Le patron du Nouvel Observateur plaide pour une plus forte régulation d’Internet, parce que les internautes s’échangent de fausses informations par e-mail alors que les "vraies informations" sont dans les journaux.
Etrange coup de gueule de Laurent Joffrin en ce lundi de rentrée. Dans un éditorial en forme de réquisitoire, le patron de la rédaction du Nouvel Observateur s’en prend au manque de régulation sur Internet, qui permet aux gens de faire circuler n’importe quoi par e-mail.
L’objet du courroux est ce texte sur la commission Jospin, qui affirme que la "Commission de rénovation et de déontologie" présidée par l’ancien Premier ministre coûterait au total plus de 2,2 millions d’euros, essentiellement en rémunérations des membres.
"Tout est faux dans ces accusations", corrige Joffrin, qui s’énerve de ce que "par capillarité, de boîte e-mail en boîte e-mail, le texte circule sans que personne ne puisse s’y opposer et sans que les vraies informations sur le sujet, publiées par la presse sérieuse, ne soient jamais prises en compte".
"Les adversaires de toute régulation d’Internet devraient – parfois – réfléchir aux implications de leur allergie à toute application à la toile des règles professionnelles ou des lois en vigueur dans les autres médias", critique le patron de presse. Lorsqu’il était le directeur de Libération, Joffrin avait voulu taxer les FAI puis taxer Google, pour financer les "rédactions, qui sont les auxiliaires du bon fonctionnement de la démocratie".
"Il faut rappeler que si le Net est un magnifique outil de diffusion, il ne produit rien", avait aussi osé écrire Laurent Joffrin.
Comme modèle de régulation d’Internet, le chantre de la déontologie professionnelle à géométrie variable avait apporté son soutien à la loi Hadopi.
Mais cette fois, l’on voit mal ce que veut Laurent Joffrin, concrètement ?
Comme il le dit lui-même, "il est très difficile d’engager des poursuites en diffamation contre un texte anonyme" et "ceux qui le font circuler n’encourent aucune sanction". Faut-il donc désormais contrôler ce que les internautes s’envoient par e-mail comme correspondance privée, pour vérifier qu’ils ne s’envoient pas de fausses informations, comme les libelles circulaient autrefois sous le manteau (le droit de la presse, qui s’applique sur Internet comme ailleurs, aux sites de presse qui ont pignon sur rue comme aux blogs amateurs, prévoit déjà des sanctions pour la diffusion de fausses nouvelles) ?
Peut-être Laurent Joffrin veut-il plutôt obliger les internautes à recevoir dans leur boîte à lettres les journaux sérieux comme Le Nouvel Obs, pour avoir enfin les "vraies informations" ?
Il est étonnant qu’en sa grande sagesse, Laurent Joffrin ne comprenne pas que le problème n’est pas Internet ou le manque de régulation d’Internet, mais les internautes et l’éventuel manque d’éducation des internautes. Certains manquent peut-être de l’éducation nécessaire pour prendre avec recul les informations qu’ils reçoivent. Comme ils manquaient hier d’éducation pour prendre avec recul les informations qu’ils lisaient dans les journaux. Aucune source quelle qu’elle soit ne détient jamais la vérité en toutes circonstances. L’enjeu est de savoir comparer les sources, de pouvoir être auteur de sa propre réflexion.
C’est un enjeu d’éducation nationale, pas de censure.