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Les Grecs face à une nouvelle vague d’austérité

Ce dimanche 2 mai, dès la fin de la matinée, la Grèce entière est devant son poste de télévision : le plan de mesures d’austérité, détaillé en direct par le ministre des finances, plonge le pays dans une inquiétude sans nom.

Premiers touchés : les employés du secteur public. "Cela va être dur", lâche, timide, un vieux garçon de café. La réduction drastique des salaires et des retraites ne le concerne pourtant pas directement : il n’est pas fonctionnaire, ni suffisamment âgé pour lâcher son travail.

Mais il fait partie des petites gens. Et ce sont eux, d’abord, à entendre les premières réactions de la rue, qui vont souffrir de ce plan de rigueur, inédit et brutal. "Beaucoup de Grecs vont voir leur vie entière bouleversée ou détruite", assure l’éditorialiste Dimitrios Konstantinkopoulos, citant le cas de sa voisine, employée de mairie et veuve de fraîche date. "Avec les compressions de postes qui s’annoncent, elle est presque certaine de perdre son travail. Et sa maison avec : comment pourra-t-elle, seule, continuer de payer ses mille euros de traite ? Elle est désespérée. Son seul regret, m’a-t-elle confié, c’est de n’avoir pas volé. C’est terrible. Au fond, ce sont les plus vulnérables et les plus dignes qui vont être frappés".

Pour Athanase Telonis, technicien-radio dans un des grands hôpitaux d’Athènes, ces mesures sont injustes : "Nous sommes les seuls dont les revenus sont enregistrés par l’administration, nous sommes les seuls à payer les impôts. Et c’est encore nous qu’on pressure !", dit-il, la "rage au cœur" de se sentir "une fois de plus piégé, pris en otage". Comme la majorité des petits fonctionnaires, Athanase Telonis fait deux boulots dans sa journée, afin de "joindre les deux bouts" - le premier job, officiel, à l’hôpital ; le second, au noir, dans le privé. Son salaire de fonctionnaire (950 euros, sans les primes) est à peine plus élevé que celui d’une infirmière (autour de 800 euros). Et la vie est chère, en Grèce, à peu près autant qu’en France…

En nombre pléthorique – 800 000 personnes au total, pour une population de 11 millions d’habitants –, les fonctionnaires grecs ne sont pas tous logés à la même enseigne. "La plupart travaillent dur et ce sont eux qu’on va sanctionner", s’indigne cette Française, professeur de yoga. Installée en Grèce depuis de longues années, elle connaît par cœur les fléaux qui plombent le pays : clientélisme, corruption, manque de civisme, notamment. Elle est intarissable sur les ronds-de-cuir du secteur public, qui "quittent leur travail au milieu de la journée, pour aller chez le coiffeur" ou demandent un pot-de-vin "pour simplement faire leur travail".

Elle n’en est pas moins abasourdie par le plan de rigueur annoncé. "On va baisser les salaires des seuls encore capables de consommer ! Et on ne baisse pas qu’un peu… En France, on nous ferait le quart de ça, on serait déjà dans la rue à tout casser", dit-elle. La journée de grève générale, mercredi 5 mai, sera-t-elle l’occasion d’une explosion de colère – voire d’émeutes, comme d’aucuns le prédisent ?

Dimitrios Konstantinkopoulos ne le pense pas. "C’est tellement radical, ce qui arrive ! Les gens ne réalisent pas. La Grèce est comme un ami malade : jusqu’à son dernier souffle, on n’arrive pas à imaginer qu’il est en train de mourir sous nos yeux". Athanase Telonis sent monter en lui la révolte. "Il faut que ce gouvernement s’en aille ! Il faut remettre les compteurs à zéro et que les voleurs, les vrais, payent enfin. Si on doit changer le système, ça ne se fera pas dans la douceur", prédit le fonctionnaire – qui n’a rien, pourtant, d’un activiste ou d’un desperado.

"Ce qui se passe est grave. Pour nous, bien sûr, ajoute Dimitrios Konstantinkopoulos. Mais pour vous aussi, car la Grèce est un laboratoire pour l’Europe. Demain, ce seront l’Espagne, le Portugal ou l’Italie, et pourquoi pas la France qui seront mis au même régime que nous".