Les failles se multiplient dans la zone euro. Après l’Italie, où une majorité ne se dégage pas des élections, et Chypre, où le plan récent a déclenché une grave crise, et en attendant la Slovénie, c’est au tout du Portugal, où le Conseil Constitutionnel s’oppose aux coupes sombres du gouvernement.
L’impasse de l’austérité
Il y a deux ans, le Portugal devenait le troisième pays à être « aidé » par l’Europe. En fait, ce plan de 78 milliards permettait surtout de garantir les créances des banques et des investisseurs sur l’État portugais, au prix d’un plan d’austérité sévère. Les résultats ne se sont pas faits attendre : le PIB a reculé de 2 % en 2011 et de 3 % en 2012. Du coup, les coupes dans les budgets ont plongé le pays dans le même cercle vicieux que la Grèce, l’effondrement économique faisant tellement reculer les recettes fiscales que le déficit a gonflé de 4,4 % en 2011 à 6,4 % du PIB en 2012.
Bien sûr, The Economist souligne que le déficit de la balance des paiements est tombé de 10,4 % du PIB en 2008 à seulement 0,3 % aujourd’hui, ce qui est un progrès important. Néanmoins, cela s’est fait par le biais d’un effondrement économique qui devrait mener le taux de chômage à 19 % de la population. Il est bien évident qu’une austérité sauvage tend à améliorer les comptes extérieurs puisqu’elle provoque une très forte baisse de la consommation intérieure, et donc des importations.
Mais la machine se grippe un peu plus puisque la Cour Constitutionnelle du pays vient d’annuler quatre des neufs programmes de coupes budgétaires. La réduction des pensions de retraite, la suppression d’un des deux mois additionnels du traitement des fonctionnaires et des coupes dans l’assurance maladie et l’assurance chômage ont donc été déclarées non-conformes à la constitution du pays. Du coup, le premier ministre doit trouver 5,3 milliards d’économies nouvelles sur 3 ans.
La zone euro de plus en plus fragile
La situation du Portugal est beaucoup plus importante que ne le suggère le poids économique du pays. Tout d’abord, le pays était vu comme un modèle par rapport aux autres. Mais surtout, parce que la situation de Lisbonne pourrait bien échapper à tout contrôle. En effet, la dette publique s’est envolée de 90 à 120 % du PIB en deux ans. Du coup, on parle de plus en plus d’une restructuration de la dette publique portugaise, comme cela a été fait en Grèce, et comme l’Irlande le demande.
En fait, ces restructurations auraient du être menées dès le départ. Il n’est pas normal que les investisseurs continuent à encaisser des intérêts bien plus élevés qu’ailleurs tout en se voyant garantis de recouvrer la totalité de leur capital, du fait des plans européens. Ce faisant, ils ont le beurre et l’argent du beurre alors qu’un mécanisme normal aurait conduit à une restructuration. Tout le problème aujourd’hui est que les contribuables européens devraient également être mis à contribution…
Et cela risque de très mal passer dans les pays du nord de l’Europe, exaspérés par ces plans jamais suffisants et qui constatent que l’addition de la monnaie unique ne cesse de grimper. Du coup, jusqu’aux élections législatives allemandes, il y a fort à parier que rien ne sera fait pour éviter de renforcer le parti opposé à la monnaie unique européenne. Mais les problèmes, encore une fois, ne seront que mis sous le tapis, et ils ne cesseront pas de grandir dans l’intervalle.
Le cas du Portugal montre à nouveau que cette monnaie unique est ingérable. Non seulement elle est ingérable politiquement, et outre une casse sociale monstrueuse, elle conduit à des politiques économiques totalement absurdes : à quoi bon de tels plans d’austérité pour aboutir à un niveau de dette insoutenable ?