Les principales banques d’Europe ont encore réduit leurs effectifs de 3,5% l’an dernier et la perspective d’un retour aux niveaux d’emploi d’avant la crise semble très lointaine dans le secteur, en dépit du début de reprise de l’activité.
Les 30 principaux acteurs du secteur sur le Vieux Continent par la capitalisation boursière ont supprimé 80 000 emplois en 2013 selon les calculs de Reuters, effectués sur la base des documents annuels publiés par ces institutions.
Et pour 2014, certains cabinets de recrutement soulignent que l’espoir d’une inversion marquée de la tendance risque fort d’être déçu.
Antoine Morgaut, directeur général pour l’Europe et l’Amérique du Sud du cabinet Robert Walters ne s’attend pas à voir l’emploi dans le secteur bancaire revenir un jour à son niveau d’avant la crise de 2008, déclenchée par la faillite de Lehman Brothers.
Depuis cette époque, les effectifs globaux des 25 banques sur 30 pour lesquelles des chiffres comparables sont disponibles ont diminué de 252 000 environ pour revenir à 1,7 million de personnes.
"Il y a eu une bulle pendant 20 ans", résume Antoine Morgaut. "On assiste à une remontée dans des domaines spécialisés mais c’est assez marginal et il en restera ainsi pendant les six à neuf prochains mois", ajoute-t-il.
Les réductions d’effectifs les plus importantes de l’an dernier ont touché des banques contraintes à des restructurations en profondeur comme l’espagnole Bankia, qui a supprimé 23% de ses emplois pour se plier aux conditions posées par le plan d’aide au secteur financé par l’Union européenne.
L’italienne UniCredit a quant à elle supprimé 8 490 emplois, le chiffre le plus élevé parmi les 30 banques étudiées. Elle explique dans son rapport annuel qu’une partie des postes concernés correspond à l’externalisation de certaines activités informatiques à des coentreprises.
Le groupe belge KBC, lui, cite les cessions d’actifs comme la principale explication à ses 7 938 suppressions d’emploi (22% de ses effectifs). Il a entre autres vendu sa filiale russe Absolut Bank et la serbe KBC Banka.
L’espagnol BBVA, qui met lui aussi en avant des cessions d’actifs, a supprimé 6.547 emplois, soit 23% du total.
Le rythme des réductions d’effectifs a toutefois été réduit de près de moitié l’année dernière et la plupart des banques arrivent pratiquement au bout des plans de cessions et de coupes lancés pendant la crise.
Recrutements dans des domaines très spécialisés
Mais les résultats des tests de résistance auxquels doivent procéder cette année les autorités européennes pourraient déboucher sur une nouvelle vague de ventes d’actifs ou de réductions de coûts.
Trois seulement des banques étudiées ont augmenté leurs effectifs en 2013 : la britannique Barclays, la suédoise Handelsbanken et l’allemande Deutsche Bank. Mais ces embauches n’ont été que de moins de 770 au total, un chiffre extrêmement modeste rapporté à l’effectif global.
Les recrutements ne concernent que quelques domaines précis, comme les contrôles internes ou la cybersécurité, des activités dans lesquelles les exigences réglementaires ont été durcies ces dernières années.
"La pression réglementaire pèse sur les coûts des banques mais si un poste est requis par les régulateurs, alors les plus hauts dirigeants n’ont rien à dire et le recrutement de cette personne peut être lancé", explique Hugo Gordon Lennox, directeur exécutif de Webber Fox, un cabinet de recrutement spécialisé britannique.
D’autres connaisseurs du secteur expliquent que certaines banques commencent à s’attaquer aux problèmes créés par les réductions d’effectifs des dernières années, notamment la raréfaction de salariés "junior" spécialisés.
"Avec la reprise de l’activité, les entreprises se retrouvent souvent en situation de pénurie de compétences spécifiques et bien définies dans certains domaines, et les banques ont vraiment commencé à s’attaquer à cela", dit David Leithead, directeur général des services bancaires et financiers au cabinet de recrutement Michael Page.
Mais il ne faut pas s’attendre pour autant à un retour aux recrutements massifs. "L’analogie avec les super-pétroliers reste valable : ralentir prend beaucoup de temps et accélérer encore plus", résume Miles Stribbling, directeur des partenariats stratégiques et directeur de Phaidon Consulting Services UK.
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