Moins de deux ans après l’arrivée de Florian Philippot dans les instances de direction du parti, plusieurs responsables s’inquiètent de sa trop grande influence.
Miroir, mon beau miroir, pourquoi ne suis-je pas, moi aussi, dans la lucarne ? « La télé rend fou... », commence Florian Philippot. « Elle rend fous ceux qui n’y sont pas », complète-t-il. Les détracteurs du vice-président du FN, eux, décrivent un toxicomane « addict » aux médias audiovisuels : « Il a été capable d’annuler au dernier moment un déplacement dans une fédération pour pouvoir participer à une émission de télévision. »
Jusque-là, le problème Philippot restait circonscrit au cadre d’une jalousie naturelle : encarté au Front national depuis 2011, l’énarque est devenu conseiller préféré de Marine Le Pen, avant d’accéder au haut de l’organigramme. La fusée a décollé. Après s’être contentés de tousser, ceux qui sont restés au sol, dans la fumée, lorgnent désormais sur le pas de tir. Tentés de le saboter.
En guise de plastiquage : des commentaires peu amènes sur son mode de communication – « On dirait un robot » – et, surtout, des critiques sur ses méthodes. Quatre dirigeants certifient que « Florian » a lancé des oukases sur trois journalistes. Pire : après avoir réclamé que plus personne ne parle avec eux, il continue, lui, à les fréquenter. Façon de monopoliser la parole. L’intéressé dément, et dément encore : « Jamais je n’ai fait ça. Ce serait stupide, ce genre de consigne ne marche pas. Je suis pour une relation normalisée, j’ai été le premier à lever le boycott que subissait Mediapart de la part du Front. »
Son handicap : il n’a pas de réseau dans l’appareil
Les attaques contre Philippot resteront anonymes : le phénomène est connu, s’attaquer au chouchou de la chef, c’est s’attaquer à elle. « Nous sommes au stade de la grogne, il se pourrait que l’ambiance tourne à la fronde », explique un lepéniste. « Philippot, c’est le locataire qui se prend pour le propriétaire. Il devrait faire attention : d’Alain Soral à Philippe Olivier, les gourous de Marine ont toujours fini par sauter. » Pour s’en prévenir, l’incontournable trentenaire devrait pouvoir s’appuyer sur un entourage.
Mais il manque de soutiens, et le reconnaît : il n’a pas pu prendre, contrairement à d’autres, le temps nécessaire à la constitution d’un réel et solide réseau dans l’appareil. Ce qu’il ne sait pas, en revanche, c’est qu’il possède moins d’amis qu’il ne le croit. Ainsi lui arrive-t-il, au moment de lister les gens qui l’apprécient, de citer quelques noms parmi ceux qui sont le plus assassins à son endroit.
L’homme qui dérange
L’homme dérange ? La ligne agace. Largement responsable de la non-participation de Marine Le Pen, le 13 janvier, à la manifestation contre le mariage pour tous, qui a tellement troublé, il est aussi celui qui a poussé la candidate du FN, en 2012, à ne rien lâcher sur la sortie de l’euro : « On n’a pas réussi à en faire la pédagogie », confiait la patronne en octobre.
Plus récemment, le 11 février, dans le semi-brouhaha d’une réunion du bureau politique, la députée Marion Maréchal a lancé à sa tante une remarque qui ne concernait pas qu’elle : « Attention à ne pas parler que d’économie et de social. Ce serait bien de revenir à nos fondamentaux : la sécurité, l’immigration. Sinon, comment se différencier de Mélenchon ou de Chevènement ? » Autour de la table, Philippot, l’ex-étudiant qui, en 2002, collait des affiches du « Che » par-dessus celles du « Menhir », a compris qu’il était – encore – visé.