Des années que nous sommes profondément gênés par les ambivalences du terme « libéral » dans la sémantique politique.
A priori, nous sommes dans une société dite « libérale ». Celle-ci se définit par :
Une liberté d’opinion, même encadrée.
Une démocratie représentative.
De nombreux droits individuels.
Une économie capitaliste, libre-échangiste.
Les pourfendeurs de la « civilisation libérale », de la droite traditionnaliste à l’extrême-gauche, rejettent souvent :
Un esprit général relativiste en tout, son absence de sacré.
Une démocratie représentative qui se transforme en oligarchie et en ploutocratie.
Une course effrénée transformant tous les désirs individuels en « droits ».
Une économie qui tend à donner tout pouvoir aux acteurs privés au détriment de la force publique.
Les raisons de critiquer la « société libérale » sont nombreuses et légitimes, d’autant que « l’idéologie libérale » est manifestement, aujourd’hui, autant partagée par les politiques de la droite parlementaire que de la gauche parlementaire, et ce presque partout en Europe.
Un gros problème demeure cependant : le mot « libéralisme » recouvre plusieurs réalités, dont certaines sont tout à fait bénéfiques pour une société.
Par « libéralisme », beaucoup entendent :
liberté d’entreprise, développement de l’activité.
baisse des charges et des impôts.
liberté de la presse, etc.
Aussi, quand des courants politiques et intellectuels dénoncent la « société libérale » ou la « civilisation libérale », poussant jusqu’à incriminer « l’ultralibéralisme », nombre de bons esprits s’insurgent, imaginant que ces détracteurs seraient par nature des « communistes » souhaitant écraser les entreprises et les foyers sous le poids des impôts, ou souhaitant brimer la liberté d’expression.
Pour ces bons esprits, dont beaucoup sont entrepreneurs ou de professions dites « libérales », la société n’est en aucun cas victime d’un libéralisme exacerbé, notamment quand ils voient leurs impôts augmenter régulièrement depuis des années, et des aides sociales pleuvoir sur des « assistés ».
Pour prendre un exemple parlant, nombreux sont les hommes et femmes politiques (y compris au Front national) qui vont dénoncer dans une même phrase « l’ultralibéralisme » et « les politiques d’austérité », celles-ci étant bien entendu la conséquence de celui-là. Or, il est bien possible qu’un petit entrepreneur ne comprenne en rien que le « libéralisme » puisse justement être la cause de l’augmentation de ses prélèvements obligatoires et du tarissement de la consommation. Il y a de fortes chances pour qu’il y voit au contraire les restes d’un État encore trop omnipotent et bureaucratique. Pour que cet entrepreneur comprenne cette logique perverse et à priori incohérente, il faudrait lui expliquer, entre autres, qu’en Europe, la lutte contre l’inflation est en particulier dans l’intérêt des banques et des grosses fortunes qui ne veulent pas voir déprécier leur capital ou leurs actifs, ou bien que c’est en vertu des milliards que les États doivent rembourser aux banques chaque année que les impôts augmentent, etc. Les raisons qui démontrent que c’est bien à « l’ultralibéralisme » que nous devons l’austérité sont nombreuses et exposées en détail ailleurs, mais cela ne tombe pas sous le sens au premier regard, et implique donc de nombreuses incompréhensions.
Par conséquent, toutes les critiques à l’égard du libéralisme actuel – même lorsqu’il est appelé « ultralibéralisme » – tombent dans le vide chez beaucoup de nos compatriotes.
Ce quiproquo et ces malentendus induits par les ambivalences du terme « libéral » neutralisent ainsi légion de discours politiques.
Pourtant, il faut bien dénoncer une idéologie, des principes, une praxis – qui font que :
les sociétés s’atomisent jusqu’à l’anomie, développant un individualisme extrémiste qui rompt les solidarités et les cohésions nationales et républicaines (droits à tout et n’importe quoi, rupture avec les traditions, communautarisme) ;
tout pouvoir est donné aux multinationales et à la finance (les banques) qui, en tant qu’acteurs privés les plus puissants, s’accaparent rapidement une domination complète, au détriment de la chose publique mais également des petites et moyennes entreprises.
La question est – puisque nous avons déjà dit que le terme « libéralisme » n’était pas satisfaisant – sous quel vocable dénoncer ces maux ?
Libérisme :
Le libérisme (dérivé de l’italien liberismo) est un idiotisme italien introduit d’abord en anglais par le politologue Giovanni Sartori et qui désigne une doctrine du capitalisme libéral.
Sartori a importé ce mot de l’italien afin de distinguer entre le social-libéralisme, qui est généralement considéré comme une idéologie politique qui prône une intervention étendue de l’État dans l’économie, et le libéralisme économique qui propose de pratiquement éliminer cette intervention. De façon informelle, le libérisme recouvre des concepts tels que le libre-échange, le néolibéralisme, l’idéologie libertarienne et la notion française de laissez-faire.
En Italie, le libérisme est souvent identifié avec les théories de Gaetano Mosca, Luigi Einaudi et Bruno Leoni. Au niveau international, le libérisme est défendu par l’École autrichienne d’économie, par exemple par Ludwig von Mises et Friedrich von Hayek.
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Par « libérisme », nous entendons donc une idéologie cherchant à donner tout pouvoir aux forces privées, et donc, en dernières instances, aux plus puissantes de ces forces privées : les banques et les multinationales, qui finissent immanquablement par biaiser les principes mêmes du libéralisme en mettant en place des situations monopolistiques et en asservissant toutes structures publiques/politiques qui seules peuvent protéger les plus faibles (et par faibles nous entendons non pas seulement des individus, mais aussi des forces privées de type PME/PMI).
Par « libérisme », nous entendons aussi : idéologie dont les seules mesures sont l’individu et ses désidératas au détriment de la société, de ses traditions, coutumes et cohésions diverses.
Le « libérisme » concourt donc naturellement à l’effacement des frontières (libre-circulation des hommes, des capitaux et des marchandises), à la disparition des États-nations et à la légitimation de tous les désirs individuels, réduits bien souvent à des objets de consommation.
Enfin, pour ceux qui n’auraient pas encore compris : être opposé au « libérisme », c’est tout de même souhaiter rester dans une économie de type libéral, vouloir libérer les forces productives, baisser impôts et charges et garantir une concurrence saine.
En somme, être un vrai libéral dans ce que le libéralisme a de meilleur, c’est être contre le libérisme qui, de surcroît, le biaise et l’entrave profondément.