Avant d’entrer dans les détails du « paquet de réassurances » récemment annoncé par l’Alliance, rappelons d’abord qu’il y avait urgence. Non pas à cause de la situation en Ukraine – les moulinets de l’OTAN n’y changeront strictement rien. Mais en raison de l’atmosphère qui risquait fort de s’envenimer au quartier général de l’Alliance à Bruxelles.
En effet, nombreux sont ceux qui partagent l’analyse d’Ian Brzezinski, auditionné devant la Commission des Affaires étrangères du Sénat US la semaine dernière. Cette figure éminente du Conseil de l’Atlantique n’y a pas caché son désenchantement : « La réponse de l’OTAN à l’invasion de l’Ukraine a été décevante. Six semaines après le début de cette invasion, la réaction de l’Alliance est un renforcement en grande partie symbolique de l’espace aérien balte, polonais et roumain avec des AWACS de l’OTAN et une vingtaine avions alliés, dont la plupart sont des F-15 et F-16 américains. Washington a également annoncé qu’elle envoie 175 Marines à sa base pré-positionnée en Roumanie et un navire en mer Noire. »
« Cette réponse hésitante fut déconcertante pour les alliés et partenaires de l’OTAN en Europe centrale. Elle a aggravé leurs inquiétudes pour ce qui est de la capacité de l’OTAN à agir de manière décisive, du pivot vers l’Asie annoncé par les États-Unis, et de la réduction de la capacité de combat US en Europe. Elle semble confirmer les affirmations de ceux qui prétendent que l’engagement de Washington à la sécurité de l’Europe a diminué. »
Or le paquet annoncé en fanfare hier est, au fond, toujours plus de la même chose. Selon le Secrétaire général Rasmussen « Il y aura plus d’avions dans l’air, plus de navires sur l’eau et plus de préparation sur terre ». C’est bien, cela occupe, mais ce n’est pas vraiment ce que cherchent les alliés les plus inquiets. Tout comme les Européens de l’Ouest du temps de la guerre froide, les alliés de l’Europe de l’Est veulent des « otages ». Autrement dit, le stationnement permanent d’un nombre conséquent de soldats US sur leur territoire. Car en cas d’une hypothétique agression armée de la part de la Russie, c’est le seul moyen sûr d’impliquer les Etats-Unis.
Force est de constater que, dans ce domaine, ils sont restés sur leur faim. M. Rasmussen a été particulièrement évasif à ce sujet. « Ils [les Alliés] vont aussi déployer des hommes pour rehausser notre état de préparation et intensifier nos activités d’entraînement et nos exercices. » À une question l’interrogeant la veille sur l’éventuelle installation en Europe de l’Est de bases permanentes de l’OTAN, le Secrétaire général a répondu qu’un futur « déploiement adéquat de troupes » était sur la table, mais qu’il fut cependant prématuré d’évoquer quoi que ce soit de concret à cet égard.
On attend peut-être de voir aussi l’état d’avancement des négociations de l’accord de libre-échange transatlantique pour décider des prochaines démarches ? Pour mémoire : sous le président Clinton, un document officiel du Pentagone eut l’obligeance de rappeler que « Nos alliés doivent être sensibilisés au lien qui existe entre le soutien américain à leur sécurité et leurs actions dans les domaines tels que la politique commerciale ». Et ce ne sont pas des paroles en l’air. Déjà en 1962, en pleine guerre froide, le vice-président des États-Unis en visite à Berlin avait brandi la menace d’un retrait des troupes américaines d’Allemagne si le Marché commun freinait les exportations de poulets américains vers le vieux continent… Tant qu’à vouloir faire un remake de la guerre froide, autant le faire jusqu’aux moindres détails.
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