Ce sont des marchands arabes qui introduisirent l’opium en Chine, en tant que médicament, durant la dynastie des Tang (619-907), ou durant la dynastie des Song (960-1279).
Durant la dynastie Qing, ou Mandchoue (1644-1912), des édits impériaux, visant les Portugais et les Britanniques, et mettant hors la loi tant le tabac que l’opium, furent publiés en 1729, en 1780, en 1796 et enfin en 1800. Dans les années 1820, la Compagnie britannique des Indes orientales commença à exporter de l’opium produit en Inde vers la Chine en grande quantité, mais elle se retira peu après de ce marché, en en confiant la franchise à la compagnie Jardine, Matheson and Co., fondée en 1832 par les deux Écossais qui lui donnèrent sa raison sociale.
Durant les premières décennies du dix-neuvième siècle, des juifs originaires de Bagdad commencèrent à arriver aux Indes. Parmi les familles qui allaient atteindre une indéniable prééminence tant à Bombay qu’à Calcutta, notons les Kadouri, les Cohen, les Ezra, les Solomon, les Gubbay, les Elias et, surtout, les Sassoon.
David Sassoon (1792-1864), fuyant l’oppression de Daud Pasha, le gouverneur (ottoman) de Bagdad, arriva à Bombay en 1832, où, empruntant 10 000 roupies, il se lança dans le tissage, la culture et le transport du coton, mais aussi dans la culture de l’indigo et du pavot à opium.
Voilà qui plaça la David Sassoon and Co. en compétition directe avec la Jardine, Matheson and Co. Signalons au passage qu’une autre compagnie, impliquée dans la production et le commerce de l’opium, la Russell and Co., avait notamment dans ses actionnaires le grand-père du président américain Franklin Delano Roosevelt, ainsi que plusieurs mécènes ayant financé les universités Princeton et Columbia.
Dans les années 1830, le commissionnaire de l’empereur Daoguang en matière d’opium, Lin Zexu, prit des mesures visant à mettre un terme au trafic, à punir les trafiquants et à désintoxiquer et réadapter socialement les opiomanes. Les entrepreneurs en opium britanniques et juifs, rejetant d’un revers de manche les mesures prises par Lin, n’y voyant que pitié déplacée, et s’abritant derrière le sophisme selon lequel le fait de vendre de l’opium sur le pont de navires ancrés au large des ports n’aurait pas été constitutif de contrebande (!), poursuivirent leur commerce. Cela entraîna la Première Guerre de l’opium (1839-1842), conclue par le traité de Nankin, imposé à la Chine par la Grande-Bretagne victorieuse. Aux termes de ce traité, des réparations de guerre devaient être versées par la Chine aux Britanniques, et Hong-Kong leur était cédée. Toutefois, l’opium restait illégal.
Vers 1850, la David Sassoon and Co. était sur un pied d’égalité avec la Jardine, Matheson and Co.
En 1851, la révolte Taiping, dirigée par Hong Xiuquant, lequel était inspiré par les enseignements du christianisme, éclata dans la province du Guizhou, et fit rapidement tache d’huile en direction de l’Est, jusqu’à rejoindre la mer de Chine. Bien que visant au premier chef au renversement des gouvernants mandchous, et donc non-chinois, de la Chine, les rebelles avaient notamment adopté l’objectif de débarrasser le pays du fléau de l’opium. D’un côté, les Britanniques (sans doute conseillés en cela par les juifs), œuvrèrent afin d’apaiser la rébellion, de crainte de perdre leur lucratif commerce de l’opium. Mais sur un autre front, ils firent ouvertement la guerre. La Deuxième Guerre de l’opium (1858-1860) aboutit au traité de Tianjin, signé en 1858. La mise en œuvre de ce traité eut le don de faire se prolonger la guerre jusqu’en 1860. Ce traité « légalisait » l’opium, c’est-à-dire qu’il ne l’interdisait pas spécifiquement.
En 1864, cette rébellion Taiping, une des guerres civiles les plus sanglantes de toute l’histoire de l’humanité, ayant causé plus de trente millions de morts, prit fin. Il serait exagéré d’affirmer que cette rébellion avait été causée par les Britanniques ou par les juifs. Reste que le fait qu’ils aient continué à réaliser des profits astronomiques durant ce conflit intestin n’est pas vraiment quelque chose à porter à leur crédit.
Bien que les cultures d’opium eussent fait leur apparition en territoire chinois, à cette époque-là, les Britanniques et les juifs en expédièrent par bateau non moins de 4 800 tonnes, en 1859. Vers 1880, ce chiffre atteignit le chiffre astronomique de 6 700 tonnes. La compagnie David Sassoon and Co., désormais entre les mains de ses héritiers et ayants droits, s’était arrogée plus de 70 % du commerce de l’opium, et un certain nombre de compagnies juives, elles aussi avaient été créées.
Dans le dernier quart du dix-neuvième siècle, la Jardine, Matheson and Co. et les autres compagnies britanniques furent évincées du business de l’opium par la concurrence juive, et elles durent soit se diversifier, soit boire le bouillon. Vers 1900, en Chine, l’opium était virtuellement un monopole juif.
Aussi, à partir de 1858, Sassoon commença à vendre de l’opium au Japon, à Nagasaki et à Yokohama, où son entreprise décida d’ouvrir une succursale.
Vers 1900, il y avait, estime-t-on, au minimum vingt-cinq millions d’opiomanes en Chine. En 1907, le Bengale et les Provinces Unies cultivèrent, eux aussi, produisirent quelque 3 600 tonnes d’opium, produites par leurs champs de pavot. Cet opium fut intégralement exporté, par bateau, vers la Chine.
La Commission de Shanghai sur l’opium, ratifiée par Teddy Roosevelt, en 1908, en vue de régler ce problème, qui était devenu de notoriété mondiale, aboutit à la Convention internationale sur l’opium de La Haye, signée en 1912. Mais ce n’est qu’en 1919 que le dernier ballot d’opium fut détruit par le feu, et que les juifs bagdadiens furent contraints de rentrer dans la légalité, après avoir accumulé des fortunes fabuleuses.
Par Thomas Keyes
Traduction de l’anglais : Marcel Charbonnier