Le jeune soldat américain Bradley Manning, soupçonné d’être la "taupe" de WikiLeaks, a été formellement mis en accusation jeudi par une cour martiale pour "collusion avec l’ennemi", avant son procès où il encourt la prison à perpétuité.
Vêtu de son uniforme militaire vert foncé, l’ancien analyste de renseignements en Irak, menu et frêle, a gardé le silence pendant la quasi-totalité d’une audience de trois quarts d’heure sur la base militaire de Fort Meade (Maryland, est des Etats-Unis).
Un procureur militaire, le capitaine Ashden Fein, lui a lu son acte d’accusation qui comporte 22 chefs, dont le plus grave est "collusion avec l’ennemi".
Le soldat de première classe, âgé de 24 ans, est également poursuivi pour "incitation à la publication de renseignements sur internet en sachant qu’ils sont accessibles à l’ennemi", "vol de propriété ou d’archives publiques", "utilisation de logiciels non autorisés" pour des informations classées, ou encore "violation du réglement de l’armée".
L’accusé s’est contenté de répondre "oui, votre honneur", quand la juge militaire Denise Lind lui demandait s’il comprenait les charges pesant contre lui.
Il a préféré de pas annoncer lors de cette audience s’il plaidait coupable ou non coupable. Il pourra le faire ultérieurement "au plus tard à la date du procès", a indiqué un expert juridique militaire. Son réseau de soutien s’attendait à ce qu’il plaide non coupable dès jeudi.
Il est accusé d’avoir transmis au site internet WikiLeaks, entre novembre 2009 et mai 2010, des documents militaires américains sur les guerres en Irak et en Afghanistan, ainsi que 260.000 dépêches du département d’Etat, déclenchant une tempête dans la diplomatie mondiale.
S’il est reconnu coupable lors de son procès, il encourt la prison à vie.
Lors de l’audience, le gouvernement a demandé que le procès démarre le 3 août 2012 et la défense a souhaité qu’il commence dès juin. L’avocat civil David Coombs a demandé à la juge de ne pas différer le procès au-delà d’une "date raisonnable".
"Bradley Manning a déjà été incarcéré depuis 635 jours", a-t-il déclaré.
A la fin de cette audience très procédurale, un contestataire de l’organisation pacifiste Code Pink a interpellé le tribunal : "Un soldat n’est-il pas censé dénoncer un crime de guerre ?" a-t-il crié, en référence aux informations sur la guerre en Irak que le soldat Manning est accusé d’avoir rendu publiques.
Une dizaine de requêtes du gouvernement et de la défense commenceront à être examinées lors d’une audience préliminaire à la mi-mars. Les avocats du soldat réclament la publication de preuves et de courriels nécessaires à la procédure tandis que le gouvernement a demandé un contrôle des informations dites classées.
"Le gouvernement prétend qu’il y a eu une fuite accidentelle", a déclaré Me Coombs, à propos d’un courriel contenant des informations classées que la défense aurait envoyé sans sécurité. "Il n’y a pas eu de fuite", a-t-il protesté.
Bradley Manning n’a pas encore déterminé s’il souhaitait être déferré devant un seul juge ou un jury militaire lors de son procès.
En décembre, durant sept jours d’audience préliminaire, la défense avait invoqué des problèmes liés à l’homosexualité de Manning confronté, lors de son déploiement en Irak de novembre 2009 à mai 2010, à un environnement hostile contre lequel ses supérieurs n’avaient pris aucune mesure.