La Bolivie commémore jeudi la Guerre du gaz, une rébellion populaire qui a éclaté en octobre 2003, provoquant officiellement la mort de 64 personnes, et mis fin au gouvernement du président libéral Gonzalo Sanchez de Lozada, ouvrant la voie au socialiste d’origine indienne Evo Morales.
A l’époque, sur fond de contestation sociale croissante contre la politique économique du gouvernement, des milliers d’habitants de la grande cité-dortoir d’El Alto, jouxtant La Paz, avaient violemment manifesté contre l’exportation de gaz bolivien vers les Etats-Unis au départ de ports chiliens.
La mesure était particulièrement mal ressentie, étant donné la requête historique de la Bolivie d’un accès à l’Océan Pacifique, perdu au profit du Chili, après une guerre en 1879-83. Le retour à la mer demeure un thème nationaliste très sensible dans la politique bolivienne.
La répression de ces émeutes par l’armée, qui avait aussi fait 500 blessés, avait débouché sur la démission de M. Sanchez de Lozada et sa fuite en exil aux Etats-Unis avec plusieurs ministres.
"Octobre (2003) a été l’expression de la colère accumulée face à l’injustice et à la lassitude vis-a-vis du gouvernement et des partis traditionnels", explique l’ancien syndicaliste minier Jaime Solares.
"Cette révolte spontanée, du 3 au 17 octobre, a été le point de départ d’une séquence de transformations profondes dans la société de la part de l’Etat, comme (...) la meilleure visibilité des populations indiennes, auparavant marginalisées", estime pour sa part l’analyste politique et universitaire Carlos Cordero.
D’abord dispersés, les foyers de contestation se sont concentrés à El Alto, opposant des militaires armés à des habitants équipés de pierre, de bâtons ou de tuyaux de gaz.
Après deux semaines d’affrontements violents, La Paz s’est retrouvée isolée, en proie à des pénuries d’aliments et de combustibles, avec l’aéroport international, situé à El Alto, fermé, alors que le pays se mettait en grève. Le président Lozada remettra sa démission au Parlement le 17 octobre.
Octobre 2003 marque un avant et un après, il détermine le visage que de la Bolivie a commencé à dessiner à partir de ce moment, se souvient sur son blog Carlos Mesa, alors vice-président, qui a gouverné deux ans à la suite de M. Lozada, avant de démissionner à son tour, le pays demeurant très instable.
Très actif durant ce mouvement, le dirigeant de gauche radicale Evo Morales remporte la présidentielle de décembre 2005 avec quasiment 54% des voix au premier tour, meilleur score des 50 dernières années, favorisé par le rejet des partis traditionnels.
Ancien représentant de cultivateurs de coca, descendants revendiqué d’indiens Aymar, qui constituent la majorité de la population, Evo Morales, a fait adopter une nouvelle Constitution, mettant l’accent de son gouvernement sur la lutte contre la pauvreté et la réappropriation des richesses naturelles du pays.
Réélu en 2009, il envisage de se présenter pour un 3e mandat en octobre 2014.
En hommage à cette révolte populaire, M. Morales a déclaré ce jeudi Jour de la dignité nationale mais des secteurs sociaux d’El Alto ont menacé de ne pas participer aux commémorations, accusant le gouvernement de ne pas prêter assez attention au sort des victimes.
En juin 2011, cinq chefs militaires et deux civils ont été condamnés pour leurs responsabilités dans la répression, mais l’ancien président Lozada (83 ans), toujours exilé, échappe encore à la justice.