Populaire en son pays mais toujours considéré avec force suspicion ou mépris hors de ses frontières, le vin chinois ne s’exporte pas.
En matière de vin, le pays le plus peuplé du monde bat depuis quelques années tous les records.
Avec 20 millions d’hectolitres produits par an, la Chine se place désormais au 5e rang mondial. Cinquième pays consommateur de vin, 1er consommateur de vin rouge devant la France, sa production nationale couvre 80% de ses besoins, même si les vins importés, pourtant taxés à 50%, grappillent des parts de marché.
Aucun expert de la filière ne pense toutefois sérieusement que la Chine deviendra un pays exportateur significatif à court ou même moyen terme.
"L’appétit pour les vins made in China en dehors de la Chine est très limité", reconnaît Judy Chan de la société Grace Vineyard qui cultive 300 hectares de vigne dans les régions septentrionales du Shanxi et du Ningxia.
Un exposant chinois au salon Vinexpo de Hong-Kong, le 29 mai 2014 Aussi les producteurs "ne font-ils guère d’efforts pour séduire les marchés étrangers", note Lu Wen, responsable de la production du groupe Dynasty Fine Wines.
"Ces marchés sont matures alors que nous, nous en sommes au stade embryonnaire. On peut imaginer une demande des Chinois de l’étranger, mais on ne peut tout simplement pas espérer aller au-delà", dit-il.
Malgré un bond qualitatif, des terroirs et climats variés, l’arrivée de techniciens et d’investisseurs étrangers comme les Domaines Barons de Rothschild (DBR) dans le Shandong (est) ou LVMH dans le Ningxia, les vins chinois restent très inégaux.
"Ils font un effort de qualité, ils ont embauché des oenologues français, mais dans l’ensemble on reste sur des objectifs de quantité", explique un négociant français installé à Shanghai.
Des cailloux dans la récolte
"Le vin est produit dans de grandes caves coopératives qu’on appelle des usines. Le paysan, qui dispose d’une parcelle, est payé au poids du raisin qu’il apporte à la coopérative. Il arrive qu’ils mettent des cailloux dans leur récolte. Sans compter qu’il y a des questions sur le contenu du vin chinois qui a le droit d’être assemblé avec 20% de vin importé", ajoute-t-il.
En septembre 2011, un vin rouge de cette région autonome à forte population musulmane avait fait sensation à Londres en remportant un des prix les plus importants aux Decanter World Wine Awards. Depuis, le Ningxia est considéré comme la zone la plus prometteuse.
En décembre de la même année, un concours de dégustation avait donné l’avantage à cinq vins chinois sur cinq Bordeaux vendus au même prix en Chine. Mais les conditions de la compétition avaient été contestées, les vins français, de valeur intermédiaire, étant mis face aux meilleurs crus chinois.
Plus largement, le manque de contrôle sanitaire, les scandales alimentaires et l’important marché de la contrefaçon ne plaident pas en faveur d’une exportation du vin chinois.
Il faudra quoi qu’il en soit des années pour que la vigne mûrisse. "Cela prend du temps. On ne plante pas des vignes pour tirer du bon vin l’année suivante. Les jeunes vignes produisent un vin moins flatteur, c’est la nature", souligne Debra Meiburg "Master of Wine".
"Les vins chinois sont des vins de moyenne gamme destinés à une consommation quotidienne", selon elle. "Mais la Chine", prévient-elle, "finira pas bouleverser le monde du vin, il suffit d’attendre un peu".
Une chimère, affirme Angel Lee, directeur de la maison de négoce MBL basée à Hong Kong, pour qui le vin est davantage qu’un produit de consommation : un art de vivre, une culture, une identité.
"Nous aimons les produits typiques de leur région d’origine. En Chine, c’est le thé", dit-il.