Le succès de François Fillon au premier tour de la primaire de la Droite et du Centre a été spectaculaire. Avec plus de 44 % des suffrages il a presque 16 points d’avance sur le deuxième, Alain Juppé, et pratiquement 23,5 points d’avance sur Nicolas Sarkozy, qui est éliminé. Ce succès s’explique par le double mouvement de rejet dont ont été l’objet tant Nicolas Sarkozy qu’Alain Juppé. On savait les français lassés par l’ancien président, qui n’avait quitté la politique que pour mieux y revenir. Sous des dehors de fermeté, sa versatilité, mais aussi ses compromissions, l’ont trahi.
Quant à Alain Juppé, il paye au prix fort l’ambiguïté de son personnage, qui se dit de droite mais n’a de cesse de vouloir draguer la gauche. Il a aussi souffert de sa superbe et de son arrogance, de son petit côté Aznavour chantant « Je m’voyais déjà, en haut de l’affiche… ». Mais il a prouvé qu’il ne suffit pas d’être vieux pour avoir du talent.
François Fillon, quant à lui n’a rien caché de ses opinions, et s’affirme un homme de droite, de la droite catholique qui a toujours existé en France. L’honnêteté paye en politique, et c’est une bonne nouvelle. Il ne reste plus qu’à espérer que le candidat de la gauche réelle, on veut parler de Jean-Luc Mélenchon, sera aussi au premier tour de la Présidentielle. La clarté des opinions vaut cent fois le clair-obscur d’un Juppé ou d’un Macron.
La percée de François Fillon
La probabilité désormais pour que François Fillon soit le candidat des « Républicains » à l’élection présidentielle de 2017 est donc importante. On ne peut, pourtant, exclure une mobilisation in extremis d’électeurs de gauche allant voter à la primaire de la Droite et du centre pour éliminer celui qu’ils considèrent comme « le pire » des candidats. Ce scénario est rendu possible par les règles même d’organisation de la primaire, qui permet toutes les manipulations. Mais, ce serait un comble d’immoralité et de malhonnêteté politique. Si l’on en croit les sondeurs, 15 % des électeurs au premier tour de cette primaire sont venus de ce que l’on appelle la « gauche ». Cela représenterait 600 000 voix sur les 4 millions de suffrages. Il n’est donc pas impossible que le résultat du scrutin, en ce qui concerne l’élimination de Nicolas Sarkozy, ait pu être faussé par ce vote, que l’on qualifie de « stratégique » d’électeurs de « gauche ». En effet, la différence entre Alain Juppé et Nicolas Sarkozy était d’environ 330 000 voix (8 points), et l’on ne peut donc exclure, si l’on considère que les électeurs venus de la « gauche » se sont majoritairement portés sur Alain Juppé, que ceci ait influencé le résultat final. Voilà qui montre bien le caractère non démocratique et manipulatoire des primaires dites « ouvertes ». Ceci valide l’idée que les « frontières » sont bien importantes pour la démocratie, une idée dont certains des adversaires des « primaires », n’est-ce pas Alexis Corbière, feraient bien de reconnaître…
Certains candidats ont donc décidé de rejeter ce système, et ils ont bien fait.
L’émergence de François Fillon comme probable vainqueur de la primaire de la Droite et du Centre implique une modification de l’échiquier politique. À l’inverse d’Alain Juppé, ce candidat aura – du moins en apparence – un programme à la fois plus radical en économie, mais aussi plus appuyé sur ce qu’il appelle la souveraineté de la Nation. On peut, à l’évidence, douter de cela, tout comme l’on peut aussi douter de l’efficacité du programme économique. François Fillon apparaît comme un homme respectable, mais dont le projet est aussi gros de fortes incohérences.
Les contradictions de François Fillon
Ce n’est pas sur l’éducation, où il prend assez courageusement le contre-pied des positions pédagogistes de la gauche comme de la droite, ou sur la politique extérieur qu’il faut, au premier regard les chercher. On ne peut qu’approuver la volonté de prendre ses distances avec l’Arabie saoudite, pays qui finance l’expansion du salafisme à l’échelle internationale, et qui s’enfonce chaque jour un peu plus dans une crise qui le conduira à l’éclatement. De même, la volonté affichée de se rapprocher et de l’Iran et de la Russie fait sens. Encore que, en politique extérieur, on peut et on doit s’interroger sur la cohérence qu’il y a à vouloir construire une politique commune au niveau de l’Union européenne, dont on ne sait que trop qu’elle est traversée de courants et de positions contradictoires, et l’affirmation – certes, bienvenue – d’une politique différente sur le Moyen-Orient et sur la Russie. Nommé Président, s’il y parvient, François Fillon devra ici choisir entre les intérêts de l’Allemagne et ceux de la France. Et, sur ce point, il semble bien qu’il y ait incompatibilité. Dès lors, que vaudront ses proclamation d’attachement à la foi européenne, ce que d’aucuns taxeraient d’européisme, et sa volonté de faire avancer l’indépendance nationale et la souveraineté française ? On sait que François Fillon avait, à la suite de Philippe Séguin, appelé à voter « non » au traité de Maastricht, un choix qu’il dit maintenant regretter. C’est son droit le plus strict. Néanmoins, cela lui ôte bien de la crédibilité quand il parle de la souveraineté de la France.