Egalité et Réconciliation
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L’islam et le mouvement national

UDT E&R, Villepreux, les 8 et 9 septembre 2007

Pour qui compulse les catalogues des librairies nationalistes, pour qui lit les journaux et magazines des nationaux, pour qui fréquente les foras internet où s’expriment les militants - jeunes et moins jeunes - de la droite nationale, une évidence s’impose rapidement, il y règne un anti-islamisme rabique.

La cause est en apparence entendue : l’islam est l’ennemi de la nation française, de la civilisation européenne et donc du mouvement national .

Mais au delà de l’évidence, au delà des apparences, est-ce bien la réalité ?

C’est ce que nous allons examiner dans cette intervention qui va aborder successivement quatre points :

1 – l’islamophobie est-elle une attitude consubstancielle au mouvement national ?,

2 – les raisons de cette apparente islamophobie,

3 – les conséquences politiques de l’islamophobie

et 4 – quelles propositions pour une politique nationale face à l’islam ?


1 – l’islamophobie est-elle une attitude consubstancielle au mouvement national ?

Une approche objective des faits oblige à répondre par la négative : l’islam n’a pas toujours été considéré négativement par les nationaux et, actuellement, l’hostilité à son égard n’est pas absolue dans les rangs de la droite de conviction.

Dans le cadre réduit des quelques minutes qui vous suivre, je vais retracer une histoire d’un pan de nos idées en examinant comment celles-ci ont évoluées face à une religion allochtone.

A la fin du XIXème siècle, époque où les préjugés antisémites sont communs dans la population française aussi bien à droite qu’à gauche, l’islam a, aux yeux de certains nationaux, un avantage important... il est hostile à la communauté juive ! Quand, en Algérie, éclate la révolte musulmane du Bachaga Si Mokrani contre le décret Crémieux (décret qui rappelons-le accorde la nationalité française aux juifs maghrébins) les échos sont immédiatement favorables parmi les militants nationalistes français. Edouard Drumont dans ses écrits n’oubliera jamais d’encenser ce soulèvement populaire et l’Algérie sera pour les nationalistes une terre de mission au potentiel électoral élevé.

De son côté Gustave Le Bon, une référence idéologique forte pour beaucoup des nôtres, publie, au début du XXème siècle, un livre intitulé La Civilisation des Arabes. Il fait ressortir dans cet ouvrage « l’influence immense » de la civilisation musulmane qui, pour lui, a policé les peuples barbares qui avaient détruits l’Empire romain et qui a ouvert à l’Europe le monde des connaissances scientifiques, littéraires et philosophiques qu’elle ignorait. En une phrase, pour Le Bon, ce sont les musulmans qui ont « recivilisé » l’Europe !

Durant l’entre-deux guerre, c’est tout naturellement que les ligues et les partis nationaux accueillent dans leurs rangs des militants musulmans. Selon des rapports d’époque de la préfecture de police de Paris, les indigènes d’Afrique du Nord, quand ils s’engagent, le font soit chez les communistes soit dans les ligues nationalistes ! Ainsi, les maghrébins musulmans sont nombreux au Parti populaire français, et la Solidarité française compte tellement d’arabes parmi ses adhérents qu’on la nomme, avec ironie, la « Sidilarité » française... Dans le même temps, des intellectuels « de droite » succombent à l’attrait de l’islam : René Guénon se convertit, il en est de même pour l’égérie futuriste Valentine de Saint Point.

Dans la logique de ce qui précède, les musulmans de l’Empire français sont nombreux, durant la seconde guerre mondiale, se sentir en sympathie avec les puissances de l’Axe et certains combattent même sous uniforme allemand où ils retrouvent d’autres coreligionnaires, originaire des Balkans, engagés sous l’influence du Grand mufti de Jérusalem.

Comme beaucoup d’autres musulmans ont participé aux combats des Forces françaises libres, il y a, au lendemain de la guerre, une sympathie quasi-totale vis à vis de l’islam dans les diverses composantes de la droite nationale. Ceux qui ont collaboré n’oublient pas l’engagement d’Amine al-Husseini au côté de l’Axe et ils apprécient que des pays musulmans accordent un asile bienveillant à certains de leurs proscrits. Ceux qui s’opposaient à l’Allemagne sont reconnaissants à l’armée d’Afrique et à ses régiments musulmans. La décolonisation, la guerre d’Algérie, puis la révolution en Iran, ne modifieront pas réellement la donne. Si une partie non négligeable de la droite nationale devient « anti-arabe » et flirte avec le philosionisme, elle n’est pas cependant anti-musulmane. En effet, il y a de bons musulmans, puisqu’il y a eu les harkis, puisqu’il y a une résistance anti-communiste musulmane en Afghanistan et dans les républiques soviétiques d’Asie centrale.

Maurice Bardèche écrit ainsi que : « Dans le Coran, il y a quelque chose de viril, quelque chose que l’on peut nommer romain » ; Jacques Benoist-Méchin connaît le succès avec des ouvrages très favorables à la dynastie wahhâbite et son Frédéric II vante l’alliance de cet Empereur avec l’islam... Quant à François Duprat, il voit lui, dans les Frères musulmans une forme arabe de l’idéologie pour laquelle il lutte en France !

Quand le 26 novembre 1979, le Parti des forces nouvelles manifeste contre la République islamique d’Iran, il ne le fait pas parce qu’elle est islamique mais parce qu’elle est anti-occidentale et qu’elle détient en otage des diplomates américains... Quelques mois plus tard, la Guilde du Raid, dont à l’époque une partie notable des cadres sont issus des milieux de la droite radicale (entre autre du Groupe d’action jeunesse), joue un rôle important dans le soutien aux réseaux naissants de la résistance islamiste afghane.

En 1985, Eléments, « la revue de la Nouvelle droite » en publiant son n° 53 sur les Arabes, fait scandale. Celui-ci est du, non pas à l’appréciation globalement positive portée sur l’islam, mais aux positions pro-arabes des rédacteurs du magazine... C’est dans ce numéro d’Eléments que Guillaume Faye, le futur héraut de l’islamophobie, considéré alors par Rémi Kaufer et Roger Faligot comme un « néo-nazi islamophile » (in Le Croissant et la croix gammée, p. 239), écrit : « quelque soit le sentiment que puisse inspirer la vision du monde véhiculée par l’islam, le réveil de l’arabo-islamisme constitue un fait objectivement favorable au destin de l’Europe ».

Quelques années plus tard, lors du tout début de l’affaire du foulard, dont l’initiative - rappelons-le - revient au RPR de l’époque, des rédacteurs du Choc du mois n’hésitent pas à écrire, d’une manière significative, qu’ils préfèrent une musulmane en tchador à une beurette en jeans et en baskets.

Quant à l’Algérie et au FIS, la victoire des islamiste parait souhaitable à certains puisque elle est vue comme un début de solution à l’immigration à laquelle le FIS est hostile, comme il est opposé au mélange de la culture arabe avec celle de l’Occident. En août 1991, Minute énonce ainsi une politique en trois points : « pas une voix ne doit manquer au FIS ; pas une voix pour Aït Ahmed et ses démocrates et surtout pas un immigré algérien de plus » et l’hebdomadaire de préciser : « une république islamique en Algérie, c’est un pays de plus qui tourne le dos à la civilisation Benetton, c’est la victoire de la djellaba nationale contre le jean cosmopolite ».

Par ailleurs, interviewé dans la quatre-vingt-dix-huitième parution du magazine Arabies, Jean-Marie Le Pen tient, sans que le Landerneau national ne s’émeuve, ces propos bien peu politiquement corrects : « On attise la peur des Français devant ce qu’il est convenu d’appeler « l’islamisme » ou « l’intégrisme islamique ». Ceux qui attisent ou manipulent ces peurs, n’hésitant pas à dénaturer grossièrement le message de l’islam pour le faire mieux entrer dans leurs schémas, le font dans une optique très précise : celle de l’utopie mondialiste et de l’idéologie des droits de l’Homme qui présupposent la destruction des identités culturelles et le refus de la transcendance. Leur rêve est celui d’un islam aseptisé et rendu inoffensif ».

Enfin, à la fin du premier semestre 1997 personne, ou presque, au sein de la mouvance nationale, ne trouve à redire à ce que Jean-Marie Le Pen rencontre Necmettin Erbakan qui a été le premier Premier ministre islamiste de Turquie (de juin 1996 à avril 1997). On a dit ensuite que cette rencontre fut informelle, qu’elle eut lieu de manière plus ou moins fortuite durant les vacances du dirigeant du FN sur les côtes turques... Mais il faudrait être bien naïf pour croire que des hommes politiques de ce niveau se rencontrent par hasard...

D’ailleurs, ce n’est pas non plus « par hasard » que le chef du FN participe alors de manière régulière aux festivités organisées par l’ambassade d’Iran à Paris en l’honneur de l’anniversaire de la Révolution islamique, ou que, en visite au Liban, il rencontre des élus du Hezbollah pour leur faire part de ses positions sur les questions du Proche-Orient.

Tout cela s’expliquant peut-être par cette confidence faite au journal du FNJ, Agir pour faire front : « c’est cette hégémonie [l’américaine] qui, substantiellement, est hostile à l’idée nationale en général, aux nations en particulier. Ainsi les nationaux ont-ils entre eux un corpus de valeurs communes aux civilisations qu’elles soient chrétiennes ou même musulmanes. Ces valeurs vont du patriotisme au respect du passé, de l’attachement à la terre à l’amour de la famille et à toutes les valeurs qui en découlent : la solidarité, la charité, l’honneur, le dévouement, le sacrifice, etc. »

Il y eut, cependant, de manière constante une hostilité à l’islam de la part de certains représentants de la mouvance nationale, principalement de ceux se rattachant à sa frange nationale-catholique. Un Jean Madiran, par exemple, dans son ouvrage Adieu à Israël, après avoir rappelé que : « Nous avons beaucoup admiré cette nation vaillante et brillamment guerrière. Et je crois que nous l’avons aimé », explique partiellement cet engouement par le fait que « l’alliance franco-israélienne paraissait nécessaire face au raz-de-marée islamique ». Mais cette opposition restait marginale et elle n’occupa le devant de la scène que tardivement, au tournant du millénaire, avec la parution des livres d’Alexandre del Valle et de Guillaume Faye qui connurent un réel succès, et l’engagement clairement anti-musulman d’un parti nouvellement constitué, le Mouvement national républicain de Bruno Mégret. Parti qui lança des campagnes clairement anti-musulmanes à partir de 1999 et qui suscita la création d’un Observatoire national de l’islamisation en France le 6 novembre 2000.

En quelques années, l’anti-islamisme va devenir une composante fondamentale du discours d’une partie de l’opposition nationale.

Précisons bien d’une partie uniquement car la vulgate islamophobe est loin de faire l’unanimité.

En réalité, or du Mouvement national républicain, elle est surtout le fait de minorités plus agitées qu’actives et de groupuscules de braillards.

Car si l’on examine les faits avec attention, on ne peut qu’être frappé par la modération du Front national en la matière. Si ses campagnes contre l’immigration et ses méfaits n’ont pas de cesse, il semble clairement qu’il y a une volonté de ne pas attaquer les musulmans en tant que tels. Ce qui n’empêche pas, ne le cachons pas quelques dérapages ponctuels et locaux.

Même si aucun Pascal Boniface ne s’est clairement manifesté au Front, il semble bien que certains aient compris qu’il ne fallait pas stupidement se priver d’un électorat potentiel. On peut ainsi analyser dans ce sens un certain nombre de déclarations frontistes.

Que ce soit Sid-Ahmed Yahiaoui (Ex-Conseiller régional FN en Ile-de-France et en PACA et un temps conseiller de JMLP pour les affaires musulmanes) qui déclare : « Refuser le foulard, un simple fichu sur les cheveux, recèle les germes totalitaires d’une possibilité d’interdire tout signe religieux à l’école » ; Farid Smahi qui précise : « J’ai déjeuné avec Le Pen en 1997, et cela a été le plus beau déjeuner de ma vie. Pendant trois heures, il m’a reçu comme un fils et m’a parlé des arabes et des musulmans comme aucun socialiste ni aucun homme de la fausse droite ne m’en avait jamais parlé. Je lui ai demandé s’il était capable de mettre un Français d’origine musulmane sur une des listes électorales du Front national. Il m’a répondu qu’au FN c’est une tradition » ou que ce soit encore Le Pen lui-même qui prend position ainsi : « ce qu’il y a de grave dans la société française d’aujourd’hui, ce n’est pas qu’il y ait des musulmans ; c’est que le plus grande partie de ces musulmans sont d’origine étrangère et qu’ils n’ont pas fait acte de choix entre leur nationalité et la nationalité française ». On peut aussi citer, last but not least, Alain Soral qui lors d’un débat avec Goldnagel précise : « L’Islam est une voie vers l’intégration. L’Islam élève les hommes dans les valeurs. Je préfère voir les immigrés se tourner vers les valeurs millénaires de l’Islam, que vers les rappeurs. Tant qu’ils auront la haine d’eux- même, ils haïront l’autre. La redécouverte et la fierté de leurs origines favorisera leur assimilation dans les sociétés étrangères. Le foulard islamique est une des manières de redécouvrir leur fierté d’être. »

Le phénomène n’est d’ailleurs pas spécifique au Front national. Un cadre du Mouvement national républicain aussi connu que Jean-Marc Brissaud prit ainsi le contre-pied de sa direction en déclarant : « Il est temps de revoir notre attitude globale vis-à-vis de l’islam et je préfère, à tout prendre, la réserve d’une jeune fille en tchador à l’arrogance débraillée de ces tricoteuses défilant contre Le Pen. Et nous ferions bien de nous interroger pour savoir pourquoi nos églises sont vides alors que leurs mosquées sont pleines... ». Même l’identitaire Pierre Vial a été amené à avouer dans le journal de son organisation Terre et Peuple que « certains prétendent s’opposer à l’immigration africaine en combattant l’islam. Ils se trompent, volontairement - par crainte d’être diabolisés - ou involontairement - par manque de conscience idéologique » puis de définir l’anti-islamisme comme « un simplisme [qui] a eu [un] grand succès car il est gage de confort intellectuel pour les esprits systématiques » .

Le phénomène n’est pas non plus spécifique à la France puisque le quotidien italien Il Resto del Carlino publiait dans son édition du 16 janvier 2003 un article tout à fait étonnant relatant l’engagement politique de Hassan Bendoudouh, immigré maghrébin, professeur de religion musulmane et cadre de ... l’Alliance Nationale de Fini ! Ses déclarations étaient sans ambiguïté : « Je suis un partisan de Fini et d’Allah. (...) L’Islam est une religion de droite car il valorise les valeurs familiales, le respect des parents et des anciens » et le sieur Bendoudouh de soutenir les projets Bossi-Fini visant à réduire la pression migratoire en Italie !

Ce qui paraissait simple au début de cette conférence, à savoir que tout le mouvement national combattait l’islam et l’islamisme, ne l’est plus maintenant. On pourrait se dire qu’ « il y a plusieurs demeures dans la maison du Seigneur », que la pluralité des idées sur les grands problèmes est une bonne chose, etc. Mais comment un même courant politique peut-il, sur un sujet aussi sensible, ne pas parler d’une même voix ? La raison en est simple : le mouvement national n’existe plus, mais il ne le sait pas encore... Depuis l’effondrement du système soviétique, nous avons changé de monde et tous les grands événements qui se produisent entraînent maintenant des divisions et des ruptures transversales qui affectent toutes les familles politiques, dont la nôtre. Les notions de droite et de gauche qui sont nées avec la modernité sont en train de disparaître avec elle... Nous sommes encore ensemble par habitude, demain nous ne le serons plus et la séparation se fera sur des grand problèmes tels que notre rapport à l’islam.


2 – les raisons de l’islamophobie de droite

Les raisons de l’islamophobie d’une partie du mouvement national sont nombreuses. Il est clair à mes yeux qu’aucune d’entre elles ne se justifie.

A mon sens y a chez certains une influence religieuse de type catholique et chez d’autres, ou d’ailleurs chez les mêmes, sans aucun doute, un racisme occulté. On dit le musulman, on pense le bougnoule…

Mais plus que cela, il y a incontestablement, aussi et surtout, le résultat de la propagande et des agents d’influence de l’Empire du mal, des réseaux pro-américains et sioniste. Ceci est très net quand on examine les thèses développées qui sont parfois tout simplement décalquées, sans même être adaptées pour le nouveau milieu auquel on les destine, d’organes de presse ou d’ouvrages de la propaganda staffel américano-sioniste.

On sait qu’il est de bon ton dans certains milieux nationalistes et identitaires, de faire référence, de manière récurrente au « choc des civilisations », à l’affrontement de l’islam et du monde libre. Tout cela fait vendre du papier et a l’immense avantage de fournir à la complexité du monde une explication simple facilement acceptable par une mouvance plus avide de théories conspirationistes que de réflexions politiques ou géopolitiques.

Or, il faut replacer les idées dans leur contexte historique. L’origine de la thèse du choc des civilisations remonte à 1990. Le délitement du bloc soviétique prive les USA de leur rôle de défenseur du monde libre, il y a péril pour eux de voir succéder à un monde bipolaire un monde multipolaire. Il faut donc un adversaire de remplacement qui permette à l’Amérique de garder sa place de gendarme du monde. Le secrétariat d’Etat américain passe donc alors de la thèse du fil rouge, c’est à dire Moscou est le chef d’orchestre d’un réseau mondial de la terreur unissant les groupes révolutionnaires marxisants du tiers monde, à la thèse du fil vert : il existe un réseau mondial de la terreur unissant des groupes révolutionnaires islamistes. Dans le même temps, le secrétariat d’Etat adopte la doctrine Lake des « Etats voyous » qui, par un étrange hasard, sont à majorité musulmans.

Tout cela doit être justifié idéologiquement, redescendre jusqu’aux simples citoyens des pays d’Occident, sous une forme simple et compréhensible. Il faut donc que des intellectuels organiques du système théorisent les thèses qui seront par la suite reprises par des vulgarisateurs, par des agents d’influence, par les médias, etc. , jusqu’à ce que le citoyen lambda pris dans un faisceau d’affirmations convergentes soit convaincu de ces thèses. Ces intellectuels qui ont théorisé le choc des civilisation, vous les connaissez tous, il s’agit de Bernard Lewis et de Samuel Huntington. Tous les deux insistent sur l’importance de l’entité sioniste dans la résistance occidentale. Et là s’ouvre un second niveau de compréhension dans le phénomène de l’anti-islamisme c’est à dire que les partisans de l’entité sioniste on greffé leur combat sur celui du parti américain. En développant un gigantesque amalgame entre islam-islamisme-violence dans les banlieues-criminalité-obscurantisme-violences faites aux femmes-etc. on tente de faire passer dans l’esprit du français moyen qu’à Paris comme à Tel Aviv, le fouteur de merde, l’assassin, le terroriste, le partisan du retour au Moyen Age, est le même : l’arabe et le musulman.

Dans cette optique, l’anti-islamisme rabique d’un del Valle ou d’un Faye et de diverses têtes pensantes de la mouvance identitaire s’explique fort bien. Pour les uns, volontairement et sans aucun doute contre espèce sonnante et trébuchante, pour les autres, les éternels idiots utiles, par cette bêtise crasse qui est consubstancielle à toute une partie de l’extrême droite française, ils redeviennent les zélés fantassins de Washington. Militants de l’anticommunisme quand il fallait que les USA justifient l’occupation de notre continent par le péril de l’Armée rouge, ils sont maintenant militants de l’anti-islamisme puisqu’il faut que les USA justifient leur ambitions planétaires.

Que certains soient sincères, que d’autres s’imaginent avoir trouvé un angle d’attaque politique fertile en terme électoral, n’excuse rien.


3 – les conséquences politiques de l’islamophobie et les raisons de la rejeter

Cette opposition à l’islam que l’on voudrait que tout le mouvement national adopte lui pose un certain nombre de problèmes de fond. Or curieusement aucune analyse n’en a jamais été faite...

Tout d’abord, l’anti-islamisme devrait obliger à définir l’opposition à l’immigration. Est-ce que le mouvement national est opposé à l’entrée des immigrés parce qu’ils ne sont pas français ? Parce qu’ils ne sont pas de souche européenne, ou parce qu’ils pratiquent une religion particulière ? En clair : qu’est-ce qui est plus important : la culture, l’ethnie ou la religion ? Qui doit-on préférer accepter sur notre sol ? Par exemple, qui choisir entre un bosniaque musulman mais européen ou un béninois africain mais catholique ? Et quid des immigrés hindouistes ou bouddhistes ?

De même, l’anti-islamisme devrait obliger à se définir sur le problème : intégration ou rapatriement ? Or si l’on désire intégrer certains immigrés, ils doivent avoir rapidement les mêmes droits que les nationaux de souche, dont celui de pratiquer leur religion... Si l’on désire rapatrier tout ou partie des immigrés, il est souhaitable qu’ils s’intègrent le moins possible et qu’ils restent le plus différent possible, or dans cette optique pratiquer leur religion participe du maintien de leur spécificité... Dans les deux cas l’option anti-musulmane est aussi inopérante qu’aberrante

Enfin, l’anti-islamisme est gros d’alliances contre-natures et de positions paradoxales qu’il faut bien assumer. Doit-on comme feu Pym Fortuyn défendre le mode de vie des gays par opposition aux imams homophobes ? Doit-on s’opposer au retour à la non-mixité dans certains lieux (écoles, piscines, etc.) par anti-islamisme alors qu’il y a quelques dizaines d’années on contestait avec virulence la mise en place de cette mixité ? Doit on défendre l’impudeur vestimentaire parce que les islamistes sont favorables au port du foulard ? Doit-on prôner le droit au blasphème alors que celui-ci peut s’exercer in fine contre toutes les religions y compris celle des français natifs ? Doit-on considérer tous les anti-musulmans comme des alliés, y compris les sionistes les plus fanatiques et les représentants de la mixophilie laïque comme madame Michèle Tribalat (fort cotée auprès de certains nationaux) ou Orianna Fallacci ?

Par ailleurs, il y a une autre question qui n’est pas insignifiante : est-ce que l’anti-islamisme est porteur en terme de conquête du pouvoir ? Ou, formulé autrement, est-ce que ce combat fait voter pour nous ?

Et bien, la réponse est ... non ! Diverses études de sociologie électorale ont montré que les électeurs n’étaient pas le moins du monde sensibles à ce thème trop abstrait qu’ils n’arrivaient pas à relier à leur vécu quotidien. Par ailleurs, il n’est même pas certain que la base militante nationale se sente réellement concernée. Un livre « non-hostile » et extrêmement documenté sur les militants du Front national, Avec ceux du FN, un sociologue au Front national (Daniel Bizeul, Editions La Découverte, 2003) par exemple, traite très longuement de l’opposition à l’immigration des militants frontistes mais ne consacre pas une seule ligne à l’opposition à l’islam... Un autre chercheur, Patrick Lehingue dans « L’objectivation statistique d’un électorat : que savons-nous des électeurs du Front national ? », in Collectif, La Politisation, Belin, 2003, pp. 247-278, montre quand à lui clairement que la lutte contre l’immigration, donc a fortiori contre l’islam, n’est absolument pas le déterminant majeur des électeurs du FN. Si ceux-ci votent pour le parti de JMLP, c’est par un « sentiment de marginalisation sociale » et non pas par hostilité à l’islam ou aux immigrés et encore moins par racisme ou haine de l’autre. Il confirme ainsi ce qu’avait déjà évoqué Nonna Meyer dans Ces Français qui votent FN, Flammarion, 1999.

En fait l’électorat purement islamophobe est à la fois réduit – de l’ordre de 2 à 3 % - et il n’est de surcroît pas le nôtre, c’est l’électorat de de Villiers ou de Mégret, l’électorat d’une droite catholique, libérale et américanophile.

Il est donc incompréhensible, en dehors de toute considération de géopolitique et de grande politique, que l’on puisse vouloir engager le mouvement national dans son ensemble sur une ligne qui est une impasse électorale et qui loin de nous apporter des voix nous en ferait sans doute perdre.


4 – Quelles propositions ?

Avant toute chose, il y a un prolégomène à rappeler : les idées que nous défendons, du moins que je défends avec un certain nombre d’orateurs de cette Université d’été, ne sont pas des idées de blancs, d’européens, de français ou de catholiques. Ce sont des idées universelles qui transcendent les races, les nations et les religions. Elles ont été défendues et incarnées jusqu’alors par des individus aussi divers que les européens Oustrialov et Thiriart, le sud-américain Peron, les arabes Aflak et Saade ou l’hindou Bose, pour n’en citer que quelques uns. A ce propos on ne rappellera jamais assez ces deux phrases d’Evola « Ma patrie est là où l’on défend mes idées » et « L’important ce n’est pas la race du sang, mais la race de l’esprit. »

Ensuite, il faut se souvenir qu’il ne faut jamais se tromper d’ennemi et toujours remonter à la racine du mal. Or le mal en ce début du XXI° siècle, ce n’est pas l’islam mais la société marchande, le système libéral. Ensuite, il faut se poser la question de qui est notre allié objectif éventuel ? Qui est le plus proche de nos valeurs éthiques ?

Il est bien évident que pour moi la réponse n’est ni Washington ni Tel Aviv, ni le CRIF, ni Act up, ni Ni pute ni soumise, ni Fiammeta Venner, Orianna Fallaci ou Charlie hebdo…

Au niveau de la politique quotidienne, j’ai toujours pensé que notre combat devait être celui de la neutralité religieuse, d’un laïcisme national. Autant il est aberrant d’être islamophobe, autant il le serait d’être islamophile.

Autant il faut que l’islam ait toute sa place en France, autant il faut qu’il n’y ait que sa juste place. Pas plus, pas moins.

A ce propos je citerai quelqu’un qui n’est pas de ma chapelle, qui est sur des bases idéologiques assez lointaines des miennes. Il s’agit de Michel de Rostolan, qui vient du CNI, qui est le fondateur du Cercle Renaissance et Conseiller régional FN d’Ile-de-France. Il affirme avec sagesse : « Il me paraît nécessaire que tous les efforts soient développés pour consolider un « islam à la française », à stricte proportion de la population musulmane de nationalité française, et animé par des ministres du culte de nationalité française » ; on pourrait continuer en disant il faut qu’il y ait des mosquées, mais qu’elles soient françaises et érigées dans le respect du droit français.

Si nous voulons nous approcher du pouvoir, voire que des gens proches de nous y participent, nous devons être du parti du peuple français dans sa diversité ethnique et religieuse, non pas le parti d’une minorité d’une fraction de celui-ci.

Donc dans cette optique toute islamophobie, comme toute hostilité au catholicisme, doit être condamnée et proscrite.

Je conclurais en vous livrant trois pistes de réflexions.

La première est une citation d’Alain de Benoist, qui dans un texte d’analyse sur l’avenir du mouvement national, considère que : « L’alternative n’est pas de s’enfermer dans le bunker des “purs et durs” ou, au contraire, de chercher à se “banaliser” ou à se “dédiaboliser” (…). L’alternative est toujours la même : vouloir encore incarner la “droite de la droite” ou se radicaliser dans la défense des couches populaires pour représenter le peuple de France dans sa diversité ».

La seconde est encore une citation. Elle est issue d’un entretien qu’a accordé Gilbert Comte au magazine Eléments au printemps 2006 : « Quand à la droite, mes propos sonnent sans doute à ses oreilles comme du chinois ou du bambara. Aux familles bourgeoises apeurées qu’elle rassemble parfois électoralement, je souhaite seulement d’avoir encore assez d’énergie pour produire des « grands frères » sourcilleux comme il faut l’être sur l’honneur, à commencer par celui des filles. L’immigration a transplanté aux périphéries de nos villes des peuples restés encore très traditionnels. Ils y subissent depuis trente ans l’agression d’une modernisme destructeur sous toutes ses formes, à commencer par la permissivité et la domination de l’argent. Si la droite clabaudeuse avait été autre chose que ce qu’elle est, c’est-à-dire un ramassis de petits bourgeois bruyants mais apeurés, c’est là qu’elle aurait envoyé des missionnaires, afin d’y lever des secours. Mais il lui aurait fallu une audace qu’elle n’imagine même pas dans ses ronrons de nonagénaires. »

La troisième elle se résume en un nom. Rabat Kheliff.

Je suis sûr qu’aucun d’entre vous connaît cet homme. Pourquoi je vous en parle ? Parce qu’il est né en Algérie, qu’il est musulman et qu’il a été le fondateur de la grande mosquée de Lyon qu’il a dirigé pendant de nombreuses années. A ce titre il a tout pour déplaire aux islamophobes. Or le 5 juillet 1962, Rabat Kheliff fut le seul officier Français - j’insiste bien le seul - à désobéir aux ordres du général Katz et à se porter avec son unité au secours des pieds-noirs d’Oran alors massacrés dans les rues de la ville par le FLN. Plusieurs centaines de Français, dont les officiers catholiques et de souche se désintéressaient, lui doivent la vie.


Texte de l’intervention de Christian Bouchet à l’Université d’été d’Egalité et réconciliation (Villepreux, les 8 et 9 septembre 2007)