Le 30 octobre 2013 est une date historique pour Mediapart, qui ose le débat ultime sur le FN (mais sans le FN), sur le thème : « Quels antidotes au Front national ? »
L’expression « Front national » sera prononcée un nombre incalculable de fois au cours des deux parties d’une heure chacune, pendant lesquelles des spécialistes du FN ou du vote FN ne s’affrontent pas.
La première partie, réunissant journalistes et experts en fnologie, est purement intellectuelle. La seconde, nettement moins intello, met aux prises ceux qui se battent sur le terrain contre le FN. Ce sont des politiques, des responsables du monde associatif, des syndicalistes. Nous avons choisi les déclarations les plus représentatives de chaque intervenant.
Attention, ceci n’est pas un bêtisier, car le sujet, selon Mediapart, est grave.
Liste des invités autorisés à parler du FN lors de la première partie
Frédéric Bonnaud, ex-critique cinéma des Inrocks, ex-rigolman d’Europe1 en charge du « politiquement incorrect » chez Morandini (! ?), devenu directeur de la rédaction des Inrocks lors de sa dépulvarisation, se retrouve curieusement master of cérémonie politique. Il essaye d’être sérieux, avec son attitude à la Pivot. Le grand mystère – ou le grand éclat de rire – de l’émission.
Marine Turchi, journaliste en charge de la rediabolisation du FN à Mediapart, a beaucoup de mal à exprimer clairement ses pensées, ou sa pensée. Si elle en a.
Nicolas Lebourg est historien, spécialiste des extrêmes droites, un job dans le vent. A la lourde responsabilité de pointer le danger Alain Soral.
Jean-Yves Camus, spécialiste officiel par l’ancienneté de l’extrême droite, est aussi celui qui dit le moins de conneries. Il passe la moitié de l’émission à corriger celles des uns et des autres. On le sent gêné de figurer dans ce débat non-contradictoire.
François Bonnet, le directeur éditorial de Mediapart, est là pour nous rappeler la guerre, le nazisme, la déportation, la mort. Monsieur Godwin.
Joël Gombin, sosie de François Pêcheux (Les Yeux dans les Bleus), se présente comme « spécialiste du vote Front national ». Il a une bonne bouille. On le reverra peut-être pour Les Yeux dans les Bleus Marine ?
Antoine Perraud, plume de Mediapart, est présenté par Bonnaud comme le linguiste qui décrypte le langage politique. En fait de linguisme, il rappelle juste deux trois vieilles ruades de Jean-Marie Le Pen, alors que le débat porte essentiellement sur sa fille. Une guerre de retard.
Edwy Plenel, co-fondateur de Mediapart, n’a de cesse d’exhiber son livre L’Effet Le Pen (sorti le 11 septembre 1984 !), visiblement pas assez vendu. Il nous en lit des passages comme un curé sa Bible.
Invités de la seconde partie du débat
Matthias Fekl, député PS du Lot-et-Garonne, ex-proche de Delanoë puis de DSK. Auteur d’une enfilade de clichés en langue de bois à la limite de l’endormissement. Monsieur Bateau. Totalement dépassé.
Pierre Ferrari, président de l’association « Un nouvel élan pour Hénin-Beaumont ». On sent qu’il a souffert lors des dernières élections locales. À peu près quarante fois plus lucide que Fekl.
Fabienne Haloui, conseillère régionale PCF-FDG : son discours, très terre-à-terre, est forcément beaucoup moins réussi que celui de ses pères spirituels Laurent & Mélenchon, qui d’ailleurs sont en instance de divorce.
Rachida El Azzouzi, la journaliste Mediapart « sur le terrain » : jolie, c’est la caution métissée de Mediapart, qui avait été attaqué sur sa composition 100 % blanche. En vérité, s’occupe de questions sociales. Discrète.
Francine Blanche, « secrétaire confédérale de la Confédération Générale des Travailleurs chargée des droits des salariés ». Ouf. Elle voit sur le terrain les ravages causés par les patrons, et voudrait plus de pouvoir pour les syndicalistes. Et aussi moins d’ouvriers qui virent FN.
Yves Jégo, qu’on ne présente plus tellement.
Mathieu Magnaudeix, qui s’occupe de politique et du Parlement à Mediapart, a un peu de mal avec les incantations de gauche.
Maintenant, voici les déclarations qui sont autant d’antidotes à ce poison qu’est le Front national.
Marine Turchi
« Insidieusement c’est plus Marine Le Pen c’est Marine, c’est plus le Front national c’est le Front, c’est plus les candidats lepénistes c’est les candidats marinistes, donc il y a quand même un glissement sémantique qui permet de s’interroger aujourd’hui. »
« Marine Le Pen, elle dit que elle, le ménage, au Front national, elle le fait. »
Nicolas Lebourg
Sur l’apport militant depuis 2011/2012 : « Et là-dedans vous allez trouver aussi bien des gens qui effectivement sont sur le discours mariniste de manière sincère et univoque, que des gens qui dans le discours républicain, et on voit qu’il y en a quand même un certain nombre dans les jeunes militants frontistes aujourd’hui, ont quand même une perception assez influencée, vous le savez, par les conceptions d’Alain Soral, qui vont considérer que la république c’est quelque chose de très très bien pour dynamiter la puissance du lobby sioniste sur la France, je cite, évidemment. »
« Il faut voir aussi que Marine Le Pen c’est pas Jean-Marie Le Pen. »
Jean-Yves Camus
« On peut pas dire non plus que le Front national est un parti fasciste ou un parti national-socialiste, c’est évidemment diffamatoire, injurieux et faux. »
« Dire que Marine Le Pen n’est ni antisémite ni négationniste c’est pas abandonner le combat contre le Front national. »
François Bonnet
« Sur le thème de “ça sert à rien de traiter le Front national de parti fasciste et nazi”… Je voulais citer l’exemple hongrois, le parti Jobbik en Hongrie, la Garde nationale, qui est un parti néonazi, et la première grande bataille de ses responsables, ces dernières années, a été de dire pareil, vous ne pouvez évidemment pas nous qualifier de néonazis, et vous ne pouvez pas non plus nous qualifier d’extrême droite… Or quand on va, vous la connaissez, dans la Maison de la Terreur à Budapest… C’est la Garde Hongroise, c’est une horreur absolue, c’est des héritiers du régime nazi installé par Hitler… Cette empreinte en Hongrie de l’héritage nazi qu’on trouve aujourd’hui au sein du parti Jobbik, et on voit cette démarche alors qui est peut-être un peu caricaturale par rapport à ce qui se passe en France, mais la question en Hongrie du parti Jobbik c’est bien ça, c’est comment se reforger une identité en interdisant aux autres d’explorer sa généalogie, et est-ce que le Front national c’est pas la même chose ? »
Frédéric Bonnaud
« Et moi j’ai vu il me semble la photo chez Mediapart, on a vu il n’y a pas si longtemps que ça, Marine Le Pen en visite dans le fameux local, Marine [Turchi] va me corriger si je me trompe, du XVe arrondissement, donc de Serge Iacoub, Batskin, voilà, impliqué dans le meurtre récemment de Clément Méric où y avait Marine Le Pen en visite, visiblement, chez des sortes je sais pas de cousins d’extrême droite, qui eux étaient chargés de tenir la rue, là c’est une vision gauchiste et naïve ou ce sont des résidus qui résistent encore ? »
Jean-Yves Camus corrige immédiatement : « D’abord une précision et une précision utile, Serge Ayoub à titre personnel n’est pas impliqué dans l’affaire Méric. »
Edwy Plenel
« On est en droit de demander à une famille politique des comptes sur son histoire… Pour l’instant l’extrême droite française n’a pas rendu des comptes, ni sur Vichy, qui est quand même le moment, je rappelle que Gabriel Jeantet qui était un collaborateur est parmi les fondateurs du Front national… Ils ont pas dit on condamne, c’est pas bien… »
« Je dis même que c’est une famille idéologique qui peut avoir des intellectuels respectables, Maurras était un grand intellectuel. »
« Je ne pense pas qu’on combat des idées déraisonnables, des idées passionnelles, le refus de l’étranger, le refus de l’autre, les pauvres qui se foutent sur la gueule pour que les riches aient la paix, c’est ça qu’ça veut dire, quand même, qu’on les combatte, rationnellement. Je pense qu’on les combat par un imaginaire supérieur. »
Joël Gombin
« Si elle avait aussi bien marché que ce qu’on peut lire à la une des magazines, mais Marine Le Pen serait présidente de la République aujourd’hui ! En réalité en 2012 elle fait à peine mieux que son père en 2002. »
« Lorsqu’on discute avec les électeurs, les électeurs du Front national, on s’aperçoit qu’ils ont un discours de justification politique de leur acte électoral – mais c’est pas propre aux électeurs du Front national – qui est très pauvre. Et qui recourt énormément à des lieux communs, à des préconstruits médiatiques etc. »
Antoine Perraud
« La fille est beaucoup plus raisonnable en apparence, elle se contenterait d’une aggravation invivable de la crise du capitalisme, et elle joue sur le registre des 3D : dégradation, délitement, disparition, disparition d’emplois, de valeurs, des modes de vie, ou d’espoir, qu’il faut paraît-il redonner. »
Fabienne Haloui
« Toute la gauche a une lourde responsabilité… Si on veut combattre l’extrême droite, il faut d’abord défendre ses idées. »
Francine Blanche
« Le premier parti c’est l’abstention, pas le Front national. »
« Maintenant la situation elle est grave quoi. »
« Il faut se poser les bonnes questions, et apporter les bonnes réponses. »
Yves Jégo
« Et Marine Le Pen est arrivée avec un discours… qui est diabolique : “Vous ne nous avez jamais essayés !” »
Mathieu Magnaudeix
« Le fameux badge du PS : “Oui je dis que le FN est vraiment un parti d’extrême droite”… On est vraiment dans le pays de Oui-Oui ! »
L’émission :