L’Assemblée nationale française a donc mardi 23 novembre voté la loi autorisant le mariage pour tous. La France devient ainsi le 9ème pays en Europe et le 14ème dans le monde à rendre légal le mariage pour les couples du même sexe, qui, selon le dernier sondage de l’Insee, représentent donc moins de 0,6% de la population de notre pays.
Le texte aura donc été adopté malgré près de 5000 amendements et une bonne centaine d’heures de débats parfois musclés donnant parfois à l’Assemblée nationale un air de Rada ukrainienne, où les pugilats sont fréquents. Ce sont donc 331 députés qui ont voté pour, 225 contre et 10 qui se sont abstenus. Un score sans surprise compte tenu des répartitions des sièges par tendances politiques suite aux dernières élections législatives qui ont vu une large victoire des forces de gauche, celles-ci ayant obtenu 60 % des sièges de députés.
La fébrile opposition entre députés de droite et de gauche a brusquement disparu lorsqu’après le vote, un individu est venu perturber la séance en tentant de déployer une banderole pour finalement être maîtrisé par le service de sécurité. Claude Bartolone, président de l’assemblée nationale a alors rapidement appelé à expulser de l’assemblée les « ennemis de la démocratie » entraînant les applaudissements des députés de droite comme de gauche. Ouf, l’Assemblée nationale de nouveau unie venait de se protéger d’un immense péril !
Rue 89 livre un récit précis et assez affligeant de chaque moment de cette journée cruciale qui s’est terminée par un discours d’une Christine Taubira émue et inspirée puisqu’elle a rappelé que « Les vérités tuent, celles que l’on tait deviennent vénéneuses ». Ce faisant, elle est sans nul doute l’une des rares socialistes françaises de l’histoire à citer Nietzsche à la tribune de l’assemblée nationale.
Il faut noter qu’aucun des députés de gauche d’outre-mer n’a voté pour ce projet de loi qui, selon les députés concernés, « bouscule toutes les coutumes, toutes les valeurs sur lesquelles reposent nos sociétés ». Une remarque finalement assez similaire à celle de Vladimir Poutine lors de sa dernière visite en Hollande lorsqu’il affirmait que « pour des raisons de traditions et de coutumes de tels mariages entre homosexuels ne pourraient avoir lieu par exemple en Tchétchénie ».
L’après-midi fut, il est vrai, riche de symboles.
Le député des anti-mariages pour tous, Henri Guaino, que certains lors des manifestations appelaient à devenir président de la république, a par exemple lui voté « pour » le mariage mais par erreur, puisqu’il a expliqué aux journalistes s’être trompé de bouton. Il n’est pas le seul puisque Jean Louis Borloo a lui voté contre, mais également par erreur, ce dernier affirmant peu de temps après « que son vote ne reflétait pas sa volonté ». On pourrait en rire si l’UMP, et la droite française en général, était encore en mesure de faire rire qui que ce soit, ce dont je doute fortement.
L’égérie de la contestation, Frigide Barjot, est quant à elle sortie sous les quolibets et les insultes d’une centaine de partisans du mariage pour tous et d’un député socialiste : Jean Luc Romero. Ce dernier, en agressant verbalement Frigide Barjot, a donné une image assez claire de la mentalité de certains partisans de cette loi qui n’ont visiblement rien à envier à leurs congénères du clan opposé. Pendant que le député Romero a annoncé qu’il allait se marier à la rentrée, Frigide Barjot a elle appelé à manifester les 5 et 26 mai prochains et menacé que son mouvement ne choisisse de présenter des candidats aux prochaines échéances électorales, afin sans doute d’encore un peu plus fractionner une droite déjà éclatée ?
Sans trop de surprise plusieurs milliers s’opposants au mariage pour tous se sont réunis à Paris, la soirée dégénérant en incidents violents avec les forces de l’ordre. Il est intéressant de voir quelle sera désormais l’ampleur de la mobilisation des anti-mariages au cours de ce mois de mai 2013 et maintenant que la démocratie française a légalement permis le vote de cette loi pourtant si contestée.
On peut imaginer que la contestation prenne une forme différente mais une chose est certaine, alors que le pouvoir socialiste n’a jamais été aussi critiqué ni faible, la fracture française s’accroît et « les France » est désormais une appellation à laquelle il va falloir s’habituer.