Tim Berners-Lee, considéré comme l’un des pères du World Wide Web, a mis en garde contre le "fléau" des législations anti-piratage, qui peuvent aller jusqu’à suspendre l’accès au réseau, évoquant notamment la loi Hadopi française. Lors d’une conférence sur l’Internet à la Royal Society (l’académie des sciences britanniques) à Londres, M. Berners-Lee a dénoncé "la vague de législations qui entendent donner aux gouvernements et aux fournisseurs d’accès le droit et le devoir de déconnecter les gens".
Selon lui, "ce nouveau fléau" inclut la loi Hadopi, entrée en vigueur cette année, et qui menace de couper l’accès au Web aux personnes qui téléchargent illégalement des contenus, et une loi adoptée en Grande-Bretagne en avril, qui pourrait aboutir au même résultat. "Qu’on puisse suspendre l’accès à l’Internet à une famille française parce que l’un des enfants a téléchargé illégalement un contenu, sans jugement, je crois que c’est une punition inopportune."
"Je veux pouvoir continuer à utiliser le réseau. Si l’accès m’est coupé, pour une raison ou une autre, en ce qui me concerne, ma vie sociale serait totalement dégradée. Mais pour certains, c’est l’accès à l’information médicale [qui serait mis à mal]", a-t-il poursuivi.
PROJET DE LOI CRUCIAL AUX ÉTATS-UNIS
M. Berners-Lee, professeur au Massachusetts institute of technology (MIT), a rappelé par ailleurs qu’aux Etats-Unis, le Sénat examine cette semaine une proposition de loi qui autoriserait le gouvernement à créer une "liste noire" de sites Internet qui pourraient être bloqués par les fournisseurs d’accès. Le texte, actuellement examiné en comité au Congrès, prévoit la création de deux listes, la première alimentée par les tribunaux, la deuxième par le ministère de la justice. L’ensemble des FAI américains seraient dans l’obligation de bloquer les sites de la première liste, tandis que le blocage serait "recommandé" pour ceux de la seconde.
Pour les adversaires du projet, une telle loi pourrait conduire au blocage de sites importants comme YouTube, considérés par certains ayant-droits comme une plate-forme hébergeant principalement des vidéos contrefaites. Le texte renverserait la pratique établie par le Digital millenium copyright act, qui prévoit que la responsabilité des hébergeurs comme YouTube consiste à supprimer les vidéos qui leur sont signalées comme contraires à la législation.
Vingt ans après avoir conçu le premier site Web, alors qu’il travaillait à Genève, Tim Berners-Lee juge qu’"Internet est à un point critique". Il a engagé les experts réunis pour la conférence à Londres à lutter contre l’encadrement du Web, qui avait été créé au départ comme un lieu de liberté. Bien qu’il pense que les fournisseurs d’accès ne devraient pas en général être tenus pour responsables des contenus, il a admis que la question du terrorisme et du crime organisé constituait "une exception".