Il faut entendre les Ariégeois exprimer invariablement leur désamour pour Pamiers, plus grande ville d’Ariège avec 15 000 habitants, excusez du peu, pour mesurer l’ampleur du malaise qui s’y est installé.
« Je n’aime pas Pamiers, je n’y vais que pour faire les courses mais je n’y reste pas », « Pamiers n’a pas de charme, n’est pas agréable à vivre », ou encore « dès que je suis à la retraite, je m’en vais ailleurs ». De fait, Pamiers a connu une impressionnante dégradation de sa qualité de vie depuis une trentaine d’année. Le centre-ville, normalement siège de l’âme d’une cité, est aujourd’hui une zone quasi-sinistrée. Les petits commerces ferment les uns après les autres. Les cafés, lieux notoires de sociabilité, sont presque tous porte close le samedi soir à cause de l’insécurité qui prend des proportions surprenantes à partir d’une certaine heure [1]. De fait, se promener le soir dans les rues appaméennes désertes est une expérience assez glauque.
Par contre, s’y promener la journée permet d’observer une étonnante diversité de population, autant sociale qu’ethnique et qu’on ne s’attend pas à rencontrer dans ce département rural. On commence à y entendre parler des langues exotiques auxquelles on n’est pas habitué, telles que l’arménien ou le roumain, diverses langues d’Afrique noire, un peu de chinois, l’arabe aussi, mais ça depuis longtemps. Des filles très jeunes se baladent en mini short et nombril à l’air, avec des écouteurs sur les oreilles. Des haut-parleurs diffusent une infâme musique américaine, sorte de soupe R’n’B aux sonorités remixées. Aussi étonnant que cela paraisse, Pamiers devient, à l’instar des grandes cités du monde industrialisé, une ville cosmopolite.
Se pose alors la question du « vivre-ensemble », de plus en plus difficile avec la disparition de toute culture commune. Individualisme et non-communication entre ces différentes communautés sont la règle. Consommer et s’adonner aux loisirs semblent être le seul horizon commun qui nous soit proposé. L’idéologie mondialiste, avec sa négation des différences nationales, culturelles, ethniques et même sexuelles, fait peu à peu son chemin partout en France jusque dans les petites villes et les zones rurales. À Pamiers, seuls le marché du samedi matin et une vie associative dynamique préservent une certaine convivialité et font figure de résistance. Mais pour combien de temps ?
Devant cet inquiétant constat, on peut alors se demander comment André Trigano, aux commandes de la ville depuis 1995, a pu conserver une popularité suffisante pour se faire réélire à 88 ans pour un quatrième mandat ? La réponse est simple : les gens pensent qu’il n’est pas directement responsable de cette situation, qu’il s’agit d’une évolution générale de la société dans son ensemble, et qu’au contraire, lui, André Trigano, entrepreneur et homme d’affaire avisé [2], a œuvré du mieux qu’il a pu en créant des emplois, critère ultime aujourd’hui.
Les emplois qu’il a créés, parlons-en. C’est lui qui a accéléré le déplacement de l’activité économique du centre-ville vers des ZAC périphériques. Ces Zones d’activité, formes actuelles du développement urbain, sont des lieux de consommation faits pour les voitures et aménagés de grands entrepôts de métal et de béton sans âme. Des entreprises porteuses d’emplois sont venues s’y installer, certes. Mais peut-on comparer l’emploi d’un salarié d’une grande industrie telle que Maestria Peinture avec celui d’un petit artisan-commerçant du centre-ville, propriétaire de son fonds de commerce ? Pour les statistiques, ce sont deux emplois. Dans la réalité, c’est bien par un tissu dense de petits commerces que l’on favorise le lien social, et que l’on préserve la qualité des relations avec les collègues, les clients et les voisins.
Mais pourquoi André Trigano se soucierait-il de la qualité de vie à Pamiers puisqu’il n’y réside pas ? C’est là en effet une aberration assez répandue de nos jours, à savoir que les maires ne vivent plus forcément dans la commune qu’ils administrent. Trigano vit à Paris, et sans doute de temps en temps se rend-il dans la grande ferme qu’il possède dans le Lauragais. Que lui importe alors l’insécurité qui augmente en ville, puisque ni lui ni sa famille n’y habitent. Mais peut-être considère-t-il Pamiers simplement comme « un hôtel », à l’instar de Jacques Attali qui parlait ainsi de la France ?
Si l’on ajoute à cela que la ville est plus endettée que jamais [3], et que la pauvreté y atteint des sommets [4], conséquences là aussi de ce capitalisme ultralibéral dont Trigano est le promoteur, et le tableau se noircit un peu plus. Pourtant, rien ne semble enrayer la tendance, comme les dernières élections l’ont confirmé. Une opposition ? Il y en a une, divisée et inefficace, et ce n’est certainement pas l’opposant principal Michel Teychenné, socialiste et militant LGBT de la première heure [5] – deux raisons de le ranger aux côtés des mondialistes – qui fera quoi que ce soit pour inverser la situation.
André Trigano est l’agent très actif d’une évolution, ou plutôt devrait-on dire d’un dérèglement, mondialiste et cosmopolite, propre aux sociétés industrialisées et qui trouve son premier allié dans la passivité de la population. Aucune résistance, aucune protestation ne semblent contrecarrer l’avancée du rouleau-compresseur mondialiste. Ainsi, lorsqu’il a été question en 2013 d’installer des studios de cinéma à Pamiers, une sorte d’Hollywood français, énorme projet abandonné aujourd’hui, personne ne s’est offusqué de l’arrivée possible de cette industrie de propagande et de contrôle des opinions. « Ça aurait créé des emplois. »
Il ne reste donc qu’à prier et militer pour que des forces traditionalistes attachées à préserver l’identité de la France et de ses régions se réveillent enfin.
Lucien Valo