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Les identifiants symboliques et les stéréotypes juifs par Gilad Atzmon

Traduction E&R

Les juifs sont généralement fiers de se définir en tant que tel. Quelques Juifs peuvent, par exemple, porter fièrement la bannière juive (Juifs pour la paix, Juifs pour la Justice, Juifs pour Jésus et ainsi de suite) comme s’ils croyaient que le mot « J » contenait des attributions vertueuses spéciales. Toutefois, ils seront également gravement offensés si d’autres les qualifient de « Juifs ». Suggérer à un Juif qu’il est « Juif » ou qu’il se « comporte comme un Juif » peut être considéré comme une grave insulte « raciste ».

Il est à noter que linguistiquement, l’identificateur symbolique « Juif » fonctionne à la fois comme un nom et comme un adjectif. Bien que le terme indique une « chose », il est également descriptif. Toutefois, je suppose que les identifiants symboliques associés à la politique idéologique et identitaire ont tendance à fonctionner dans un mode grammatical double. Les mots « féministe », « socialiste », « nazi » et « suprématiste blanc » peuvent indiquer un sujet humain, mais peuvent aussi être descriptif. Je pense, par exemple, qu’une féministe qui porte fièrement le drapeau féministe puisse aussi accepter le fait que d’être appelée « féministe » lui attribuera également certaines caractéristiques particulières et certaines croyances idéologiques. Fondamentalement, nous acceptons aussi que d’être une féministe, un socialiste, un nazi ou un suprématiste blanc sont des questions de choix politique. On ne naît pas féministe ou socialiste. On adopte ces idéologies ou ces identités tard au cours de notre vie.

De ce point de vue, le signifiant ou identifiant symbolique « Juif » est légèrement différent pour les juifs, lesquels sont nés dans une identité collective. Presque comme dans chaque cas de conditions biologiquement déterminées telles que les « femmes », les « hommes » ou les « noirs », certaines personnes sont nées juives. Cependant, nous voyons ici une déformation intéressante. Premièrement, les Juifs européens peuvent facilement disparaître à l’intérieur de la foule blanche occidentale par le biais de l’assimilation et de l’intégration en abandonnant leur identité juive derrière, contrairement aux noirs et aux femmes qui doivent vivre leur vie en acceptant et en appréciant qui ils sont. Deuxièmement, la dualité entre le nom et l’adjectif dans le cas des « noirs » et des « femmes » n’est pas nécessairement vécue comme un hiatus. Ni les noirs ni les femmes ne sont offensés d’être appelés comme tels.

Dans une certaine mesure la manière dont le signifiant « juif » fonctionne dans le discours peut être semblable à celle de l’identifiant symbolique « gay ». Bien que de nombreuses personnes homosexuelles soient fières d’exhiber leur identité gay, beaucoup d’entre eux sont aussi offensés lorsqu’ils sont étiquetés comme tel par d’autres. Dans bien des cas différents de la politique identitaire et marginale, on peut remarquer une tendance parallèle et simultanée « d’avouer » et de « désavouer » une inclinaison claire pour « s’identifier » avec un collectif tout en refusant d’être « identifié » en tant que tel par les autres.

Dans une réalité multiculturelle, nous avons tendance à croire que ce mode contradictoire de comportement a quelque chose à voir avec l’utilisation ou le mauvais usage des stéréotypes.

Un stéréotype est généralement défini comme une croyance publique ou commune à propos de certains groupes sociaux ou types d’individus. Il est souvent le produit d’une généralisation essentialiste par le biais de l’induction : il s’agit d’une hypothèse non scientifique sur les propriétés d’une classe de sujets basés sur l’accumulation d’observations anecdotiques ou des rencontres qui deviennent renforcées avec le temps et la répétition.

Le concept de « stéréotype » est souvent confondu avec la notion de « préjudice ». Assez souvent, on remarque que le stéréotype attaché à l’appartenance ethnique, la classe sociale ou tout autre groupe sont un moyen d’effectuer une opinion, généralement défavorable, fondée sur une connaissance insuffisante et sur des sentiments irrationnels.

A première vue, il semble que les Juifs soient très sensibles à l’implication discriminatoire raciale du mot « J ». Pourtant, la plupart des Juifs n’ont pas l’air inquiet lorsqu’ils sont associés collectivement avec certains grands esprits, d’adorables joueurs de violon ou des chefs d’orchestre. En bref, pour appliquer en toute sécurité la catégorie « juif », assurez-vous de dire ce qu’il faut. Personne ne vous posera de problèmes pour avoir mentionné Albert Einstein en référence à l’intelligence juive ou même pour avoir évoqué Anne Frank comme étant un thème exemplaire d’innocence juive, mais vous pouvez obtenir quelques ennuis sérieux si vous mentionnez des personnages réels ou fictifs de la liste suivante : Bernie Madoff, Fagin, Wolfowitz, Lord Levy, Shylock, Alan Greenspan, Netanyahou et Nathan Rothschild, sans même les identifier en tant que juifs.

Tout ce qui précède montre une image très obscure, mais loin d’être surprenante, Il semblerait que les juifs, en grande partie, n’ont pas de problèmes avec les stéréotypes ou les catégories collectives. Les généralisations raciales ainsi que les préjugés essentialistes ne les dérangent pas tant que ceux-ci sont positifs.

Fagin Vs Anne Frank

Il m’est récemment venu à l’esprit qu’en juxtaposant les stéréotypes juifs (ceux que les Juifs semblent détester par rapport à ceux que les propagandistes ethniques juifs essaient de promouvoir) on puisse jeter la lumière sur des questions cruciales concernant l’identité collective juive. Cela pourrait également nous suggérer comment les juifs se voient et plus important encore, cela pourrait aussi nous aider à comprendre comment ils préfèrent être perçus.

Il est assez évident que certains juifs sont plutôt mécontents du « Fagin » de Charles Dickens ainsi que du « Shylock » de Shakespeare qu’ils considèrent comme « antisémites ». J’ai l’impression que l’éminent avocat sioniste Londonien Anthony Julius aimerait voir ces personnages emblématiques de la culture, éliminés du discours populaire. D’un autre côté, les Britanniques du HET (Holocaust Education Trust) ont déjà réussi à placer Anne Frank au sein des programmes scolaires britanniques.

Il n’y a pas besoin d’être un génie pour comprendre pourquoi Julius et d’autres sont préoccupés par Fagin ou Shylock. Fagin est le pilleur ultime, un exploiteur d’enfants et un usurier. Shylock est le marchand assoiffé de sang. Avec Fagin et Shylock à l’esprit, la barbarie israélienne et le trafic d’organes semblent n’être seulement que d’autres événements dans un continuum infernal sans fin. Cependant, l’enthousiasme du HET envers Anne Frank est tout aussi évident. A première vue, pour des raisons évidentes, Anne Frank est là pour donner une image d’innocence. Car en effet, pas un seul système moral ne saurait justifier l’épreuve que cette jeune fille et beaucoup d’autres ont traversé.

Pourtant, Anne Frank n’était pas vraiment un génie littéraire. Son journal n’est pas une œuvre de grande valeur. Elle n’était pas exceptionnellement intelligente non plus. Elle était en fait une fille très ordinaire et c’est exactement là toute sa force dans le discours culturel occidental d’après la deuxième Guerre mondiale. Elle était juste une fille innocente normale. En fait, la tentative de faire d’Anne Frank une héroïne culturelle peut être un véritable reflet de la tendance sioniste vers la similitude. Frank reflète la tentative désespérée des sionistes de prouver au monde que « nous les juifs » sommes des gens comme les autres. En outre, le succès du Journal d’Anne Frank est là pour suggérer la volonté de l’Occident d’accepter les Juifs comme peuple parmi les peuples.

Pourtant, encore une fois, le discours juif est dans le flou. Les juifs ne peuvent jamais accomplir leur tâche. Ils ne peuvent pas être comme « les autres » puisqu’ aucun autre peuple ne veut être comme les autres. En fait, ceux qui demandent à être considérés comme l’égal des autres, doivent se sentir fondamentalement et catégoriquement différents. Une fois de plus nous sommes confrontés à une répétition du gouffre non résolu de l’identité collective juive entre « qui l’on prétend être » et « ce que l’on est vraiment ».

Dans son dernier livre « trials of the diaspora », Anthony Julius renouvelle son attaque contre ceux qu’il nomme les « antisémites » car étant antisionistes. Le problème avec l’antisionisme, dit Julius, est que « celui-ci nie aux Juifs le droit qu’il défend pour d’autres peuples comparables, il adhère au droit à l’autodétermination, sauf dans le cas des Juifs... Il proclame le droit international, sauf pour Israël. Il considère le nationalisme juif (le sionisme) comme étant exceptionnellement néfaste, plutôt qu’étant simplement un autre nationalisme » (Trials of the Diaspora, Anthony Julius, p. XI, Oxford University Press).

L’appel pour la légitimité et la similitude dans le texte de Julius est assez embarrassant, en raison du fait que le « droit à l’autodétermination » juif est célébré au détriment de quelqu’un d’autre (les Palestiniens). Le sionisme est exceptionnellement néfaste du fait qu’il est terriblement menaçant envers la population indigène de la terre sainte. Il est manifeste dans le texte de Julius que l’avocat Londonien préfère en quelque sorte éviter de s’impliquer avec la notion ou la signification de la pensée éthique.

Pour que la Hasbara (propagande) puisse triompher dans un débat et pour que Julius gagne son argumentation, les Juifs doivent prouver qu’ils sont vraiment les mêmes, plutôt que de demander d’être considéré comme similaire. Bien sûr, Julius doit savoir que le fait de remporter une argumentation morale et le fait de gagner un procès sont deux choses totalement différentes.

On peut supposer que Julius est assez familier avec « l’impératif catégorique » de Kant qui suggère qu’adopter un comportement éthique équivaut à « agir de telle sorte que la maxime de ses actions peut être érigée en loi universelle ». Julius risque de ne pas comprendre que le nettoyage ethnique de la majorité de la population palestinienne ne peut pas être « érigé en loi universelle ». L’enfermement de millions d’entres eux dans des camps de concentration tels que Gaza n’est pas exactement le signe d’un positionnement moral profond. Le largage de phosphore blanc sur des gens qui se cachent dans un refuge de l’ONU ne fait pas ressembler l’État juif aux autres États. En fait, il ne fait pas ressembler les juifs aux autres personnes non plus. Regarder les lobbies juifs dans le monde pousser à la guerre contre l’Iran ne fait pas ressembler les juifs aux gens ordinaires. Et c’est quelque chose que même Anne Frank ne peut pas changer.

Bien que Julius et d’autres voudraient supprimer certains stéréotypes essentiels de notre discours culturel collectif, ils peuvent réellement s’attendre à l’opposé. Fagin et Shylock sont aujourd’hui plus populaires que jamais. C’est assez dévastateur de voir qu’aujourd’hui, ce sont Fagin et Shylock qui répandent la lumière sur l’État juif et ses lobbies à travers le monde. Fagin n’est pas seul et il n’est pas non plus un épisode de fiction unique. La liste des crimes sionistes se dessine si rapidement qu’il est presque impossible pour nous de garder le rythme.

Je suis réticent à dire à Julius que sa tentative est vaine. Le monde extérieur se tourne rapidement contre Israël, le nationalisme juif et la suprématie juive. Le retrait de Fagin, Shylock et T.S. Eliot n’arrêteront pas le mot « Juif » d’être un adjectif et un emblème descriptif négatif. Pour que cela change, ou pour que les Juifs soient véritablement respectés, l’autoréflexion est d’une importance primordiale. Au lieu de souligner ce qui va si mal avec les Goyim, les Juifs devraient envisager de se regarder dans le miroir. Je l’ai essayé une fois il y a plusieurs années. Je ne m’en suis jamais remis. Cela m’a transformé en un profond haïsseur de moi-même.

Lire le dernier ouvrage de Gilad Atzmon :

 






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8 Commentaires

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  • #218990

    Quand on le lit, on comprend pourquoi il est écarté du débat sur la question israélo-palestinienne en France...

     

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  • #219270
    Le 11 septembre 2012 à 20:58 par Un Autre
    Les identifiants symboliques et les stéréotypes juifs par Gilad (...)

    Il serait considérer comme "un traite" incroyable (pour le juif lambda sionisé), pourtant il pause une question fondamental .
    Comme dirait dieudo "un peux d’auto-critique les gas" Oui il (gilad) demande et pause l’autocritique de la communauté juive et de l’idéologie sioniste , qui sert aujourd’hui a défendre israel , que lui et d’autre antiosioniste trouve illégitime ;et barbare dans leurs façons de faire

    Donc Gilad courage , A quand une discussion entre lui et soral par exemple ?
    ER pourrait demander une interview de gilad pour lui pauser et approfondir certain sujet , il est du coté anglo-saxon du monde , sa serait intéressant d’avoir sont point de vue

     

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  • #219720

    Le mot juif est presque devenu une insulte quand on le prononce, c’est effarant de constater à quel point on est lobotomisés depuis toutes ces années avec un matraquage permanent de la culpabilité. Comme le dit si bien Alain Soral, la Shoah est devenue une religion, entraînant cet effet pervers que vous décrivez si bien, un juif peut être défini comme tel uniquement si c’est associé à une image positive. Merci les sionards !

     

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  • #219754
    Le 12 septembre 2012 à 13:09 par theurgie.com
    Les identifiants symboliques et les stéréotypes juifs par Gilad (...)

    Un exemple parfait qui prouve qu’il ne faut pas jeter trop vite le bébé avec l’eau du bain !! Etonnant de clarté et de clairvoyance... Un grand Monsieur qui gagne à être lu et relu. Une intégrité, un courage et une intelligence qui ne peuvent que toucher...enfin, pas tout le monde (on s’en doute)...
    A faire passer à un max de monde !

     

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  • #219972
    Le 12 septembre 2012 à 17:54 par Thémistoclès
    Les identifiants symboliques et les stéréotypes juifs par Gilad (...)

    En effet, l’exemple d’Einstein est très symbolique. Présenté tour à tour comme LE géant de la science du XXe siècle, puis comme Pacifiste humaniste, il est pourtant loin d’être le physicien de génie que l’on décrit trop souvent.
    On a dit à propos d’A. Einstein : " Plus ses conclusions heurtent le sens commun, plus elles sont accueillies avec enthousiasme" ? Ce qu’il faut bien comprendre, c’est qu’une théorie n’est pas une démonstration, et encore moins une démonstration exacte. C’est un énoncé littéraire issu d’une révélation, même si la révélation repose sur une vaste analyse. De plus, à cette époque, de nouvelles particules ou de nouveaux concepts étaient imaginés en permanence. Les termes pour les définir étaient souvent plus emprunts de poésie et de vulgarisation que de rigueur et de précision (particules charmées, saveurs, gluons, quarks).
    En fait, le génie d’Einstein est avant tout celui d’expliquer ses théories par des images compréhensibles par tous. C’est un exceptionnel vulgarisateur, comme Gamov le sera plus tard. Il reste que chez A. Einstein, cette qualité n’est jamais qu’un effet de style qui ne préjuge en rien de la réalité, ni de la démonstration de ses théories : par lui ou par d’autres.
    En outre, seconde originalité de l’époque, les concepts manipulés demeurent souvent invisibles. Ce qui fait que les théories non démontrées ne peuvent souvent pas être confirmées par des mesures physiques puisque ces mesures manquent de précision (infiniment petit et infiniment grand). Comment mesurer précisément la puissance réelle dégagée par la fission dans une centrale nucléaire puisqu’on ne connaît pas précisément la perte de masse ? Et que dire dans une explosion nucléaire !!!
    On affirme que Lorenz et Poincaré n’ont jamais revendiqué leur paternité de la Relativité restreinte. C’est vrai, et pour plusieurs raisons. D’abord pour les causes en supra : présentations simplifiées et vulgarisatrices (3 pages) d’un tout jeune physicien de 26 ans en 1905.
    Enfin et surtout parce que les articles d’Einstein en question n’ont guère eu d’écho en Europe en 1905 (il n’obtiendra le Nobel que bien plus tard). Par contre, en 1920 aux Etats-Unis, Einstein bénéficie d’une intense publicité dans les médias radiophoniques comme ABC, NBC et CBS. Sa personnalité atypique pour un savant (physique jeune et sympathique, grimaces) en font un savant médiatique, un people qui obtient le Nobel en 1921. Or Poincaré est décédé depuis 1912.

     

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    • #223530
      Le Septembre 2012 à 12:03 par petit_poney
      Les identifiants symboliques et les stéréotypes juifs par Gilad (...)

      Il a obtenu le prix Nobel pour un travail de quelques pages qui n’a aucun rapport avec la relativité, pour des raisons politiques.
      Car si Poincarré était mort, il y aurait eu des gens à l’époque pour faire remarquer que "e=mc²", ce n’est pas Einstein...

      Pour le cas d’Anne Franck, il faudra écouter notre camarade Robert Faurisson quand il sera légal de le faire (et pas avant je vous surveille !)