Le mot atroce de « génocide » vient de faire sa réapparition sous la plume des commentateurs après les deux derniers attentats d’Alexandrie et du Caire perpétrés contre des églises coptes le dimanche des Rameaux ce 9 avril. Attentats aussitôt revendiqués par l’État islamique via son canal officiel l’agence Amak. Des crimes qui ont causé, en ce début de Semaine sainte, la mort d’au moins 52 fidèles. Le premier attentat, 30 morts et 78 blessés, a visé l’église Mar Girgis – St Georges – de Tanta, ville de 400 000 habitants au nord du Caire dans le delta du Nil. _ Quelques heures plus tard, au commencement de l’après-midi, une nouvelle attaque suicide était lancée contre l’église Saint-Marc d’Alexandrie où officiait le chef de la communauté copte orthodoxe Tawadros II1… vingt-deux morts et une quarantaine de blessés. Ces tragédies interviennent quatre mois après un attentat suicide retentissant, également revendiqué par l’ÉI à l’église Saint Pierre et Saint Paul du Caire, le 11 décembre 2016 (29 morts et 49 blessés). L’EI avait alors menacé la communauté copte d’autres attentats à venir qui n’épargneraient ni femmes, ni enfants, ni vieillards.
Cette attaque du Caire, en décembre, avait déjà relancé en Égypte les appels à durcir la lutte contre les djihadistes dont l’actuel président al-Sissi a fait son cheval de bataille. Dans le Sinaï particulièrement où depuis juillet 2013, dès après la destitution du président Mohamed Morsi membre de la confrérie crypto-wahhabite des Frères musulmans, ont été mené une série d’attaques sanglantes contre les forces de sécurité. Le 25 novembre 2015, soit douze jours après le carnage du Bataclan à Paris, sept personnes dont quatre policiers et deux magistrats, étaient ainsi tuées dans un hôtel du nord Sinaï. L’attentat avait été immédiatement endossé par le groupe Wilayat Sinaï, émanation au Sinaï de l’État islamique. La même entité avait auparavant affirmé avoir placé la bombe qui fit exploser en vol au-dessus du Sinaï, le 31 octobre 2015, un avion transportant 224 touristes russes. Toujours dans le nord du Sinaï, le 9 janvier 2017, dix-sept personnes perdaient encore la vie dans des attentats ou des bombardements de rétorsion…
Maintenant, mais un peu tard, l’état d’urgence est instauré pour une durée de trois mois, cela à trois semaines d’une visite du pape François prévue les 28 et 29 avril. Lors qu’informé des événements ce dimanche des Rameaux, celui-ci s’adressant place St Pierre à la foule des fidèles eut cette phrase hautement éloquente : « Que le Seigneur convertisse le cœur de ceux qui sèment la terreur, la violence et la mort, et aussi le cœur de ceux qui leur fournissent leurs armes et commercent avec eux ». Nul n’est nommément désigné mais nombreux sont ceux qui sont concernés en France, au Royaume-Uni, en Allemagne, aux États-Unis et singulièrement en Israël.
En fait l’état d’urgence décrété par le maréchal Fattah al-Sissi est principalement destiné à être une mesure plus symbolique qu’autre chose… parce que sans portée réelle face à la multiplication des métastases salafo-wahhabites à travers le Vieux continent et le pourtour méditerranéen. Daech, retranché en Syrie et en Irak dans ses sanctuaires qui fondent comme peau de chagrin, prospère désormais dans le Caucase et en Asie centrale, dans la Bande sahélienne et le Golfe de Guinée, au Maghreb… voire plus épisodiquement au cœur même des métropoles du Vieux continent : Paris, Nice, Berlin, Moscou, Londres, Saint-Pétersbourg, Stockholm en sont de bonnes illustrations !
Or au-delà d’un bilan humain sévère, le dernier double attentat souligne l’incapacité des autorités égyptiennes à contenir la poussée islamiste sur son propre sol autant qu’à protéger sa communauté copte. Celle-ci représente pourtant quelque dix pour cent des 92 millions d’Égyptiens et fait depuis quelques années l’objet de persécutions de plus en plus odieuses et ce, spécialement depuis 2011 et les Printemps arabes, ces révolutions programmées en sous-main par Washington.
Washington où le président Donald Trump a condamné l’attentat via son compte Twitter, se disant « confiant dans la capacité du président [al-Sissi] à gérer la situation comme il se doit ». Ce qui ne manque pas de sel sachant que deux jours auparavant Trump faisait bombarder dans la province de Homs la base aérienne gouvernementale d’al-Chaayrate de l’Armée syrienne arabe, cet ultime rempart laïc contre l’épuration des communautés chrétiennes du Levant… Ou ce qu’il en reste parce que, comme en Irak depuis les guerres occidentalistes et pro-démocratiques de 1991 et 2003, les chrétiens ont fui un pays en proie à une violence endémique devenue en grande partie interconfessionnelle après 2004. Du coup, la population chrétienne d’Irak aurait diminué des deux tiers, passant de 700 000 en 1990 à moins de deux cent mille aujourd’hui. En Égypte ce serait près de 1,5 million de Coptes qui de la même façon auraient émigré vers les États-Unis ou le Canada. Une hémorragie humaine qui prévaut aussi au Liban et en Palestine pour les raisons que l’on sait… la guerre perpétuelle livrée par l’État hébreu à ses voisins arabes.
« Lorsque, il y a un demi-siècle de cela, Paul VI se rendit à Jérusalem – il fut le premier pape de l’histoire à le faire – les Lieux saints de la ville se trouvaient presque tous sur le territoire du royaume de Jordanie. Il en était de même pour une grande partie de la Judée et de la vallée du Jourdain. Les chrétiens étaient nombreux et, dans certaines localités, comme à Bethléem, ils étaient en nette majorité. Mais la géopolitique du Moyen-Orient a été complètement modifiée. Il n’y a pas de paix entre les Israéliens et les Palestiniens. Le Liban a été déchiré par une guerre civile. La Syrie est en train de s’effondrer. L’Irak est dévasté. L’Égypte explose. Des millions de réfugiés se sauvent d’une région à l’autre »
… Dixit Pietro Parolin, Secrétaire d’État au St Siège in « Avvenire » 9 février 2014.