En Allemagne, l’opérateur O2 a annoncé la mise en place d’une politique de "fair use" (ou "utilisation équitable") sur ses forfaits d’accès à internet par ADSL, pour brider le débit des internautes qui dépassent 300 Go de données par mois. En France, des plans similaires sont dans les cartons depuis plusieurs années.
C’est une révolution, de celles qui n’émanent pas du peuple. L’opérateur O2, filiale du groupe Telefonica, a annoncé la mise en place d’un "fair use" sur ses accès à internet par ADSL à partir du 3 novembre prochain. Les abonnés devront désormais choisir entre différentes vitesses d’accès disponibles (et non plus bénéficier du meilleur débit possible sur leur ligne), et surveiller leur volume de données échangées pour ne pas risquer de voir leur accès bridé, comme c’est le cas sur les forfaits mobiles.
"Compte tenu du fait que le volume d’utilisation des données de nos clients augmente chaque année et que notre objectif est de continuer à offrir une infrastructure de haute qualité à long terme à un prix attractif, cette mesure est nécessaire", affirme l’opérateur.
O2 propose ainsi trois forfaits, dont le moins cher (le pack S) permet d’avoir 8 Mbps de débit limité à 2 Mbps après seulement 100 Go de données téléchargées. Le pack M permet d’avoir 16 Mbps de débit, et le pack L de monter jusqu’à 50 Mbps, avec une limite de 300 Go téléchargeables, au delà de laquelle le débit tombe à 2 Mbps (ou 2 000 Kbps) pour la fin du mois. L’opérateur propose toutefois des options pour ajouter 100 Go de données pour 4,99 euros de plus par mois, ou pour conserver l’illimité pour un supplément de 14,99 euros par mois.
Soucieux de paraître ne frapper que les gros consommateurs réguliers, et non les dépassements occasionnels, l’opérateur précise que la mesure n’est appliquée qu’après trois mois consécutifs au delà du plafond.
La vitesse bridée à 2 Mbps en cas de dépassement est "suffisante pour surfer, consulter vos mails, utiliser Facebook et regarder des vidéos YouTube", assure O2. Il faut toutefois abandonner la haute résolution. Selon les données techniques de YouTube, les vidéos en 720p consomment autour de 2,5 Mbps. Celles en 1080p peuvent nécessiter jusqu’à 6 Mbps.
Par ailleurs, O2 assure que le plafond des 300 Go est largement suffisant pour la grande majorité des internautes. Il s’appuie pour cela sur des données de l’Agence fédérale des réseaux, l’Arcep allemande, qui estime que la moyenne est de 21 Go par mois et par abonné. Mais l’opérateur se garde bien de dire combien d’abonnés seront impactés par la mesure, qui intervient juste au moment où Netflix se lance en Allemagne. Or le service de SVOD est un très gros consommateur de bande passante, avec entre 300 Mo et 4,7 Go par heure selon les débits et qualités disponibles.
Des projets en France
L’idée de mettre fin à l’illimité sur le fixe, qui ne se justifie que par des économies de bouts de chandelle (contrairement au mobile où il faut techniquement gérer la rareté des ondes), n’est pas nouvelle en Europe.
Nous avions prévenu dès 2008 que ce jour arriverait, en voyant que c’était déjà en train d’arriver aux Etats-Unis. Mais surtout, en 2011, la Fédération Française des Télécoms (FFT) avait réalisé un document de travail destiné à l’Arcep, dans lequel apparaissait la volonté des opérateurs de créer des "plafonds de consommation", avec bridages ou blocages au delà du plafond.
À l’époque, Orange avait confirmé cette possibilité. "Oui, il y a certains forfaits sur lesquels on risque de mettre des seuils", avait ainsi confié un porte-parole d’Orange à OWNI. "S’ils ne concernent qu’ 1% des gens qui downloadent des films toute la journée, alors c’est envisageable. C’est inacceptable si cela impacte davantage de clients", avait-il toutefois nuancé.
Il est par ailleurs possible que le marché allemand soit un test pour Telefonica, qui pourrait ambitionner de généraliser la pratique à l’ensemble de ses filiales européennes, si elle est admise par les consommateurs. L’opérateur espagnol est présent avec O2 au Royaume Uni, en Irlande, en République Tchèque et en en Slovaquie.
Avec le mouvement global de concentration des opérateurs européens, encouragé par la Commission avec le marché unique des télécoms, il n’est pas impossible qu’O2 importe également ses nouvelles méthodes en France. Ou qu’un opérateur français ne décide de lui-même de les imiter.