Le 24 juillet prochain, Reuven Rivlin deviendra le 10e président d’Israël en succédant à Shimon Peres. Si, en Israël, la fonction présidentielle est essentiellement protocolaire, le président a néanmoins un rôle de représentation et assure l’image d’Israël dans le monde. Avec Shimon Peres, « homme de paix » et partisan de la « solution à deux États », et Benjamin Netnayahou la diplomatie sioniste opérait sur le mode du bon et du mauvais flic. Exit le bon flic : Reuven Rivlin est une figure centrale du nationalisme israélien, partisan du Grand Israël et de la colonisation, considéré au sein même du Likoud comme un « faucon ». Celui qui commence ses interventions par « Bonjour de Jérusalem, capitale éternelle réunifiée d’Israël » a été soutenu pendant sa campagne par Le Foyer juif, le parti d’extrême droite de Naftali Bennett, et par l’aile la plus à droite du Likoud. Pourtant Benjamin Netanyahou, qu’il connaît depuis son plus jeune âge, aura tout mis en œuvre pour faire échouer sa candidature…
« Le CRIF adresse ses félicitations au Président élu qui prendra ses fonctions le 24 juillet prochain et lui souhaite beaucoup de réussite dans cette mission. »
Communiqué du CRIF
« Rivlin ne sera pas le président de l’État d’Israël, mais le président du Grand Israël. Il se servira de la fonction présidentielle pour faire avancer la colonisation en Cisjordanie, qu’il adule. »
Haaretz, 10 juin 2014
« Un personnage affable et volontiers gouailleur […]. Incarnation de la droite nationaliste la plus radicale, notamment s’agissant de son refus de toutes concessions territoriales envers les Palestiniens, Reuven Rivlin est cependant un personnage plus complexe qu’il n’y paraît, en ce sens qu’il est considéré comme un fervent partisan de la démocratie parlementaire, et de la démocratie tout court. »
Le Monde, 12 juin 2014
Né à Jérusalem le 9 septembre 1939, Reuven « Rubi »Rivlin est issu d’une famille rabbinique inspirée par Gaon de Vilna, un talmudiste du XVIIIème siècle considéré comme à l’origine de la coutume ashkénaze de Jérusalem. Originaire de Vienne, la famille Rivlin est à la fois une des plus grande familles ashkénazes (50 000 membres) et une des plus anciennes d’Israël, puisque certains de ses membres ont commencé à migrer vers la Palestine au XIXème siècle. La famille Rivlin a organisé des réunions gigantesques à Jérusalem, notamment en 1980 et 2009. Un film, The Tribe, a été tourné sur la réunion de 1980 par Lilly Rivlin.
Comme Benjamin Netanyahou, Reuven Rivlin se réclame de Ze’ev Jabotinsky, fondateur de l’aile la plus à droite du sionisme et inspirateur de l’Irgoun, l’organisation terroriste sioniste. En réalité, les deux hommes ont un rapport profond avec leur famille politique. Le père de Benjamin Netanyahou, Bension, n’était autre que le secrétaire de Ze’ev Jabotinsky quand celui du futur président, Yossef Yoel Rivlin, fut candidat à la présidentielle de 1952 au titre du Herout, l’ancêtre du Likoud. Rivlin se dit d’ailleurs fier d’être « un fils de Herout », dont il a dirigé la branche jérusalémite à partir de 1986, avant de diriger le Likoud entre 1988 et 1993. Piliers du Likoud, les deux hommes se connaissent depuis l’enfance. En effet, Rivlin assista même à la Brit Mila (circoncision au 8ème jour) de « Bibi » (Jerusalem Post, 10 juin 2014). Depuis, leur relation a connu « des hauts et des bas » selon Netanyahou. En réalité, les deux hommes se haïssent cordialement et « Bibi » a tout fait pour faire échouer la candidature de Reuven Rivlin en approchant sans succès le président de l’Agence juive, Natan Sharansky, l’ex-ministre David Levy ainsi qu’Elie Wiesel – qui n’est même pas titulaire de la nationalité israélienne.
Finalement, le candidat de Netanyahou, Silvan Shalom, sera contraint de se retirer pour une affaire de harcèlement sexuel, ainsi que le candidat travailliste Benyamin Ben Eliezer, obligé de se retirer à trois jours seulement de l’élection pour des soupçons de corruption (avec la découverte par la police la veille du scrutin d’un coffre bancaire de 2 millions de shekels en liquide). Un contexte qui a donc laissé la voie libre à Reuven Rivlin, élu le 10 juin 2014 par 63 voix contre 53 face au candidat d’Hatnuah (libéraux), Meir Shettrit.
Père de quatre enfants, végétarien depuis les années 1960, ce passionné de westerns, selon un post de son épouse Nechama sur sa page Facebook, a servi comme major dans Tsahal. Après avoir suivi des études à l’Université hébraïque de Jérusalem, cet avocat de formation a été administrateur puis président du Beitar Jerusalem Sport, en tant que membre du conseil municipal de Jérusalem où il a siégé à partir de 1978.
Élu député du Likoud en 1988, il est un pilier de la Knesset depuis lors, ayant même présidé le Parlement israélien de 2003 à 2006, et de 2009 à 2013. Il marquera sa présidence de la Knesset par sa campagne contre le désengagement de Gaza initié à l’été 2005 par Ariel Sharon. En mai 2009, alors que le pape Benoît XVI se rend à Yad Vashem, Rivlin refuse de se rendre à l’aéroport « pour accueillir un ex-membre des Jeunesses hitlériennes et de la Wehrmacht » (Le Monde du 12 mai 2009) et déclare : « Que peut-on faire ? Il en faisait partie. Avec tout le respect que je dois au Saint-Siège, on ne peut pas ignorer les casseroles qu’il traîne derrière lui. »
Cacique de la politique israélienne, il avait auparavant servi dans le gouvernement Sharon entre 2001 et 2003 comme ministre de la Communication. Il avait concouru pour le poste de président d’Israël en 2007, mais s’était retiré avant le second tour, tant l’élection de Shimon Peres semblait acquise. Confronté à cet échec, le faucon Rivlin fondit alors dans une crise de larmes. Un épisode resté célèbre dans les mémoires israéliennes.
Revoir l’analyse d’Alain Soral sur le projet de Grand Israël (extrait de l’entretien de rentrée 2013) :