Les puissances impérialistes sont en train d’intensifier la guerre au Mali. La Grande-Bretagne a promis de déployer des troupes et les États-Unis planifient d’établir une base de lancement de drones dans la région alors que les troupes françaises avancent vers la région rebelle dans le Nord de son ancienne colonie.
Les autorités britanniques ont dit vouloir déployer des centaines de soldats en se concentrant sur la formation des forces du gouvernement malien appuyées par la France et en fournissant une « force de protection » pour les instructeurs. Les forces spéciales britanniques se trouveraient déjà au Mali collaborant avec les Français. La Grande-Bretagne a aussi envoyé un avion de transport C-17 pour aider la France à déployer des troupes au Mali.
L’annonce est survenue après des pourparlers qui se sont tenus dimanche 27 janvier entre le premier ministre britannique David Cameron et le président français, François Hollande. Un porte-parole de Downing Street a dit : « Le premier ministre a clairement dit que nous soutenons totalement l’action du gouvernement français … Le premier ministre a poursuivi en expliquant que nous étions disposés à fournir une aide supplémentaire où nous le pouvions, en fonction des demandes de la France sur le terrain. »
Les États-Unis sont également en train d’étendre leur assistance militaire à la France en proposant samedi de ravitailler en vol les avions français à l’aide d’avions ravitailleurs américains après des pourparlers entre le secrétaire américain à la Défense, Leon Panetta, et le ministre français de la Défense, Jean-Yves Le Drian. Un grand nombre d’avions de combat français opèrent à partir de bases en France et survolent l’espace aérien algérien à destination du Mali pour y bombarder des cibles. Ceci les fait travailler aux limites de leur capacité opérationnelle en nécessitant un ravitaillement.
Dans le même temps, Washington se trouve en discussions avec le Niger et d’autres pays avoisinants le Mali pour trouver une éventuelle base pour abriter les drones américains. Les États-Unis ont déjà déployé de petits avions de surveillance avec pilote, décollant d’une base située dans la partie militaire de l’aéroport d’Ouagadougou au Burkina Faso. Il s’agit d’une des bases non officielle liée au Commandement pour l’Afrique des États-Unis (AFRICOM) dont l’unique base officielle en Afrique est une base commune franco-américaine située dans la ville portuaire de Djibouti (République de Djibouti) en Afrique orientale.
Les responsables américains ont dit que les drones décollant du Niger ou du Burkina Faso surveilleraient le flux des fournitures et des armes venant de la Libye pour aller au Nord Mali en passant par le Sahara.
Ils pourraient aussi attaquer des cibles au sol en élargissant au Sahel la guerre américaine par assassinat téléguidé, actuellement menée en Afghanistan, au Pakistan et dans certaines parties de la péninsule arabe et en Afrique de l’Est. Le New York Times a rapporté que Washington n’avait « pas exclu de perpétrer des frappes de missiles à un moment donné si la menace s’aggravait ».
Le commandant d’AFRICOM, le général Carter Ham, a décliné de commenter le stationnement de forces américaines au Niger en affirmant que le sujet était « trop opérationnel pour que je le confirme ou le démente ». Mahamadou Issoufou, le président nigérien, a toutefois indiqué qu’il était prêt à établir une « relation à long terme avec les États-Unis ».
Des forces spéciales françaises ont également été déployées dernièrement au Niger pour y protéger les vastes mines d’uranium gérées par Areva, le groupe nucléaire français. (Voir : « La France envoie des troupes pour sécuriser les mines d’uranium au Niger »
L’intensification de la guerre au moyen de drones et de commandos partout en Afrique occidentale met en évidence les intérêts industriels et stratégiques sordides qui motivent la guerre au Mali et la responsabilité des puissances impérialistes à créer les conditions qui ont déclenché la guerre en premier lieu.
Lors de la guerre de 2011 en Libye, l’incitation de l’OTAN à ce que les forces islamistes détruisent le régime du colonel Mouammar Kadhafi a avivé la guerre ethnique et sectaire au Sahara. À présent, les forces islamistes, les trafiquants liés tant à al Qaïda qu’au régime malien de Bamako soutenu par la France, et les groupes locaux nationalistes ethniques se ravitaillent en armes volées et abandonnées en Libye et provenant de la contrebande dans tout le Sahara. La réaction de Washington, de Paris et de Londres est de renouveler le déploiement des forces et de multiplier la violence partout en Afrique occidentale.
La France a envahi le Nord Mali, qui avait rompu avec la junte du capitaine Amadou Sanogo dans la capitale Bamako, pour réimposer l’autorité de Bamako. Hier, et durant le week-end, les soldats français ont occupé les villes clé du Nord Mali après une campagne de bombardement menée la semaine passée en ciblant les villes de Léré, Tombouctou, Kidal et Gao.
Des rapports suggèrent que des combattants de l’opposition, comprenant à la fois des forces d’ethnie touareg et des Islamistes provenant de milices diverses, sont en train d’abandonner les villes après avoir opposé une résistance symbolique ou nulle. Ils fuient soit vers Kidal, une ville distante d’environ 500 kilomètres de Gao, et la dernière ville à être encore contrôlée par l’opposition, soit à la campagne en vue de préparer une guérilla de résistance.
Dimanche, Gao, la plus grande des villes, avec quelque 85.000 habitants, est tombée entre les mains des troupes françaises et celles du gouvernement malien qui avaient tout d’abord saisi sa piste d’atterrissage. Des sources militaires françaises ont dit avoir tué à Gao 25 combattants islamistes.
Hier, le Mouvement national pour la libération de l’Azawad (MNLA) touareg a indiqué qu’il voulait convenir d’une trêve à Kidal avec les forces d’invasion françaises.
Hier, les forces françaises ont aussi pris le contrôle de Tombouctou, centre historique de la région des empires médiévaux africains.
Avant l’entrée des troupes françaises dans la ville, les milices islamistes auraient incendié deux bibliothèques à Tombouctou contenant des milliers de manuscrits historiques remontant au 13ème siècle. Comme dans le cas d’autres actes de vandalisme réactionnaires commis par les Islamistes soutenus par les États-Unis et qui plus tard se sont brouillés avec l’Occident , telle la destruction en 1992 du patrimoine culturel à Kaboul par les moujaheddines afghans antisoviétiques ou la destruction en 2001 par les Talibans des sculptures du Bouddah de Bamiyan, de tels crimes mettent en évidence les terribles implications de la manipulation et de la promotion de l’islamisme par l’impérialisme.
Les tentatives de se servir des crimes commis par les anciens intermédiaires islamistes de l’Occident en Afrique pour justifier la guerre de la France au Mali sont profondément hypocrites. Paris ignore régulièrement de tels crimes lorsqu’ils sont perpétrés par des forces qu’il soutient. Ceci inclut l’insurrection islamiste syrienne qui a attaqué des sites historiques comme les souks (marchés couverts) historiques d’Alep. Ces tentatives sont aussi une couverture cynique pour dissimuler le caractère réactionnaire de la guerre.
Étant donné que la France empêche les journalistes de couvrir les zones de guerre, les articles concernant les meurtres ethniques sont largement ignorés dans les médias de masse. Samedi, cependant, Amnesty International (AI) a publié un communiqué accusant les forces maliennes qui sont soutenues par la France d’avoir « commis des violations du droit international humanitaire et relatif aux droits humains en se rendant coupables d’exécutions extrajudiciaires de civils touaregs, du bombardement aveugle d’un camp nomade touareg et de la destruction de troupeaux indispensables à la survie de cette population nomade ».
Le régime de Bamako, dont la France cherche à restaurer l’autorité par son intervention, est foncièrement corrompu. Après avoir collaboré étroitement depuis les années 1980 avec le Fonds monétaire international et le capital financier français pour privatiser et anéantir l’infrastructure sociale restreinte du Nord Mali, ce régime a transformé le Nord Mali en une région où une petite élite a amassé des fortunes grâce surtout à des activités criminelles. Parmi celles-ci figurent au premier plan le trafic de la drogue et les enlèvements dont les responsables maliens tirent des profits considérables.
Selon le quotidien britannique The Guardian, la région la plus chère de Gao est surnommée « Cocaïnebougou » ou « Cocaïne-ville » en raison des fortunes réalisées à partir des livraisons de cocaïne arrivant d’Amérique latine et transitant par l’Atlantique Sud et l’Afrique occidentale en direction de l’Europe. L’article dit que sa source, un policier, « avait reconnu qu’il y a collusion entre les trafiquants et les responsables de l’État »
Alex Lantier
(Article original : WSWS.org, paru le 29 janvier 2013.)