Les cercles politiques à Gaza se sont demandé si le Hamas reviendrait dans l’axe de l’Iran après une rupture qui a duré plus de deux ans. Le 10 mars, Mahmoud al-Zahar, figure de proue du Hamas et dernier lien entre le Hamas et l’Iran, a annoncé que des démarches étaient entreprises pour restaurer la relation bilatérale.
Al-Monitor a appris d’une source proche de la direction politique du Hamas que l’Iran envisage aussi de recevoir bientôt le chef du Hamas, Khaled Meshaal, après un long bras de fer marqué par des discussions secrètes. La source a déclaré que le Qatar a servi de médiateur avec l’Iran pour rétablir les liens avec le Hamas. Fin février, le ministre qatari des Affaires étrangères Khalid al-Attiyah s’est rendu à Téhéran à cet effet.
La source a ajouté que la semaine dernière, l’Iran a donné le feu vert pour une visite de Meshaal, après des contacts entre Zahar et Marwan Issa, un haut dirigeant des Brigades Izz ad-Din al-Qassam, la branche armée du Hamas. Cette visite, attendue de longue date, se terminera par une rencontre de Meshaal avec le guide suprême d’Iran, l’ayatollah Ali Khamenei.
Lors de sa rencontre avec Meshaal et de sa récente et première visite au Qatar, le secrétaire-général du Jihad islamique Ramadan Shalah a discuté des détails de la prochaine visite à Téhéran.
Développements régionaux
La reprise des relations entre les deux parties a été annoncée le 10 mars par le chef du Conseil iranien de la Shura Ali Larijani, qui a dit, "L’Iran soutient le Hamas parce qu’il s’agit d’un mouvement de résistance. (...) Notre relation avec le Hamas est bonne et elle est revenue à ce qu’elle était. Nous n’avons aucun problème avec le Hamas."
Al-Monitor a interrogé un certain nombre de dirigeants du Hamas de premier et de deuxième rangs, dans le pays et à l’étranger, sur ce qu’ils pensent de la reprise de relations avec l’Iran. Lors d’une réunion dans son bureau à Gaza, un dirigeant du Hamas a déclaré à Al-Monitor, "Le mouvement ne saute pas d’un endroit à un autre, de l’Iran à l’Égypte, puis au Qatar et pour finir par revenir en Iran. Le Hamas ne s’est pas nécessairement trompé. Au contraire, le Hamas est en harmonie avec lui-même et avec sa ligne de libération nationale. Le Hamas s’est rangé du côté de la volonté du peuple, de son droit à la liberté et à former son système politique."
La source a admis que la tournure des événements dans la région, suite à l’éviction de l’ex-président Mohammed Morsi en Égypte a accéléré l’évolution des liens Iran-Hamas. L’amélioration des relations entre le Qatar, qui abrite Meshaal, et l’Iran est également un facteur clé dans le réchauffement des liens entre le Hamas et Téhéran.
"Bien sûr, les développements régionaux ont accéléré la reprise des relations entre le Hamas et l’Iran," a ajouté la source. "Peut-être le plus important [de ces développements] est la rupture brutale entre le Hamas et l’Égypte après le coup d’État, et la tension entre le Qatar et l’Arabie Saoudite. Cette tension a contribué à réchauffer les relations entre Doha et Téhéran, et a jeté une ombre sur le Hamas d’une manière positive."
Youssef Rizqa, ancien ministre de l’Information au gouvernement Hamas, a décrit la relation avec l’Iran comme stable et a dit que les deux parties étaient d’accord sur de nombreux points, en particulier sur le conflit avec Israël.
Le Hamas s’est félicité de la reprise de l’aide financière, car elle signale que les cercles décisionnaires à Téhéran n’ont pas émis de veto sur le mouvement. En outre, le Hamas est optimiste que la visite de Meshaal se traduira par une augmentation du soutien financier iranien.
Un soutien qui a été confirmé par Ahmed Youssef, ancien conseiller politique du dirigeant palestinien Ismail Haniyeh, qui a dit que le Hamas souhaitait développer ses relations avec l’Iran parce que ce sont des partenaires stratégiques et ils ont convenu de faire preuve de compréhension vis-à-vis de leurs positions respectives sur les questions litigieuses, en particulier la situation en Syrie.
Toutefois, la reprise des relations Hamas-Iran ne sera pas nécessairement saluée par tous alliés de Téhéran, notamment la Syrie et le Hezbollah, qui ne sont pas d’accord pour accepter le retour du Hamas dans leur axe.
Réconciliation avec le Hezbollah
Un dirigeant palestinien de premier plan au Liban a cherché à négocier la réconciliation entre le Hamas et le Hezbollah conjointement à celle entre le Hamas et l’Iran. Dans un entretien téléphonique avec Al-Monitor, il a confirmé que le Hezbollah affirme que des éléments du Hamas ferment les yeux sur la contrebande d’armes à la Syrie par le Liban et qu’on a découvert que des éléments du Hamas combattaient en Syrie. Il a aussi noté que certains Palestiniens ont été impliqués dans les bombardements des banlieues sud de Beyrouth, même si le Hamas réfutent ces accusations.
"Les efforts de médiation à huis clos entre le Hamas et le Hezbollah à Beyrouth ont abouti à un ’accord de désaccord’ sur la Syrie et la poursuite d’un partenariat stratégique", a-t-il noté.
La même position a été exprimée par Salah Bardawil, personnalité du Hamas, qui a dit que la relation du Hamas avec le Hezbollah est bonne, malgré des divergences sur la Syrie. Il a également fait remarquer que des efforts sont déployés pour rétablir les relations bénéfiques pour les deux parties.
Le Hamas ne se limite pas à parler de l’amélioration de ses relations avec le Hezbollah, mais il a commencé à envoyer des délégations aux partis libanaises pour qu’elles l’absolvent des accusations selon lesquelles il est le principal incubateur de groupes jihadistes et salafistes dans les camps palestiniens du Liban, au point que des représentants du Hamas se sont mobilisés pour prouver au Hezbollah leur innocence. Les liens entre les deux côtés existent toujours et aucun des deux ne songe à les rompre, en dépit des complexités et des divergences, en particulier parce que leur terrain d’entente est important.
Jihad Taha, personnalité Hamas au Liban, a dit lors d’un entretien du 16 mars avec Sadaaden.com que son mouvement envisageait de lancer une initiative pour renforcer les relations libano-palestiniennes et prévenir des affrontements interconfessionnels, indiquant que le Hamas souhaitait améliorer ses relations avec le Hezbollah par une série de réunions et de visites intensives avec les autorités libanaises de sécurité pour en assurer le succès.
Une source proche du Hamas a dit à Al-Monitor qu’on peut considérer la reprise des relations du Hamas avec Téhéran comme faisant partie de la "redistribution des cartes" dans la région au cours de ces derniers mois, en raison des évolutions en Égypte et en Syrie.
"La reprise des relations entre eux est maintenant à portée de main, parce que les décideurs du Téhéran shiite, à la lumière de la polarisation sectaire et politique qui domine la région, veulent rétablir les relations avec le Hamas sunnite et renforcer ses liens avec lui. Le Hamas, en retour, a besoin de cette relation à ce stade critique et il espère que la visite de Meshaal sera en cela positive. Elle insufflera un nouveau soutien au mouvement et l’aidera à résister au siège, qui s’aggrave comme jamais auparavant."