand a signé un pacte secret avec Washington et Londres, en 1968, connu comme l’Accord sur le statut des forces de l’OTAN. Ce pacte donne lui un mandat de collaboration intensive qui continue à ce jour – plus de deux décennies après la réunification de l’Allemagne.
Fondamentalement, les services secrets américains, comme la NSA et la CIA, ont les mains libres pour exercer une surveillance massive en Allemagne contre qui ils veulent, tant des particuliers que des sociétés industrielles. Et tout cela avec l’aide des services de renseignements allemands et du gouvernement fédéral.
La pointe de l’iceberg dans l’espionnage et la surveillance a en plus été divulguée en 2013 par l’ancien agent de la NSA Edward Snowden. Dans la mine de révélations de Snowden, il y avait la preuve que le renseignement américain avait surveillé les communications personnelles de la chancelière allemande Angela Merkel. Les écoutes remontaient à 2002 – trois ans avant que la dirigeante de l’Union chrétienne-démocrate ne devienne chancelière.
Ce qu’on peut dire à ce propos c’est combien la réaction des autorités allemandes à cette révélation de l’espionnage illicite de Washington a été faible et insignifiante. À part une première déclaration affligée, par Merkel et d’autres personnalités de Berlin, le scandale tout entier a été rapidement caché sous le tapis comme s’il n’avait jamais existé. Cela suggère que le gouvernement allemand était déjà tout à fait au courant de son compromis, une relation subordonnée à Washington, qui se manifestait par l’accès intrusif dans les communications au plus haut niveau.
Comme relevé plus haut, une telle relation de maître à serviteur entre les États-Unis et l’Allemagne était un principe fondamental de la réformation de ce pays après la guerre par les Américains, et du rôle prédominant dévolu à l’OTAN par Washington sur les questions européennes de sécurité. Le gouvernement allemand a pris connaissance, et en effet il était consentant, de son rôle servile à l’égard du renseignement américain et des mains libres accordées à ce dernier. Donc, quand le reste du monde a appris que le gouvernement américain espionnait Merkel en 2013 grâce aux fuites d’Edward Snowden, peut-être les dernières personnes à en être surprises étaient Merkel et son administration. D’où la faible réponse de Berlin à Washington et, pour tout observateur objectif, à la conduite agressive choquante de ce dernier contre son allié allemand.
En outre, un témoignage explosif sur la pénétration systématique des services secrets américains dans les institutions allemandes a été livré ces mois derniers par un ancien rédacteur en chef, Udo Ulfkotte. Dans plusieurs interviews accordées aux médias, Ulfkotte raconte comment des journalistes et des politiciens allemands sont régulièrement recrutés comme agents par la CIA pour diffuser des fausses informations ou promouvoir des politiques destinées à servir les intérêts géopolitiques de Washington, et non les intérêts du peuple allemand. L’ancien rédacteur en chef de la Frankfurter Allgemeine Zeitung – l’un des quotidiens les plus réputés d’Allemagne – a avoué qu’il a été l’un des agents de la CIA pendant de nombreuses années, publiant des informations dont il savait qu’elles étaient fausses et qui nuisaient aux relations internationales, et en particulier hostiles à l’égard de la Russie.
Dans une interview avec Russia Today l’an dernier, Ulfkotte a affirmé :
« Ce n’est pas bien ce que j’ai fait par le passé, manipuler les gens, faire de la propagande contre la Russie, et ce n’est pas bien ce que mes collègues font, et ont fait par le passé, parce qu’ils sont soudoyés pour trahir les gens, pas seulement en Allemagne, mais dans toute l’Europe… J’ai vraiment peur d’une nouvelle guerre en Europe, et je ne voudrais pas vivre de nouveau cette situation, parce que la guerre ne se fait jamais toute seule, il y a toujours des gens qui poussent à la guerre, et ce ne sont pas seulement des politiciens, ce sont aussi des journalistes. »
Il n’y a aucune raison de croire que la même relation de domination secrète n’existe pas entre le gouvernement des États-Unis et d’autres homologues européens. Mais compte tenu de l’importance centrale de l’Allemagne, pour l’économie et la politique de l’Union européenne et ses liens historiques croissants avec la Russie depuis la Seconde Guerre mondiale, Berlin serait une cible de choix pour les Américains, pouvant faire pression sur elle à leur avantage géopolitique.
Lorsqu’on observe la politique allemande à l’égard de la Russie à propos du conflit en Ukraine, cela semble absurde à première vue. Les petites entreprises allemandes, les grandes sociétés d’importation et les agriculteurs subissent de lourdes pertes à cause des sanctions occidentales imposées à la Russie, et des contre-sanctions de Moscou. Des sondages indiquent que l’opinion publique allemande ne soutient pas les politiques hostiles des politiques émanant de Washington et que les alliés européens ont adoptées en grande partie à la demande de Berlin.
Cette semaine, la chancelière Merkel a averti que les sanctions de l’UE pourraient être prolongées si la Russie ne « respecte pas les accords de cessez-le-feu de Minsk ».
La logique de Merkel est ridicule. Il n’y a aucune preuve que la Russie a fait de la subversion en Ukraine ni qu’elle y est présente militairement. C’est le président russe Vladimir Poutine qui a aidé à négocier les Accords de Minsk. Toutes les preuves, y compris les rapports de l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe, soulignent que la trêve est rompue par le régime soutenu par l’Occident. C’est le régime de Kiev qui ne respecte pas les engagements prévus par les Accords de Minsk, pourtant Merkel choisit, de façon illogique, de fustiger la Russie. En plus, c’est Washington qui a envoyé des centaines de ses soldats en Ukraine la semaine dernière pour pratiquer des exercices militaires avec l’armée de l’Ukraine, qui n’est pas membre de l’OTAN. Pourquoi Merkel reste-t-elle si silencieuse lorsqu’il s’agirait de condamner Washington et son régime fantoche de Kiev sur ce qui constitue d’énormes menaces à la paix ? Son silence l’accuse.
La position de Merkel sur l’Ukraine et la Russie est tellement en contradiction avec la réalité et contraire aux intérêts nationaux de son propre peuple, que la question vient à l’esprit de savoir tout simplement au service de qui elle est. Le récent scandale d’espionnage industriel contre les entreprises allemandes, pratiqué par les États-Unis – avec la complicité du gouvernement fédéral allemand – et la surveillance de longue date de la vie personnelle de la chancelière allemande révèle que Merkel est une dirigeante compromise. Ou, en un mot : achetée.