Déjà, en 2012, Le Monde faisait déjà partie des opposants au très maigre coup de pouce au SMIC donné par le gouvernement. Dans un nouveau papier parlant de « l’exception française », le quotidien vespéral emboîte le pas de The Economist, qui plaide à nouveau pour un faible salaire minimum.
Le grand assaut contre le SMIC
C’est sous la forme d’un dessin innocent que Le Monde avance son agenda néolibéral : deux personnes qui commentent deux graphiques, l’un indiquant une hausse du salaire moyen, l’autre la hausse du nombre de chômeurs, faisant le lien que tous les néolibéraux font, à savoir que des salaires trop élevés entraîneraient une augmentation du nombre de chômeurs. L’article souligne que les salaires ont augmenté en moyenne de 1,6% sur un an et les prix de 0,7%. Le directeur de Rexecode affirme qu’alors que le PIB a augmenté de 9,7% entre 2007 et 2013 et le salaire par tête a progressé de 13,6%.
Dans un argumentaire digne du patronat le moins social, le Monde poursuit en valorisant la baisse des salaires de 10% de 2010 à 2012 en Espagne, « recul salué par le chef du gouvernement espagnol ». On se demande comment la journaliste ne voit pas l’immense contradiction qu’il y a à évoquer l’Espagne comme un bon exemple. L’Espagne et la Grèce ont baissé leurs salaires, mais elles ont le taux de chômage le plus élevé, alors qu’elles avaient déjà des salaires assez faibles pour l’Europe de l’ouest. S’il y avait un lien, le chômage devrait être plus bas que la moyenne à Madrid et Athènes.
En outre, la journaliste donne l’impression que le pouvoir d’achat progresse alors que cela est faux. D’abord, elle ne prend pas en compte la hausse des impôts, qui réduit le revenu disponible. Puis, elle oublie qu’une moyenne peut être illusoire et tirée par les plus hauts revenus : le salaire médian baisse en France depuis le milieu des années 2000, dans un phénomène proche de celui à l’œuvre aux Etats-Unis. Enfin, le directeur de Rexecode prend des chiffres hors inflation, une présentation biaisée.
La gauche social-traître
Mais ce papier montre à nouveau qu’il n’y a plus rien de social au Monde aujourd’hui. Pourtant, le vieux fond catholique de gauche devrait immuniser le journal des dérives néolibérales. Que nenni, le pseudo journal de référence adhère aujourd’hui à une libéralisation et une mondialisation décomplexées, quitte à critiquer le niveau du salaire minimum. Il rejoint ainsi The Economist, qui plaide pour un salaire minimum fixé à 50% du revenu médian. En France, cela reviendrait à une baisse de 20% du SMIC… Pire, il demande à ce que le SMIC soit fixé par des technocrates pour éviter la pression démocratique.
En effet, comme même The Economist le souligne (mais pas le Monde !), la hausse des inégalités pousse à l’instauration d’un salaire minimum. Même le Figaro titrait de manière plus humaine en 2012 en disant « en Europe, le salaire minimum pâtit de la crise ». Le Monde déborde le Figaro par sa droite sur le niveau des salaires ! Drôle de monde… La situation actuelle est d’autant plus inacceptable que les dernières années n’ont profité qu’aux plus riches. Olivier Berruyer a montré que 30% des Allemands ont vu leur salaire baisser de plus de 15%. Et le revenu de 99% des étasuniens stagne depuis 40 ans…
Le raisonnement est doublement vicié. D’abord, et surtout, il est inhumain. Comment accepter que les salaires stagnent ou baissent pour la majorité de la population alors qu’ils explosent pour les plus riches ? Une société ne pourra pas avancer longtemps ensemble si seule une petite minorité va de l’avant. Ensuite, le lien entre niveau des salaires et chômage est loin d’être évident. Les pays scandinaves cumulent hauts salaires et faible chômage. L’instauration d’un SMIC en Allemagne va augmenter la demande intérieure et donc la croissance, ce qui, au contraire, pourrait faire baisser le chômage.
Comme en 2012, quand François Hollande avait accordé une obole dérisoire de 0,6%, trois fois moins que Jacques Chirac en 1995, le gouvernement a tranché pour une hausse a minima du SMIC. Pas étonnant que les classes populaires désertent le Parti Socialiste. Il a perdu le Nord social.