Les pays, qui ont adopté la monnaie unique européenne, ont dû, selon Laurent Pinsolle, mettre en place « des politiques de désinflation compétitive salariale suicidaire ». Le gaulliste évoque le cas de la Suède. Cet état fonctionne toujours avec sa monnaie nationale et a relancé son économie sans inflation.
Un commentateur du blog m’a mis un lien vers un long papier du blog Solutions Politiques s’adressant à ceux qui prônent un retour au franc et à ceux qui manquent d’arguments pour leur répondre. Etant visé à travers mon article sur la Tchécoslovaquie, voici ma réponse.
La monnaie unique en question
De manière intéressante, j’ai l’impression qu’il y a des points importants d’accord entre nous, que ce soit sur les ravages du libre-échange pour les pays développés ou de la financiarisation. Certaines des solutions qui sont proposées sur ce blog sont intéressantes. En revanche, bizarrement, les questions monétaires sont évacuées comme n’ayant « pas beaucoup d’importance ». Outre un rejet de la politique de facilité qu’elles représenteraient, les dévaluations seraient vaines si tout le monde faisait pareil.
Et c’est curieusement là que l’auteur ne voit pas que l’euro provoque exactement cette politique de déflation compétitive qu’il dénonce pour les dévaluations. Justement, l’euro pousse les pays qui l’ont adopté à des politiques de désinflation compétitive salariale suicidaire, l’Allemagne ayant malheureusement montré l’exemple du fait de son entrée dans la zone euro avec des coûts salariaux 25% supérieurs à la moyenne. Bref, la monnaie unique pousse les salaires à la baisse.
Ce qui est un peu dommage dans cet article, c’est qu’il fait l’impasse sur la critique de l’euro en lui-même, son niveau trop élevé (qui pousse Airbus à choisir ses composants aux États-Unis), la politique de désinflation compétitive qu’il entraîne et le fait qu’une politique unique ne peut pas convenir à des réalités nationales aussi disparates. Le papier ne défend pas l’euro mais critique des comparaisons hâtives et les dangers d’un retour au franc. Revenons sur ces objections.
Comparaisons et raisons
Le cas argentin est suffisamment complexe pour que je le traite dans un prochain papier. Il faut noter que la crise avait commencé dès 1999, justement à cause du lien rigide entre le peso et le dollar et que la coupure de ce lien en 2002 et la dévaluation (de 72%) ont permis à l’économie de fortement repartir dès 2003, même si tout n’a pas été un long fleuve tranquille.
L’exemple tchécoslovaque est intéressant dans la mesure où l’auteur montre justement que depuis la partition, l’écart de richesse (mesuré en PIB par habitant) s’est réduit, signe que le fait d’avoir deux monnaies avait du sens. Mais l’auteur ne revient pas sur le principal argument issu de cet exemple : le fait que plus de 70 ans de vie commune n’avait pas fait de ce petit pays une Zone Monétaire Optimale, ce qui augure mal pour une zone euro beaucoup plus grande et diverse.
Plus que le Royaume Uni, où le poids de la finance complique l’analyse (car l’explosion de la bulle financière a été violente), le cas de la Suède est particulièrement intéressant car ce pays a utilisé la dépréciation de la couronne pour relancer son économie (plus de 4% de croissance) sans inflation. Enfin, il faut noter que la monétisation ne provoque pas forcément d’inflation comme le montre le cas étasunien, où le Quantitative Easing est équilibré par le désendettement des acteurs privés.
Comment financer la dette ?
Le deuxième angle d’attaque du papier, est que soit nous faisons défaut comme l’Argentine, soit, en abrogeant la loi de 1973, nous cédons à la facilité de la monétisation, qui devrait provoquer une hyperinflation. Cette critique est légitime. En effet, il est probable que les marchés réagiraient assez mal dans un premier temps, même si on peut soutenir qu’après coup, il n’y aurait pas de raison qu’ils nous traitent plus mal que la Grande-Bretagne si les finances publiques sont bien gérées.
Dans l’intervalle, la monétisation nous protègera de toute envolée des taux. Et elle ne sera pas inflationniste car les montants en jeu ne le sont pas. La masse monétaire se montant à 1900 milliards d’euros, 100 milliards de monétisation n’en représente que 5%, soit une croissance raisonnable. En outre, à partir du moment où l’Etat rembourse, il y a destruction de monnaie qui compense en partie la création. D’ailleurs, l’inflation n’a pas dérapé aux Etats-Unis malgré le Quantitative Easing.
Bref, les reproches faits par l’auteur peuvent être contestés et je note qu’il ne répond pas aux critiques qui sont portées à la monnaie unique et les mécanismes pervers qu’elle entraîne. Je reviendrai demain plus en détail sur le cas Argentin.