Évictions forcées de Thrace en 1934, impôt inique en 1942, vandalismes anti-minoritaires en 1955 : présentés comme relativement protégés durant la Seconde Guerre mondiale, les juifs de Turquie ont en vérité subi des exactions répétées depuis le début de la République. Mais en Turquie, les livres scolaires, ou bien encore l’histoire officielle traitent peu, mal ou carrément pas du tout de ces épisodes.
Alors, à 85 ans, l’un des hommes d’affaires les plus en vue du pays, Ishak Alaton (photo ci-dessus), a décidé qu’il était temps de dire la vérité aux Turcs. Une manière de rendre mémoire à son père dont la vie fut brisée un jour de 1942.
Le cataclysme de 1942
La photo qu’Ishak Alaton a sortie de ses archives date de quatre années plus tôt : 1938. Dernier vestige d’un paradis perdu. Elle représente une famille bourgeoise-type des années 1930, « heureuse et en paix » à Istanbul. On y voit Hayim Alaton, la trentaine, prospère négociant en textile, son épouse Lea née Krespi, et leurs quatre enfants. Ishak, le second d’entre eux a 10 ans, il porte des culottes courtes et il possède déjà le regard clair et vif de l’homme qui se raconte, ce matin de juillet 2013, sur la terrasse de son bureau, en surplomb du Bosphore.
« Je suis un juif sépharade, mes ancêtres expulsés d’Espagne en 1492 ont fini par s’installer à Ankara en 1820. Mon père, juif de Turquie, était un grand admirateur d’Ataturk. Il n’était pas du tout religieux. Malgré le pogrom de Thrace (1932), il regardait l’avenir avec confiance, raconte Ishak Alaton. Pourtant de 1933 à 1939, Hitler est au faîte de sa gloire et le fascisme des nazis et de Mussolini est en train de devenir un modèle pour Ankara. L’hostilité à l’égard des juifs, la xénophobie et le nationalisme prospèrent. »
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