C’est Mediapart qui a levé ce gros lièvre, qui touche à la grande famille Lesquen pourvoyeuse de polytechniciens à la France. Étant de nature patriote, nous allons reprendre avec parcimonie les pièces de cette affaire sensible. Et elle l’est : après avoir obtenu 170 millions d’euros d’indemnités pour 848 d’entre eux, l’avocate Clélie de Lesquen-Jonas a fait de la rétention de fonds, ce qui n’est pas très déontologique, voire limite illégal.
« Après avoir fait condamner la SNCF pour discrimination, un collectif de retraités marocains vient de déposer plainte pour abus de confiance contre leur avocate. Ayant reçu les indemnités qui leur sont dues sur son compte professionnel, celle-ci met une condition à la remise des fonds : ils doivent signer une convention comportant des honoraires de résultat. Elle a ainsi déjà perçu 7 millions d’euros. »
Ils sont désormais 30 à s’être regroupés pour attaquer leur avocate, une plainte enregistrée le 7 mai 2018 à Paris et l’Ordre des avocats a été saisi.
- Le collectif de plaignants contre Clélie de Lesquen-Jonas, le 30 mai à Paris
« Dans un petit local syndical prêté par Sud Rail, près de la Gare de l’est, une vingtaine de chibanis se réunissent une fois de plus, ce 30 mai. Ils ont entre 65 et 75 ans, certains sont venus d’Alsace ou de Normandie. D’autres, décédés, sont représentés par leurs enfants. Beaucoup ont en main une chemise cartonnée remplie de paperasse qui retrace leur long périple judiciaire. La plupart attendent de toucher une indemnisation qui va de 100 000 à 340 000 euros. »
C’est sur ces sommes que la Clélie a retenu en moyenne 5% pour ses honoraires, ce qui fait à l’arrivée plus de 7 millions d’euros. Son calcul ? C’est Ahmed, 72 ans, qui le donne :
« Au début du mois de mai, on a tous reçu en recommandé une note d’honoraires de 21 000 euros de cette dame. Elle dit avoir travaillé 50 heures sur le dossier, pour chacun d’entre nous. Si on multiplie par 848 cheminots, alors elle a dû travailler pendant 5 ans, 7 jours sur 7, et 24 heures sur 24 ! »
Mediapart poursuit (son récit) :
« Vu leurs maigres retraites, aucun des chibanis de la SNCF ne peut régler une telle somme. Depuis, la plupart ont été convoqués individuellement dans un salon d’hôtel, où ils se sont vu proposer, seulement s’ils acceptaient de signer une convention, un chèque, non pas du montant de l’indemnité obtenue en justice, mais d’une somme amputée de 5 % d’honoraires demandés par l’avocate. “Du chantage !” s’indigne le retraité. »
« Une grande partie des 848 familles concernées a accepté le chèque tant attendu, même diminué de 5 %. “Il y a des gens dans des situations difficiles, il faut comprendre. Et puis certains sont illettrés”, confie Narjiss, dont le père est décédé en 2015, après 32 années passées à la SNCF. »
La Lesquen-Jonas rafle le paquet, alors que le vrai maître d’ouvrage dans ce dossier, c’est l’économiste et professeur de droit du contentieux Abdelkader Bendali :
« C’est moi qui ai monté le dossier et effectué tout le travail depuis 2009. J’ai collecté les bulletins de paye, fait scanner 8 mètres cubes de documents, fait faire des consultations juridiques, et rédigé des conclusions. J’ai passé dix années sur ce dossier, dans lequel j’ai fait travailler plusieurs avocats, des professeurs de droit parmi les meilleurs et des actuaires, qui n’ont toujours pas été payés. »
Le Pr Bendali a pris un avocat qui déclare que « c’est la plus grosse escroquerie que j’ai vue en trente-cinq ans de métier ».
Du côté de l’avocate blonde, tout est réglo : 810 anciens cheminots ont réglé ses honoraires, seule une poignée – « manipulée » – posant problème. Elle a même reçu des menaces de mort. L’affaire est donc très sérieuse.
« Me de Lesquen-Jonas assure par ailleurs ne pas avoir perçu l’intégralité des 30 000 euros prévus en 2016, à cause d’irrégularités commises par les associations. Elle reconnaît, en revanche, demander 5 % d’honoraires de résultat, soit la somme totale de 7,65 millions. Les 810 clients ayant accepté cette convention lui ont déjà rapporté quelque 7 millions d’euros d’honoraires… »
Elle s’insurge alors :
« “Oui, je deviens riche, je ne peux pas dire le contraire. Mais c’est de l’argent gagné à la sueur de mon front, répond l’avocate. C’était une prise de risque. J’ai sacrifié 4 ans et demi de ma vie, et si j’avais perdu en appel, j’aurais perdu 4 ans et demi de ma vie. D’ailleurs, je ne l’avais pas fait pour l’argent au départ. Franchement, je ne pensais pas qu’on gagnerait autant.” Me de Lesquen ajoute ceci : “J’aurais pu obtenir plus en demandant 10 ou 15 % d’honoraires de résultat, ce sont des taux habituels en droit du travail.” »
Nous qui commencions à croire que Clélie était au service des opprimés... un rêve s’effondre. Qu’en pense le père Lesquen ?