En matière de débat idéologique, c’est-à-dire purement politique, Le Figaro a mis une vraie branlée au Monde, qui ne constitue plus le creuset, le cœur du débat intellectuel de la presse française. Aujourd’hui, 40 ans après la Nouvelle Droite du tandem Louis Pauwels-Alain de Benoist, une nouvelle droite siono-compatible d’Alexandre Devecchio lance des passerelles de tous les côtés, alors que Le Monde s’est arrête à une vision des choses socialo-sioniste aussi binaire que dépassée : si l’on n’est pas de ce camp, on n’a pas le droit de participer au débat démocratique. Cette étroitesse d’esprit (et cette peur de perdre à la loyale) débouche sur une démocratie boiteuse, infirme et agressive, car elle est en permanence sur la défensive. Dans l’Évolution, ceux qui sont dépassés augmentent leur niveau d’agressivité, mais cela ne change rien à leur destin.
Le 9 juillet 2020, Devecchio invite BHL et Villiers à ferrailler par correspondance sur la France d’après, l’expression préférée de Macron. Que les SS (socialo-sionistes) se rassurent, BHL n’a pas été blessé par la lame du vicomte : les fleurets avaient des embouts. Enfin, au départ.
Les dernières sorties des deux bretteurs
Nous avons sélectionné les passages les plus purement politiques, c’est-à-dire idéologiques, car c’est la racine des choses qui nous intéresse. Le fou du Puy attaque le premier (il attaque le confinement, pas BHL) :
« C’est une débâcle : le traumatisme d’un peuple amputé de ses libertés fondamentales, la déchirure des tissus conjonctifs de la France industrieuse, l’abandon des anciens, la défaite d’Antigone qui a perdu le droit d’enterrer son frère. Une défaite de civilisation. Le confinement généralisé fut une erreur. On pouvait faire un confinement ciblé, avec un périmètre sanitaire sur les zones contaminées et les groupes à risque. La politique est devenue une prophylactique : nous voilà déconfinés, bâillonnés, sous la surveillance du biopouvoir. Il faut avancer masqué pour paraître fraternel. »
La réponse de BHL étant très évasive, voire insignifiante, on passe tout de suite au premier sang. C’est BHL qui pique le premier, en assimilant le populisme au virus :
« Il y a tout un courant hygiéniste qui se développe depuis un siècle et dont il faudrait, là aussi, faire l’histoire. La vie à tout prix. La santé au lieu de la liberté. Tous les problèmes sociaux, politiques, réduits à des infections qu’il faut traiter. Bref, la volonté de guérir devenue le paradigme de l’action politique. Mais attention ! Vous avez aussi le populisme. À force de brandir des menaces imaginaires, d’agiter le spectre du “grand remplacement”, etc., on finit par terroriser les gens. Tout cela est lié. »
Comme si les Français étaient terrorisés par le complexe du grand remplacement, qui terrorise en revanche ceux qui l’ont conçu et appliqué ! Le vicomte en profite pour placer sa bote secrète, presque imparable (ça fait au moins 30 ans qu’il la travaille) :
« Le populisme, c’est le cri des peuples qui ne veulent pas mourir et cherchent à se protéger de la « mondialisation heureuse ». Elle nous a rendus malades. Ce n’est pas elle qui a fabriqué le virus, mais c’est elle qui l’a fait circuler aux dimensions d’une pandémie. Ce qui vient de s’effondrer, c’est le fameux “nouveau monde”, celui que vous avez célébré : le “village global” unifié, la religion des flux, l’avènement du marché comme seul régulateur des pulsions humaines avec les fameuses chaînes de valeur globale. L’épreuve nous a tous ramenés au carré magique de la survie. Le premier coin du carré, c’est la frontière, c’est-à-dire la protection régalienne, ce pour quoi les États ont été imaginés. Le deuxième, c’est la souveraineté. Le troisième, c’est le local, donc le contrôle au plus proche des intérêts vitaux. Et le quatrième coin du carré, c’est la famille qui, dans le malheur, redevient la première sécurité sociale. »
BHL se défend comme il peut, et son naturel, incohérent et médiocre, reprend le dessus :
« Non. Le populisme c’est le cri des démagogues qui ne veulent, eux, pas mourir et qui, comme Le Pen, comme Mélenchon, comme d’autres, attisent les peurs pour mieux contrôler leurs électeurs. Quant à votre “carré de la survie”, je demande à voir. La frontière, O.K., mais à condition qu’on la franchisse – et ça s’appelle l’Europe. La souveraineté, peut-être, mais certainement pas nationale, car plus aucun problème sérieux ne peut se régler à cette seule échelle, sur cette seule agora – et ça s’appelle encore, que vous le vouliez ou non, la mondialisation et l’Europe. La famille, mouais : mais est-ce que le premier psy venu ne vous répondrait pas que ça peut être un rempart au malheur mais que c’est aussi le pire nœud de vipères et de haines qui soit ? Et quant à votre repli sur le “local”, quelle pitié ! Quel aveu de défaite ! Et quel recul par rapport au temps où les amoureux de la France voulaient la voir, non se replier, mais rayonner ! Non se concentrer sur “le plus proche”, mais regarder vers l’universel, quand ce n’était pas le formuler, le fomenter, le dire, cet Universel ! »
On sent que le Terrien a secoué le Nomade, dont les coups sont tellement usés qu’ils sont attendus. Après sa botte, le Terrien touche une seconde fois, avec un lyrisme qui laisse pantois (mais la joute est écrite, donc ça permet de replacer les phrases ou blocs de phrases de son propre livre, on appelle ça des éléments de langage personnels) :
« Je vous invite à mettre un cierge au chevet du soldat Schengen. Il est mort du coronavirus. Quant à la souveraineté européenne, elle est comme l’amour à distance, c’est de la branlette. “Le plus proche” est une expression qui signifie non plus délocaliser mais relocaliser, par exemple pour retrouver une industrie et forger à nouveau des outils de puissance dans le concert des nations. L’universel sans les enracinements, c’est le hors-sol des cosmopolites verbeux. On a vu ce que le libre-échange universel a produit depuis Maastricht : la désindustrialisation massive, la prolétarisation de la classe moyenne, la partition territoriale et, parallèlement à l’épuisement de l’Amérique, la montée au firmament de la Chine. Beau travail ! La gouvernance européenne ne besogne qu’au service de l’illimitation marchande. Elle a immolé son enveloppe charnelle et perdu son être propre. Elle nous a fait perdre le sens de notre communauté de destin. Selon le mot de Régis Debray : “L’Union européenne aura été l’histoire de la sortie de l’Europe de l’Histoire”. »
On passe sur les passes d’armes suivantes, on note en passant un petit « hors-sol des cosmopolites verbeux » de toute beauté, et on passe au sang qui gicle : l’épée du vicomte traverse le Cosmopolite verbeux :
« Notre pays est au bord de la fragmentation territoriale. Il y a des enclaves étrangères qui, rejetant notre civilisation, considèrent la France comme une puissance étrangère chez elle et prétendent la “décoloniser”. En face des colons du barbaricum, on retrouve les bourgeois de Calais : robes de bure, têtes cendrées, nos élites font la génuflexion et récitent leur acte de contrition. Ce pays qui se défait, c’est votre œuvre. Vous avez décrit la France comme une terre de racistes et de collabos. Et vous êtes le père de SOS Racisme. Jean Baudrillard a tout résumé : “SOS Racisme et SOS baleines. Ambiguïté : dans un cas, c’est pour dénoncer le racisme, dans l’autre, c’est pour sauver les baleines. Et si dans le premier cas, c’était aussi un appel subliminal à sauver le racisme…” Le séparatisme qui nous menace, c’est vous qui l’avez mis en orbite : antiraciste, vous avez généré le racialisme. Et, antifrançais, vous avez généré les indigénistes qui ont la haine de la France. Regrettez-vous aujourd’hui, cher Bernard-Henri Lévy, la profession de foi du premier numéro du journal Globe, fondé en 1985 : “Bien sûr, nous sommes résolument cosmopolites. Bien sûr, tout ce qui est terroir, béret, bourrées, binious, bref franchouillard ou cocardier, nous est étranger, voire odieux ?” »
On dirait le grand Lesquen qui invective le petit Haziza !
Ouf, le combat est terminé, BHL, la chemise déchirée, s’enfuit en sanglotant vers son palais marocain où l’attend une épouse ruisselante de désir. Le vicomte a vaincu, mais le pouvoir reste aux Pharisiens. Le débat c’est bien, la lutte c’est mieux.
Et si, après ces débats à la limite de la politesse, on organisait des combats de lutte entre nos intellectuels ? Pour qu’enfin il y ait d’autres gagnants...
Mais ce faisant, le problème devient tout autre : que pèsera un Haziza devant un Lesquen qui a fait polytechnique et donc l’armée ? Conversano, qui filme son popo, devant Soral ? BHL sans ses amphètes devant Villiers ? Là, une autre hiérarchie, plus naturelle, plus instinctive, s’imposerait. Serait-elle plus juste ? Vous avez quatre heures.
Post-scriptum : à aucun moment le mot antisémitisme n’a été prononcé. C’est pas du jeu ! C’est pas un vrai débat ! On ne tourne pas autour du pot, il y a des gens qui regardent, que diable !