Une délégation égyptienne est aujourd’hui en Russie pour "faire passer les relations bilatérales à un niveau supérieur".
Selon certaines informations, la réunion des ministres des Affaires étrangères et de la Défense des deux pays dans le format 2+2 devrait ensuite se tenir pour la première fois en Égypte, écrit jeudi le quotidien Kommersant.
Derrière ces déclarations officielles, les experts voient surtout une stratégie du Caire : privée d’une partie significative de l’aide américaine, l’Égypte cherche à rétablir ce financement en jouant sur les contradictions entre Washington et Moscou.
Près d’une dizaine de politiciens et de personnalités publiques composent la délégation égyptienne, qui se fait appeler "les diplomates du peuple". But officiel de la visite : "faire passer les relations bilatérales à un niveau supérieur". Cette visite précède la réunion des ministres des Affaires étrangères et de la Défense des deux pays dans le format 2+2 au Caire.
Depuis cet été les autorités égyptiennes affichent leur intention d’intensifier les contacts avec la Russie et disent leur souhait d’envoyer une délégation à Moscou.
Ce tournant est arrivé presque immédiatement après que les USA ont annoncé qu’ils pourraient suspendre leur aide militaire annuelle au profit de l’Égypte - 1,4 milliard de dollars. Les États-Unis ont commencé à étudier cette option après le renversement par l’armée du premier président islamiste démocratiquement élu en Egypte, Mohamed Morsi.
Cette réduction de l’assistance à l’Égypte a été officiellement annoncée par les USA il y a deux semaines. Au final, le Caire s’est vu priver de dix hélicoptères Apache d’une valeur de plus de 500 millions de dollars, de quatre chasseurs F-16, de nombreux missiles antinavires Harpoon, pièces de rechange pour chars et de 250 millions de dollars d’aide financière. Nabil Fahmy, ministre égyptien des Affaires étrangères, a déclaré que les relations américano-égyptiennes traversaient une "période extrêmement difficile", poussant le Caire à se tourner vers d’autres fournisseurs d’armes et sources de financement.
"Les États-Unis sont notre principal partenaire depuis la fin des années 1970. Ils nous ont accordé des dizaines de milliards de dollars, ce qui a permis pendant des décennies de maintenir la sécurité dans la région. Cette suspension de l’aide tombe mal : les islamistes représentent aujourd’hui une menace terroriste accrue", a déclaré le colonel Ahmed Ali, porte-parole de l’armée égyptienne. Les militaires égyptiens "souhaitent donc coopérer plus activement avec d’autres pays, notamment la Russie".
Les experts pensent que si l’Égypte cherche de nouveaux partenaires et sponsors stratégiques, c’est avant tout pour provoquer la jalousie des USA. "Les Égyptiens espèrent que les congressistes américains vont critiquer Obama pour cet abandon au profit de la Russie", analyse Evgueni Satanovski, président de l’Institut du Proche-Orient.
Selon lui, les Égyptiens sont parfaitement conscients que la Russie "n’aura pas suffisamment d’argent les soutenir" et l’Arabie saoudite, qui avait promis d’indemniser leurs pertes, a joué un coup tactique en attendant l’effondrement économique du pays. Les Saoudiens s’apprêtent aujourd’hui à soutenir l’Égypte en cas de nouveau coup d’Etat – au profit de leurs partisans salafistes.
Les États-Unis restent l’unique pays capable d’aider réellement l’Égypte, déclare l’expert. Cependant, Moscou a l’opportunité de profiter de la situation sur le plan tactique. "Les deux pays pourraient signer des contrats militaires. Moscou pourrait demander l’installation d’une base à Alexandrie au lieu du port de Tartous en Syrie", pense Evgueni Satanovski. Il n’est pas question d’établir de véritables relations stratégiques."