Chaque génération se plaint de la descente qu’il observe dans celle qui le suit.
Dans les années 50, on trouvait M. Brassens vulgaire (d’où la chanson le pornographe du phonographe). Il était subversif car il disait merde et qu’il refusait de prendre position sur des sujets politiques (les deux oncles). Cependant, Brassens avait un bagage culturel remarquable, il passait son temps à lire de la poésie et à la chanter : François Villon (ballade des dames du temps de jadis - qui, pour subversive qu’elle fût, se termine par un hommage à Jeanne d’Arc), Paul Fort (les passantes), Francis Jammes (le petit cheval). Quand il composait, tout le monde reconnaissait sa maîtrise de la langue et du génie de la poésie.
C’est parce qu’il était subversif et classique que Brassens est resté : comme Ferré, comme Brel, comme Barbara.
Ceci étant entendu, j’ai l’impression que nous sommes devant un à-pic actuellement. Le génie occidental s’effondre dramatiquement. Il y a à cela plusieurs raisons :
l’hyper marchandisation qui veut que la culture soit un produit commercial comme un autre. Résultat, il ne peut plus y avoir d’esthête absolu en art comme Fellini dont l’oeuvre, quoi qu’on en pense par ailleurs, est le signe de son infinie liberté ;
la généralisation de la société de consommation qui se traduit par l’abandon du goût pour le classique et le durable (exemple - le mobilier) et donc par une frénésie à posséder. L’artiste ravi car il créait dans son atelier crasseux et mal éclairé n’existe plus ;
l’absence d’événements tragiques propices à voir émerger les grandes consciences. Socrate et Céline sont nés de la guerre par exemple. De nos jours, les guerres n’étant pas comprises par ceux qui la font, elles ne produisent que des James Blunt...
l’absence d’une élite sérieuse et modèle. On vient de donner le Nobel à Modiano... Le seul auteur faisant de la litérature "à l’ancienne", c’est ce pauvre Renaud Camus... C’est inoui !!!
la starification du "commun". Les émissions de télé comme "danse comme une star", "chante comme une star", "cuisine comme une star" répondent à une demande. Chacun veut son quart d’heure de gloire. A l’inverse, elles concourrent à un nivellement des talents donc une suppression des génies.
Que faire ? du survivalisme culturel. Imposer les classiques à nos enfants et, si on ne les a pas lus soi-même, les lire et les écouter en priorité comme un sacerdoce. Mozart et Plutarque n’ont jamais tué personne.
Répondre à ce message