Compte rendu critique par Damien Viguier
Le nationalisme conspirationniste soralien, une idéologie radicale et marginale de l’extrême droite française contemporaine, par Aurélien Montagner ; thèse de l’université de Bordeaux soutenue le 4 décembre 2020. 644 pages. Diffusion sur tel.archives-ouvertes.fr.
Les mânes de l’université de Bordeaux sont à la fête. Menant la farandole, le doyen Duguit, « l’anarchiste de la chaire » (le mot est de Maurice Hauriou), peut s’enorgueillir de voir son établissement décerner le titre de docteur en droit à un nouveau produit du genius loci. Le sujet de cette thèse est totalement inédit en tant que tel. Il s’agit d’Alain Soral, de son mouvement Égalité & Réconciliation, de ses sympathisants et plus largement de l’idéologie qu’il incarne. Mené de main de maître, ce travail universitaire de très haut niveau est le bienvenu, car, pour être marginal (comme l’indique le titre), le mouvement soralien n’en est que plus vivant, tant il est vrai qu’en géopolitique comme en géographie des concepts ou pour la pousse des arbres, ce sont les marges qui sont vivantes.
Ce remarquable travail de thèse fait suite à un précédent mémoire de DEA qui portait sur le même sujet (L’idéologie d’Alain Soral : entre novation et récupération, étude d’une composante singulière de l’extrême droite française contemporaine, 2014). L’ouvrage donne du mouvement « soralien » une bonne photographie, d’un excellent niveau journalistique, mêmes si les teintes en sont déjà un peu passées. C’est le prix à payer d’une recherche doctorale d’actualité, surtout pour un mouvement soralien d’autant plus proche de l’analyse de l’actualité politique que souvent c’est lui qui la fait.
On regrettera tout de même la discrétion de l’auteur sur la question juive, sur l’antisémitisme, et sur la chambre à gaz. Il est à souhaiter que, prenant conscience de ses hautes capacités, monsieur Montagner fasse preuve désormais de moins de pudeur. Car en France la recherche est libre. On admirera le style délié et franc d’un chercheur honnête qui sait sans frilosité tenir son objet en respect. Ainsi, d’un avocat dont nous tairons ici le nom, il est dit : « Nous restons prudents en n’affirmant pas que maître (…) adhère totalement à l’ensemble des idées développées par Soral » (page 93, nous soulignons). Il aurait été plus clair de dire directement à quelles idées en particulier cet avocat adhérait totalement, ou sinon en quoi son adhésion à l’ensemble des idées n’était pas « total ».
Enfin on pourrait regretter que l’auteur se soit contenté de suivre devant son écran les publications du site internet d’Égalité & Réconciliation. Sont surtout exploités en effet les articles et les vidéos publiées sur ce site. Les ouvrages d’Alain Soral ne sont pas lus. Ni prise en considération la collection Kontre Kulture dont Soral est pourtant le directeur. Pas plus que n’ont fait l’objet d’entretiens les cadres, les militants ou les sympathisants d’E&R. Mais c’est un choix de délimitation du matériau. Aussi que l’on ne voit pas le moindre reproche dans ces remarques qui n’expriment que notre espoir que l’auteur ait l’occasion d’approfondir un labeur qui le mérite très amplement.
Ces réserves faites, nul doute que monsieur Montagner trouvera sa place aux côtés des Caroline Fourest, des Tristan Mendès France, des Rudy Reichstadt, des Pierre-André Taguieff et des Jean-Yves Camus, en bref de toute cette intelligente cohorte d’esprits supérieurs qui font la jalousie de nos voisins européens et que le monde entier nous envie.
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