L’Agence nationale de sécurité américaine (NSA) cherche à créer un ordinateur quantique à même de décrypter presque n’importe quel code de sécurité, selon le Washington Post qui cite jeudi des documents divulgués par l’ancien consultant Edward Snowden.
Selon ces documents, la NSA investit dans la conception d’un ordinateur d’une puissance de calcul telle qu’il lui permettrait de briser rapidement des codes informatiques protégeant des secrets bancaires, médicaux, des informations gouvernementales ou du monde des affaires.
Les grandes entreprises informatiques et des laboratoires de recherche publics poursuivent depuis longtemps l’objectif de créer des ordinateurs quantiques, exploitant les propriétés étranges des atomes et particules, dont la taille infime leur permet de déroger aux règles de la physique classique.
Dans notre monde quotidien, une porte est soit ouverte, soit fermée. Mais dans le monde quantique, un atome ou un électron peut se trouver comme suspendu entre deux états.
Dans un ordinateur classique, l’information stockée dans un bit est ainsi nécessairement binaire : elle ne peut être que 1 ou 0. Un bit quantique, lui, serait les deux à la fois. Une faculté qui laisse espérer des vitesses de calcul phénoménales, capables de casser les codes de sécurité classiques les plus complexes.
Dans un ordinateur quantique doté de seulement 10 particules (photons, électrons, etc.), c’est un millier de composantes qui évolueraient en même temps lors des calculs. Avec 30 particules, il atteindrait un milliard de composantes, de quoi traiter simultanément une quantité faramineuse d’informations et donc de décrypter des systèmes de codage très compliqués.
En 2009, des informaticiens avaient certes réussi à découvrir les clefs de cryptage d’un chiffre de 768 bits en utilisant des ordinateurs classiques. Mais il leur a fallu presque deux ans et des centaines de machines pour y parvenir, rappelle le Washington Post.
La principale difficulté pour concevoir un tel ordinateur quantique est qu’il est particulièrement fragile : il faut isoler individuellement toutes ses particules des influences extérieures afin de préserver leur état quantique, ce qui nécessite des températures très basses, des chambres protégées contre les rayonnements électromagnétiques, etc.
Et jusqu’à présent, les expérimentations menées dans différents laboratoires, en Europe notamment, sont loin d’avoir atteint le nombre de particules requis pour obtenir une puissance de calcul dépassant celle super-ordinateurs binaires.
Selon les experts, il est encore bien trop tôt pour dire quand un ordinateur quantique opérationnel pourra voir le jour et beaucoup doutent que la NSA soit sur le point de réussir toute seule dans son coin.
Il semble peu probable que la NSA soit si en avance par rapport aux entreprises civiles sans que personne ne le sache, a ainsi noté dans le Washington Post Scott Aaronson, de l’Institut de Technologie du Massachusetts (MIT).
La NSA n’a quant à elle pas répondu à une demande de l’AFP sur le sujet.
Depuis plusieurs mois, les révélations d’Edward Snowden ont levé le voile sur l’ampleur du programme américain d’espionnage tous azimuts visant plusieurs pays européens, les institutions de l’UE ou même le système de vidéo-conférence interne de l’ONU.
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