Au point de vue militaire la situation libyenne a considérablement évolué depuis mon précédent communiqué en date du 17 août dernier :
À l’Est, en Cyrénaïque, l’offensive du général Haftar a été bloquée par les milices islamistes ; le 22 juillet, à Benghazi, le quartier général de ses forces spéciales a même été pris d’assaut.
À l’Ouest, en Tripolitaine, les milices de Misrata (Frères musulmans) et les salafistes de Tripoli surarmés par le Qatar et par la Turquie, paraissent prendre peu à peu le dessus sur les milices berbères de Zenten dans la région de l’aéroport principal de Tripoli. Le second aéroport de la capitale, celui de Maïtigua, est déjà contrôlé par les islamistes d’Abdelhakim Belhaj.
La stratégie des salafistes, des Frères musulmans et du Qatar est désormais claire : faire de la Libye une base de déstabilisation régionale. De fait, l’Égypte et l’Algérie sont directement menacées cependant que la Tunisie n’arrive pas à liquider les maquis des monts Chaambi. Quant au Maroc, il va être dans les prochains mois la cible d’un nouveau mouvement fondamentaliste baptisé Unicité et jihad au Maghreb al-Aqsa. Au Sud, le Mali, le Niger et le Tchad vont automatiquement subir la contagion de la situation libyenne.
Le processus de déstabilisation de la Libye a été très largement pensé et supporté par le Qatar qui, dans un premier temps, a utilisé Al-Jazira pour diaboliser le régime Kadhafi. Le bras armé de cet insatiable et arrogant petit émirat fut Nicolas Sarkozy qui, subverti par BHL, imposa l’intervention internationale en reprenant à son compte les mensonges d’Al-Jazira au sujet d’une menace inventée sur les populations de Benghazi.
La situation étant aujourd’hui ce qu’elle est, est-il encore possible d’empêcher la création d’un « État islamique d’Afrique du Nord » avec toutes les conséquences régionales qu’aurait un tel événement ?
Les Européens n’ont comme d’habitude qu’une seule solution à proposer : encore et toujours la démocratie. Le 4 août, jour de sa première réunion à Tobrouk, ils ont ainsi reconnu la légitimité du nouveau parlement pourtant élu par à peine 10 % des électeurs, et ils ont appelé ses membres à une « gouvernance démocratique »... Il est difficile d’être davantage déconnecté des réalités, d’être plus prisonnier des nuées, de l’idéologie...
La solution réaliste comporte deux volets, l’un est militaire, l’autre politique :
1) Comme je l’annonçais dans mon communiqué daté du 15 juillet 2014, une triple intervention de l’Égypte, de l’Algérie (en dépit des déclarations contraires du Premier ministre Sellal) et de la France est dans les cartons.
2) Si une telle intervention n’a pas encore débuté c’est parce qu’elle doit impérativement se faire en appui à une résistance libyenne. Or, et je viens de le dire, le général Haftar a perdu sa crédibilité. Il devient donc urgent et nécessaire de reconstruire le système d’alliances tribales qui existait du temps du colonel Kadhafi. Sans lui, il n’y aura pas d’intervention étrangère permettant d’abord de contenir, puis ensuite de réduire les salafistes d’Ansar al Charia et leurs alliés en Cyrénaïque, les résurgences du GICL (Groupe islamique combattant en Libye) en Tripolitaine et les Frères musulmans de Misrata.
Or, que cela plaise ou non, Seif al-Islam [photo ci-dessus], le fils du colonel Kadhafi, est le mieux placé pour constituer un tel rassemblement (voir à ce sujet mon communiqué du 17 août). À défaut, toutes les forces islamistes risquent d’être engerbées et coagulées dans un futur « État islamique d’Afrique du Nord » à l’imitation de l’EIL d’Irak.