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Les experts du climat sont-ils encore crédibles ?

Étonnant paradoxe. C’est au beau milieu d’une intense polémique sur sa crédibilité que le Groupe intergouvernemental d’experts sur l’évolution du climat (GIEC) a lancé, mercredi 10 février, son appel à auteurs pour la rédaction de son prochain rapport, prévu pour 2014. Depuis près de deux mois, le GIEC subit une rafale de critiques. D’abord accusé d’avoir commis des erreurs dans son dernier rapport (2007), il a vu son président, l’Indien Rajendra Pachauri, mis en cause pour des conflits d’intérêts présumés entre son poste à la tête du panel d’experts et ses fonctions de directeur d’un centre de recherche. Puis jeudi, la revue Nature a ouvert ses colonnes à cinq climatologues, dont quatre proposent de réformer profondément l’institution.

Le GIEC dans la tourmente, c’est l’un des deux piliers sur lesquels s’appuient les gouvernements pour forger leur opinion sur le danger climatique qui vacille. Car, à côté des documents du GIEC, le rapport de l’économiste britannique Nicholas Stern n’est jamais loin.

Commandé par le premier ministre Tony Blair, son rapport publié en 2006, L’Economie du changement climatique, constitue le travail le plus ambitieux réalisé jusqu’alors sur les possibles impacts du réchauffement. Avec des conclusions pour le moins inquiétantes : à défaut d’une action rapide, le changement climatique pourrait coûter chaque année de 5 % à 20 % de la richesse mondiale.

L’exercice du GIEC et celui de M. Stern ne sont pas à mettre sur le même pied. Quand le premier est censé refléter un consensus objectif de la communauté scientifique, le deuxième exprime un point de vue personnel tout à fait assumé. Mais ils ont en commun d’alerter sans ambages sur les périls du réchauffement. Quitte à se voir soupçonnés d’alarmisme.

Qu’en est-il ? Une erreur grossière, dans le dernier rapport du GIEC, donnant les glaciers himalayens - châteaux d’eau de l’Asie - pour quasi disparus en 2035, a réactivé cette critique déjà ancienne. D’autant que ce chiffre, alarmant et erroné, a été largement repris dans les médias depuis plus de deux ans, pour justifier de l’urgence à agir. Le GIEC a reconnu la réalité de cette erreur, mais se défend de tout pessimisme exagéré et ne reconnaît pas comme fondés les autres reproches qui lui sont adressés depuis deux mois.

Pour sa part, Nicholas Stern, qui n’a jamais cessé d’être la cible de critiques virulentes pour les hypothèses iconoclastes sur lesquelles il fonde son travail, maintient ses conclusions. Se reprochant même d’avoir été "trop optimiste", en sous-estimant les dangers.

Image écornée

Fondées ou non, les critiques qui pleuvent arrivent dans le sillage du Climategate - cette affaire de piratage et de divulgation des courriels privés de climatologues, intervenue en novembre 2009. Pour l’heure, ces messages embarrassants n’ont donné lieu à aucune remise en cause de la science climatique mais ont durablement écorné l’image d’intégrité des chercheurs en climatologie. Cette atmosphère de rumeurs et de soupçons sur l’expertise scientifique risque de peser sur la poursuite des négociations internationales déjà bien mal en point après l’échec de la conférence de Copenhague (Danemark), en décembre 2009.