Elle tombe comme la foudre, remuant tout sur son passage et se répandant dans les rédactions comme un virus incurable que rien ni personne ne semble pouvoir arrêter, sinon le temps et l’oubli : la dépêche AFP, fléau échappant à toute forme de contrôle, capable de faire et défaire les réputations en toute impunité.
Ce fléau, Jean-Paul Gourevitch, consultant international et spécialiste des migrations, l’aura constaté à ses dépens lorsque le 11 septembre 2014, l’Agence France Presse s’est penchée sur son dernier livre, Les Migrations pour les nuls, aux éditions First. Étonné que la célèbre collection « Pour les nuls » confie la rédaction de cet opus à un auteur indépendant qui ne donne pas l’impression de marcher sur des œufs, l’AFP a pondu en bonne et due forme une dépêche assassine.
« Est-il possible de confier la rédaction d’un ouvrage de vulgarisation sur l’immigration à un auteur souvent cité par l’extrême droite ? »
Dès la première phrase, le ton est donné et le lien établi avec « l’extrême droite ». Jean-Paul Gourévitch est un auteur repris par l’« extrême droite », ce qui d’emblée le disqualifie. Son crime ? « être cité à plusieurs reprises par la présidente du Front national (FN) Marine Le Pen et son entourage ». De quoi perdre toute crédibilité avant même d’avoir pu développer la moindre thèse. Sans compter que son livre serait « déjà contesté par des spécialistes ». Des spécialistes que l’AFP a spécialement démarchés et qui s’avèrent tous être de gauche et d’extrême-gauche…
Mais la journaliste, Charlotte Plantive, rédactrice de cette dépêche, ne s’arrête pas là. Non contente de définir M. Gourévitch comme « un auteur très marqué à droite », elle va multiplier les attaques en-dessous de la ceinture, tournant régulièrement 25 ans de travail en dérision.
Pour elle, l’ouvrage n’est autre que « 400 pages où se mêlent lexiques, chiffres et digressions sur la prostitution, l’islamisation ou l’insécurité ». Comprenez : un pur fantasme. Pour enfoncer un peu plus le clou, l’AFP se paie le luxe de citer sans modération différents chercheurs qui, bien entendu, ne partagent pas les observations de M. Gourévitch. Outre l’historien Benjamin Stora, qui estime que le coût de l’immigration est « un calcul impossible », la directrice de recherches au Centre d’études européennes de Science Po, Virginie Guiraudon, estime de son côté qu’« il y a une manipulation des chiffres » dans l’ouvrage.
Celle-ci n’hésitera pas à avancer sans rougir que l’auteur « utilise aussi des termes qui n’ont aucune rigueur scientifique, par exemple migration prénatale, comme si les fœtus décidaient de migrer », alors que n’importe qui est capable de comprendre que ce terme se rapporte évidemment aux abus liés au droit du sol, que l’on peut notamment constater à Mayotte.
Pour la sociologue, ce livre ne fait qu’alimenter « un discours anti-immigrés et anti-élites qui profite à l’extrême droite ». Et pour couronner le tout, le directeur de recherche à l’Institut national des études démographies (Ined) François Héran vient ainsi conclure la dépêche : « Le fait qu’un auteur comme celui-là soit chargé d’un livre d’initiation dans une collection aussi populaire est un signe révélateur de la lepénisation des esprits. »
Au milieu de ce torrent à charge, le lecteur lambda aura bien pu entrevoir une petite voix, celle de Gourévitch lui-même, clamant son indépendance d’esprit et sa rigueur, mais le bruit de la calomnie a tout emporté. Pour l’AFP, Jean-Paul Gourévitch s’est « exprimé plusieurs fois dans des cercles d’extrême droite, comme lors des “Assises contre l’islamisation de l’Europe” organisées en 2010 par le Bloc identitaire et l’association Riposte laïque, ou dans un entretien au site Égalité et Réconciliation de l’essayiste Alain Soral ».