Le Premier ministre serbe, Aleksandar Vucic, a été chassé samedi de la cérémonie de commémoration du 20e anniversaire du massacre de Srebrenica, en Bosnie orientale, par une foule lui lançant des pierres. Un projectile l’a atteint à la tête, selon l’agence Tanjug.
M. Vucij a quitté en courant le cimetière mémorial, entouré de ses gardes du corps, selon des journalistes de l’AFP. Selon Tanjug, qui cite ses correspondants sur place, M. Vucic a été touché à la tête par un jet de pierre et ses lunettes ont été cassées. Belgrade a ensuite qualifié cet incident d’« attaque contre la Serbie ».
Foule
Il venait de déposer une fleur devant un monument portant les noms des plus de 6200 victimes identifiées et enterrées au mémorial, lorsque la foule a commencé à scander « Allah Akbar » (Dieu est grand) et à lancer des pierres dans sa direction.
M. Vucic a réussi à quitter le mémorial en empruntant un sentier en haut d’une coline, en direction de plusieurs voitures, tandis que par hauts-parleurs, les organisateurs lançaient des appels au calme.
Un imam a alors commencé à prononcer une prière et la plupart des participants se sont tournés pour prier. Une source gouvernementale bosniaque a indiqué que la délégation serbe a quitté le cimetière où les restes de 136 victimes récemment identifiées ont été inhumés.
Grande Serbie
La présence du Premier ministre serbe, chantre de la « Grande Serbie » dans les années 1990, a réveillé la douleur et la colère des habitants bosniaques de Srebrenica.
« Regardez-le (Vucic) et regardez ces milliers de pierres tombales », s’est exclamée Hamida Dzanovic, venue inhumer deux os dont les analyses ADN ont récemment établi qu’ils provenaient du corps de son mari. « Il n’a pas honte de dire que ce n’était pas un génocide ? Il n’a pas honte de venir ici ? », a-t-elle demandé.
Le dirigeant serbe avait prévenu qu’il n’assisterait pas aux cérémonies si le massacre était qualifié de « génocide » par le Conseil de sécurité de l’ONU, initiative à laquelle la Russie a opposé son veto cette semaine.
Plusieurs dizaines de milliers de personnes ont participé aux commémorations du plus grand massacre commis en Europe depuis la Seconde Guerre mondiale.
Abandonnés par l’ONU
Abandonnés vers la fin de la guerre de Bosnie (1992-1995) par les casques bleus de l’ONU qui devaient les protéger, 8000 musulmans de sexe masculin, hommes et garçons, ont été exécutés par les forces serbes de Bosnie en cinq jours au mois de juillet 1995. Leurs corps ont été jetés dans des fosses communes pour ensuite être exhumés quelques mois plus tard et éparpillés dans des tombes plus petites dans le but de camoufler ces crimes.
Aujourd’hui, il reste encore un millier de victimes à retrouver. De nombreux Serbes nient toujours ce qui s’est passé à l’été 1995 et récusent le terme de génocide employé par le Tribunal pénal pour l’ex-Yougoslavie (TPIY). Ils préfèrent parler de « crime grave ».
Samedi, les restes des 136 victimes récemment identifiées ont été inhumés dans des tombes de marbre blanc au mémorial de Potocari, dans l’est de la Bosnie. La délégation américaine était dirigée par Bill Clinton, qui était président à l’époque du massacre. L’ancienne secrétaire d’État et ambassadrice des États-Unis aux Nations unies Madeleine Albright était aussi du voyage.